EADS revient sur terre

Envolé, le marché des avions ravitailleurs américains ! Le groupe doit chercher d’autres solutions pour se renforcer dans la défense et hors d’Europe.

Les nombreux voyages du patron français d’EADS, Louis Gallois, aux Etats-Unis n’y auront rien fait. Ni l’alliance avec un partenaire américain de premier plan (Northrop Grumman), ni l’engagement appuyé des élus de l’Alabama, fervents soutiens du groupe européen qui promettait d’installer une usine dans cet Etat du Sud. A l’issue d’un feuilleton de dix ans, le contrat du siècle – 179 avions ravitailleurs pour l’US Army – vient d’échapper au challenger de Boeing. Le rêve américain s’est évanoui. Et avec lui, c’est la stratégie de diversification de Louis Gallois qui subit un sérieux revers.

Dès son arrivée aux commandes du groupe, le PDG, comme ses prédécesseurs, n’a eu de cesse de vouloir rééquilibrer les activités civiles et militaires, afin de moins dépendre des cycles de l’aviation commerciale. Si près d’une trentaine d’exemplaires de l’Airbus A 330 MRTT (multi-rôle transport et tanker) ont déjà été vendus (notamment au Royaume-Uni et à l’Australie), seul Washington avait le pouvoir de transformer ce programme en succès historique.

Depuis l’annulation du premier appel d’offres, remporté en 2005 par l’alliance Northrop Grumman-EADS, la prudence était de mise au siège parisien du groupe.  » Nous n’avons plus misé sur ce contrat, trop aléatoire « , assurent à présent, en privé, certains dirigeants. Pourtant, des équipes juridiques et commerciales ont travaillé d’arrache-pied pendant plusieurs années, et certains salariés s’étaient même déjà portés candidats à l’expatriation en Alabama ! L’usine d’assemblage aurait contribué à accroître les activités d’EADS en dehors de la zone euro. En fait, chacun espérait un partage du contrat entre les deux candidats. L’européen se serait même, selon certains, contenté d’une soixantaine d’appareils, pour répondre au besoin immédiat, et urgent, de l’US Army, pendant que Boeing aurait développé son dérivé du 767.

C’est l’ultime version de l’appel d’offres, publiée fin février par le Pentagone, qui a conduit Northrop Grumman à décider, le 8 mars, de se retirer de la compétition, considérant que les critères avantageaient de facto l’avion plus petit et donc moins cher de Boeing. EADS n’a pu qu’emboîter le pas à son partenaire. La mort dans l’âme. Northrop Grumman a-t-il subi d’amicales pressions ? Reçu des assurances ? Tel ce contrat de maintenance des ravitailleurs KC-10 décroché en octobre 2009 au nez et à la barbe de Boeing…

Une fois n’est pas coutume, si le retrait d’EADS a suscité l’indignation politique de ce côté-ci de l’Atlantique, Louis Gallois a préféré jouer profil bas. Le groupe ne veut pas se mettre à dos le Pentagone et se priver d’un accès au premier marché mondial de la défense. Car le contrat des ravitailleurs, c’est, à terme, 500 appareils. D’autres avions (de transport ou de mission de guerre électronique) devront également être renouvelés. Enfin, le géant européen espère toujours réaliser des acquisitions de moyenne taille outre-Atlantique. En pure perte ?  » Les Américains ont clairement affiché leur refus d’une coopération industrielle avec les Européens « , prévient Loïc Tribot la Spière, du think tank CEPS.

Du coup, des voix s’élèvent pour dénoncer l’ouverture faite aux Yankees sur nos propres marchés : qu’il s’agisse des missiles Javelin, achetés en urgence à Lockheed Martin à la fin de décembre pour l’armée française en Afghanistan, ou d’un tronçon de l’A 350 confié à Spirit, ex-filiale de Boeing. Mais – faut-il le rappeler ? – Eurocopter a vendu, en 2006, plus de 350 hélicoptères légers à l’armée américaine. A ce jour, le plus gros contrat militaire jamais remporté aux Etats-Unis par EADS.

Valérie Lion

EADS joue profil bas pour ne pas se mettre à dos le pentagone

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