Un été au Palais d’Hiver

Les chefs-d’oeuvre de la pinacothèque de Dresde voyagent ! Après une escale remarquée – et surtout très appréciée – du côté de Munich, ils se posent cet été à Vienne. Un séjour emmené par trois superstars : Rembrandt, Le Titien et Bellotto.

Conçue en sept chapitres, l’exposition – installée dans le Palais d’Hiver du Belvédère, à Vienne – met en lumière la fondation et l’évolution de la collection de la pinacothèque de Dresde à l’époque baroque et à l’aube des Lumières (soit une sélection couvrant les XVIIe et XVIIIe siècles). Sans surprise, le parcours débute sur les présentations traditionnelles et autres considérations contextuelles : l’apogée économique de la Saxe s’imprime directement sur le paysage de Dresde. Mais le prestige de la région – transfigurée par de grands travaux – ne tient pas seulement à ces aménagements urbanistiques. La puissance de la Cour va également se traduire dans ses acquisitions artistiques.

Prestige mérité

La création de la collection remonte au règne d’Auguste Ier. Il fonde en 1560 la Kunstkammer (Cabinet d’art) qui rassemble alors toutes sortes d’objets. Mais c’est surtout au XVIIe siècle que la galerie de Dresde va vivre l’incroyable expansion à l’origine de sa réputation. Cette évolution significative est l’oeuvre de deux hommes : Auguste le Fort (1670-1733) et son fils, Auguste III (1696-1763). Tous deux accorderont une importance extrême à la politique d’acquisition. En l’espace d’un demi-siècle, ils parviennent – très habilement et non sans acharnement – à composer un ensemble unique et à l’imposer, sur la scène européenne, comme une référence en matière de collections princières. Le premier encourage l’enrichissement des vitrines avec des objets précieux de toute nature. Le second se concentre davantage sur les peintures. Il fait prospérer le fonds en faisant appel à des intermédiaires (des spécialistes basés dans différents pays) mais aussi en invitant, à Dresde, des pointures internationales. Quelques artistes français ou italiens (on pense entre autres à Louis de Silvestre ou Bernardo Bellotto) furent alors engagés comme peintres de la Cour. Une démarche qui visait également l’amélioration des productions locales.

Pour commencer : les sempiternels tableaux de cour représentant les princes électeurs dans toute leur splendeur, des vues de la nouvelle Dresde (la Florence du Nord comme on l’appela alors) mais aussi des cartes mettant en évidence les enjeux géographiques. La deuxième partie, elle, évoque l’Italie. Un lieu idyllique, source de nostalgie. En vedette, Bernardo Bellotto et son oncle Giovanni Antonio Canal (dit  » Canaletto « ). Ces peintres partagèrent le même fonds de commerce : tous deux se spécialisèrent dans les vedute ou panoramas de Venise.

Chapitre suivant, les portraits. Un genre à part entière et en plein essor depuis la Renaissance. D’emblée nous apparaissent quelques spécificités : certains artistes accordent une grande importance à la ressemblance (des visages aux traits burinés ou fatigués), d’autres à l’évocation du statut social (d’où le caractère particulièrement pompeux de certaines mises en scène) ou encore à la psychologie de l’individu. Mention spéciale pour Pietro Antonio Conte Rotari. Une totale découverte ! Le peintre réalise des portraits en respectant scrupuleusement le même format et en variant le plus largement sa palette d’expressions. Résultat ? Des oeuvres à collectionner et à combiner selon ses envies, de façon infinie.

Les cimaises suivantes éclairent la personnalité du célèbre historien de l’art et archéologue Johann Joachim Winckelmann (1717-1768). Visiteur fréquent à la pinacothèque de Dresde, il a écrit un compte rendu de ses expériences, contribuant ainsi à immortaliser la réputation légendaire de la collection. L’exposition présente de nombreuses oeuvres qu’il avait appréciées : Le Portrait d’une dame en blanc du Titien, le saint Jérôme de van Dyck ou encore Le Rapt de Ganymède de Rembrandt (voir l’encadré ci-dessous).

Cinquième temps fort, une évocation des notions d’originaux et de copies. Les collections royales sont réputées internationalement pour leurs prestigieuses peintures italiennes. Fleuron de ces acquisi- tions, la Madone Sixtine de Raphaël. Cette oeuvre ne fait malheureusement pas partie du voyage. Comment priver la maison mère de sa substantifique moelle ? Néanmoins, les visiteurs s’accommoderont sans trop d’aigreur d’une très belle copie.

Jolis bouquets et tables richement achalandées de lièvres et de gibiers agrémentent la suite du parcours. Ce chapitre revient sur un genre : la nature morte. La plupart de ces compositions acquises par la pinacothèque de Dresde furent signées par des artistes hollandais et flamands. Le recul historique a ouvert, pour bon nombre d’entre eux, les portes de la postérité. Mais le plus étonnant, c’est le regard particulièrement visionnaire et éclairé de ceux qui les ont recommandés : la plupart de ces peintres faisaient déjà partie de la collection au début du XVIIIe siècle. La visite se termine sur le rôle prépondérant joué par l’académie des Beaux-arts de Dresde pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle, dans le renouveau des théories académiques.

Cet assemblage pluriel et généreux souligne la diversité des oeuvres qui constituent la collection royale. Enfin, que dire des nombreuses correspondances entre Dresde et Vienne ? Rappelons seulement qu’à la même époque, le prince Eugène y amassait lui aussi ses trésors d’art. Mais ça, c’est une autre histoire…

Rembrandt, Titien, Bellotto. Esprit et splendeur de la pinacothèque de Dresde, au Belvédère (Palais d’Hiver), à Vienne. Jusqu’au 8 novembre. www.belvedere.at

Par Gwennaëlle Gribaumont

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