Luc Delfosse

Le très étrange électrochoc de Marie Arena

Luc Delfosse Auteur, journaliste

On ne sait si l’opportune arrestation d’un suspect des tueries du Brabant ou, plus encore bien sûr, l’alignement stratégique du CD&V derrière le cercueil de Jean-Luc Dehaene à l’avant-veille des élections, seront de nature à changer à la marge l’issue du phénoménal scrutin de dimanche prochain. Mais on se perd en conjectures sur le sens et la nature exacte des retombées la déclaration de Marie Arena, la tête de liste du PS aux européennes, interrogées ce samedi lors du « Grand Electoral La Première Le Soir ».

Question : Peut-on négocier avec Bart De Wever ?

Réponse : « On peut négocier avec De Wever si on est fort !

Surprise : désormais, on peut ! Même « ce PS-là » pour rependre la petite phrase de BDW ! Mais qui parle au juste ? Imagine-t-on que l’ancienne ministre s’exprime à titre personnel, sans avoir reçu l’aval de ses patrons, Elio Di Rupo et/ou Paul Magnette ? Pas un seul instant, bien sûr, dans le climat paroxystique de cette fin de campagne où chaque mot, chaque geste, chaque engagement compte triple.

Cette très étonnante annonce fait en tout cas penser à celle d’un autre baron francophone de deuxième ligne, le MR Jean-Luc Crucke qui, il y a quelques mois avait rompu une lance en faveur d’un éventuel gouvernement « socio-économique » avec la NVA. Là aussi, il était impensable que le député libéral ait parlé sans l’aval des plus hautes autorités de son parti. Ou à tout le moins de son ami Didier Reynders qui, depuis, semble avoir changé radicalement d’avis sur le sujet.

« On peut négocier avec la NVA si l’on est fort »… Au PS, on dira évidemment que c’est la deuxième partie de la petite phrase d’Arena qui est, si l’on ose dire, capitale. Elle sonne comme un cri aux électeurs de gauche de ne pas « gaspiller » leurs forces. De faire front derrière le grand vieux parti qui serait le seul à pouvoir endiguer le raz de marée annoncé des populistes flamands. Mais alors ces quelques mots en disent long, très long sur l’état d’inquiétude qui règne au Boulevard de l’Empereur.

Y considèrerait-on que la cause est déjà entendue ? Que les élections sont d’ores et déjà perdues pour le PS dont la frange la plus radicale des électeurs, lassée des « compromissions », s’en ira la fleur au fusil vers les formations de l’ultra gauche dont les sondages nous disent qu’elles ont le vent terriblement en poupe ?

La déclaration de Marie Arena laissent en tout cas penser que la parti d’Elio Di Rupo craint de ne pas éussir à « sauver les meubles » comme il avait pu le faire lors des régionales de 2009 quand tout le monde, déjà, lui prédisait une Bérézina . L’humiliation avait été évitée grâce à une mobilisation sans précédents de tous les cadres de l’Action commune (parti, syndicat, mutuelle). Mais cette fois, quelle étrange partie de football panique ! Quelques heures après que Paul Magnette ait envoyé Bart De Wever aux pelotes -et réciproquement…- le parti aurait donc mandaté sa tête de liste européennes pour tenter le premier électrochoc politique d’une série qui devrait secouer la dernière semaine de campagne. Hélas, il y a gros à parier que, dimanche prochain, la question ne sera pas : « peut-on » négocier avec De Wever mais que… doit-on négocier avec le leader de la NVA. C’est donc une bien brouillonne stratégie et un fameux message de désespoir que Marie Arena nous livre aujourd’hui. Comme si le PS venait d’avouer que, sauf miracle, ce pourrait être sans lui. Partant l’apocalypse de la Belgique.

On verra dans une semaine si, prenant conscience de l’enjeu, les électeurs fuyants – et l’énorme réserve d’indécis- vireront de bord au dernier instant pour « voter utile », version socialiste. Pour l’heure, on retiendra de la déclaration de l’ex-dame de Binche qu’en politique, il n’y a évidemment ni morale, ni parole, ni tabou. Seul compte le rapport de forces qui, lorsqu’il est favorable, permet tous les scénarios. Même les mariages contre nature.

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