La vie d’étudiant s’embourgeoise

Le parc de kots étudiants du campus néolouvaniste se pare de résidences hyperéquipées et multiservices, qui entraînent avec elles une vague de rénovation.

Près de quarante-cinq ans après l’installation de l’Université catholique de Louvain (UCL) sur le site de Louvain- la-Neuve, en 1971, les grues et les pelleteuses font toujours partie du paysage. Et pour cause, le campus créé de toutes pièces n’en finit pas de grandir ; pas tant en termes d’infrastructures académiques, mais plutôt de… logements pour étudiants. Ces derniers sont une vingtaine de milliers à fréquenter les bancs des auditoires de l’UCL, et trouvent plus ou moins facilement à se loger. Voici quelques années, face à une situation de pénurie extrême comme la cité estudiantine en connaît épisodiquement depuis sa création, plusieurs chantiers ont été lancés, tant par l’UCL que par des promoteurs privés. Autant de projets livrés ou en cours de réalisation qui contrastent diamétralement avec les anciennes générations de kots, marquant un tournant non seulement immobilier mais aussi… sociétal.

 » L’évolution des logements étudiants a suivi celle des mentalités, acquiesce Didier Lambert, vice-recteur aux affaires étudiantes de l’UCL. Dans les années 1970, les kots communautaires comptaient 12 à 14 chambres parce que la vie en groupe prévalait dans la cohabitation entre les étudiants. Ils passaient plus de temps ensemble, partageant plus de tâches ménagères quotidiennes et de repas que ce n’est le cas aujourd’hui.  » A la fin des années 1980, les  » commus  » ont été limités à 10 chambres, puis à 8. Une réduction structurelle drastique doublée de la mise en place d’une offre de services pris en charge par l’Université : l’entretien technique des kots, le ménage hebdomadaire et la création d’un poste de responsable de quartier s’acquittant de la gestion locative des immeubles.  » Les années 1990 ont vu, à l’issue d’un grand débat au sein des instances de l’UCL, l’entrée de la télévision dans les ‘commus’, suivie, dix ans plus tard, de celle d’Internet « , ajoute le vice-recteur.

Des (r)évolutions immobilières qui coïncident avec une mutation de la notion de cohabitation. Voire… d’habitation tout court, les studios ayant depuis fait leur apparition dans les résidences étudiantes, sans plus être réservés aux seuls couples ou aux chercheurs et doctorants.  » Actuellement, l’étudiant classique – j’entends par là l’étudiant âgé de 18 à 23 ans qui ne s’est pas engagé dans une activité ou un projet bien précis (kot à projet, régionales, cercles) – est adepte d’un mode de vie résolument plus individualiste et plus… confortable « , dépeint Didier Lambert. De nouveaux paramètres auxquels répondent les récentes promotions de l’Université. Les immeubles de logements construits et inaugurés par l’UCL en 2011 (Mercator I) et 2013 (Mercator II) comptent désormais des studios, des  » commus  » de 4 à 6 chambres maximum et sont pourvus d’une série d’équipements : parkings à voitures et à vélos, buanderie commune (machines à laver et séchoirs à jetons), jardin…

Il en est de même pour les 49 kots de la société de logements de service public Notre Maison, fraîchement livrés à temps pour la rentrée.  » L’objectif était de produire des logements sociaux pour étudiants, bien sûr, mais plus encore d’apporter notre petite pierre à l’édifice afin d’augmenter l’offre et ainsi participer à rééquilibrer le marché, précise Nicolas Cordier, directeur de Notre Maison. Nous avons donc choisi de proposer un produit qui réponde aux exigences nouvelles, dans la mesure des subsides reçus et sans être tenus par un impératif de rentabilité.  » En résultent des  » commus  » de 5 à 8 chambres, modernes, confortables et bien équipés, à l’image de ceux de l’Université.

Des  » résidences-services  » pour étudiants

Cette qualité d’espace de vie atteint toutefois son paroxysme sur le marché privé. Les promoteurs n’ont pas tardé à adapter leur offre de logements aux nouveaux besoins des étudiants. Entre tous, c’est le groupe Eckelmans Immobilier qui a poussé la démarche le plus loin, procédant même à une enquête minutieuse en vue de créer un modèle sur mesure.  » Le rapport qualité/prix, le confort et la sécurité, voilà les trois critères sur lesquels les étudiants sondés se basent pour choisir leur logement « , énumère son directeur, Thibault Van Dieren. Ainsi sont nées les résidences de la  » Génération Campus « , dupliquées par le groupe dans différentes cités estudiantines du pays, à commencer par Louvain-la-Neuve avec Ladeuze en 2008, puis Lovano en 2011. Les deux complexes comprennent des  » commus  » de 3 à 6 personnes, ainsi que des studios d’une vingtaine de mètres carrés avec kitchenette et sanitaires privatifs, dont certains munis de lits jumeaux. Le tout assorti d’équipements collectifs pour le moins étoffés – salle d’étude, foyer avec billard, baby-foot et table de ping-pong, espace lounge avec grand écran, buanderie, coin fitness, coin repas avec terrasse et barbecue – et, surtout, de… services.  » Nous les avons d’ailleurs baptisés « résidences-services » pour étudiants, ponctue Thibault Van Dieren. Chacune a son concierge et, dans la mesure du possible, une antenne Eckelmans sur place.  »

Quid du reste du parc néolouvaniste de logements étudiants, en comparaison plus vieillot et… spartiate ?  » Il n’est pas délaissé pour autant et reste porteur, d’autant que le loyer demandé est moins onéreux. C’est la loi du marché, assure David Blondel, gérant de l’agence de l’Aiglon. Cela dit, il est évident que les « commus » de 4 à 6 personnes ont plus de succès que ceux de 12… Mais les biens les plus recherchés sont avant tout ceux qui ont été rénovés.  » Le courtier pousse d’ailleurs depuis trois ou quatre ans les propriétaires des biens qu’il a en portefeuille à entamer des travaux en ce sens.  » Le seul bémol, ce sont les parties communes, admet-il. Quand toutes les chambres d’un « commu » ne sont pas aux mains d’un seul et même propriétaire, la rénovation est plus difficile à envisager. Il y a toujours des réfractaires, et personne ne veut payer pour les autres.  »

Par Frédérique Masquelier

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