Cinq ministres de la Justice ?

La note du conciliateur Johan Vande Lanotte y allait fort en matière de justice : un mouton à cinq pattes plutôt qu’un modèle viable. Avec un ministère public restant fédéral et des magistrats du siège régionalisés.

A l’origine, la proposition  » justice  » de Johan Vande Lanotte (SP.A) tient en trois pages. Cinq fois plus que la partie de la note De Wever sur le même sujet, rédigée sur un coin de table en octobre dernier. Elle est toujours soumise à un feu roulant des partis flamands et francophones, dont le PS qui, pourtant, a ouvert la boîte de Pandore. Elle est donc toujours susceptible d’être amendée cette note qui va loin, très loin.

Depuis des décennies, les Flamands rêvent d’un  » grand tribunal d’arrondissement « , où les actuels tribunaux (correctionnel, jeunesse, travail, commerce…) deviendraient de simples sections, avec une section de plus pour le contentieux administratif (première instance du Conseil d’Etat). Vu la taille et la configuration de leur territoire, ils sont acquis à l’idée d’une réduction du nombre de leurs arrondissements judiciaires. En décembre 2009, les négociations du groupe Atomium pour la réforme de l’organisation judiciaire avaient buté sur les tribunaux du travail, le PS y tenant comme à la prunelle de ses yeux (les partenaires sociaux, également).

La note VDL ouvre donc la voie à une organisation différente des cours et tribunaux dans le nord et le sud du pays, les francophones restant attachés à la structure actuelle. Pour le PS, no problemo : c’est l’occasion de décentraliser la gestion judiciaire selon le projet Themis concocté par Laurette Onkelinx, lorsqu’elle était ministre de la Justice.

Mais où s’arrête la  » gestion  » et où commence la  » procédure  » ? La note VDL s’en tire avec une pirouette. Dès que la protection juridique du justiciable sera en cause, la règle restera fédérale. Une mine de recours pour les avocats. La Cour européenne des droits de l’homme a déjà tranché, dans un dossier suisse, en faveur de l’égalité de traitement des justiciables d’un même pays.

La patte SP.A se retrouve dans le maintien d’un ministère public fédéral fort, dont les bras armés (et déjà réformés) sont la police fédérale (Intérieur) et les polices locales (bourgmestres). Restent également unitaires la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, le parquet fédéral et le Conseil d’Etat (délesté du contentieux administratif flamand sauf en cassation).

Le droit de la jeunesse régionalisé

La politique des poursuites va-t-elle demeurer fédérale ? Pas sûr… Les Communautés et Régions pourront y mettre leur grain de sel en fonction de leurs compétences. On ne coupera pas à une démultiplication des ministres ou ministricules de la Justice, avec un droit d’injonction positive. Cinq en tout, avec celui des germanophones, le fédéral et les trois régionaux ? Ce qui est certain, en revanche, c’est que la  » protection des mineurs  » sera radicalement différente au Nord, celui-ci exigeant (en tout cas, la N-VA) de pouvoir fixer les peines et les règles de dessaisissement dans un sens – évidemment – plus répressif.

Pour  » faire du chiffre  » en matière de transferts aux Communautés, la toute jeune et performante administration des Maisons de justice serait démantibulée.

Mais les plus malheureux dans toute cette affaire seront les Bruxellois. En note de bas de page du point  » a  » (organisation judiciaire), le conciliateur garde au feu le fer de la communautarisation de la justice, qui impliquerait un condominium fédéral franco-flamand s’exerçant sur la justice bruxelloise. Car on n’a pas encore parlé du BHV judiciaire et tout doit rester ouvert.

MARIE-CÉCILE ROYEN

LA JUSTICE BRUXELLOISE SOUS CONDOMINIUM FRANCO-FLAMAND ?

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