Ré-enchantons la nature

Guy Gilsoul Journaliste

Du XVIIe siècle à nos jours, les regards changent. La roche, l’oiseau, le ciel… non. Les peintres sont là pour nous rappeler l’importance de nos émerveillements.

Explorant au mieux les collections, Jean-Pierre De Rycke, le conservateur du musée de Tournai, interroge le regard posé sur la nature par des artistes que tout, souvent, oppose. Sauf, l’enchantement. Si on croise un merveilleux Paradis signé Jan Brueghel de Velours et un non moins délicat Bouquet de fleurs attribué à Van Kessel, l’essentiel du fonds couvre le XIXe siècle, du réalisme de Courbet au pointillisme de Seurat en passant par Fantin- Latour (un coloriste trop méconnu), Monet et Van Gogh (avec un dessin qui ouvre la voie à l’expressionnisme).

A ces grosses pointures s’ajoutent très habilement des artistes moins célèbres dont les oeuvres, du coup, prennent de l’importance. Et de songer au climat particulier et mélancolique des oeuvres de Ottevaere ou encore à une Marine fraîche et fougueuse réalisée par Fernand Allard l’Olivier en 1913. L’exposition peut aussi compter sur quelques prêts généreux. Un Greco venu de Toledo (Etats-Unis) ; trois Constable, dont une étude époustouflante de nuages, issus des collections de la Royal Academy de Londres ; un Paysage de montagne avec arc-en-ciel signé Caspar David Friedrich, venu de Essen ; ou encore un Vol d’hirondelles peint par le futuriste italien Balla, appartenant aux collections du musée d’Otterlo.

D’autres oeuvres, plus actuelles, attendent aussi le visiteur. Dès l’entrée, ce dernier est accueilli par un hippopotame ailé flottant par-dessus un champ de coquelicots (Tom Frantzen et Alexandre Dang). En fin de parcours, il découvre un ensemble de tableaux des plus étranges signés Platon H. De loin leur composition évoque celles des peintres abstraits. Ici des rencontres entre formes géométriques, là des émiettements informels. Or c’est bien la nature qui se trouve au coeur de ces oeuvres puisqu’elles sont chaque fois réalisées à partir, l’une de peau de saumon fumé, l’autre de pieuvres congelées, de plumes, voire de crabes, de papillons de nuit ou d’ailerons de requin. Ailleurs, un autre contemporain, Oscar Piattella, propose de rejoindre l’infiniment petit et donc aussi son contraire, l’univers des nébuleuses.

Pour le reste, la scénographie joue la carte des confrontations autour de deux façons d’envisager la beauté de la nature. La première serait convulsive. Le paysage sert alors d’écho au ressenti du peintre face à son motif. D’où les liens entre Renoir et Courbet par exemple. Il peut aussi prolonger les sentiments exprimés par les figures qu’elles soient religieuses (Le Greco) ou littéraires (Fantin- Latour d’après Wagner). La deuxième jouerait davantage la carte de la suggestion. Friedrich côtoie Constable ou encore Corot. Ajoutons enfin au plaisir, celui de la lecture du catalogue (éd. Somogy) dont les auteurs se partagent trois domaines, l’histoire des arts, la philosophie et la biologie.

La Beauté sauvera le monde, au musée des Beaux-Arts, Enclos Saint-Martin, à 7500 Tournai, jusqu’au 21 juillet, tous les jours, sauf le mardi, de 10 heures à 17 h 30.

www.tournai.be/musee-beaux-arts

GUY GILSOUL

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