Pourquoi tant de haine ?

Le Premier ministre MR et le ministre-président wallon PS ne peuvent cacher l’inimitié qui les oppose. Idéologique, mais aussi personnelle. Plongée dans ces moments de la vie politique qui ont mené à cette animosité qui explose au grand jour.

La scène se déroule au Lambermont, la résidence du Premier ministre, et elle est sans doute appelée à devenir culte dans l’histoire de la politique belge. Lors d’une réunion budgétaire entre les différents gouvernements du pays, le 1er avril, le ministre-président wallon Paul Magnette (PS) expose fermement sa colère : il n’a pas été consulté préalablement au sujet de l’effort supplémentaire que le fédéral impose à sa Région. Le Premier ministre Charles Michel, qui se retranche derrière l’impartialité du SPF Finances, l’écoute avec un air mi-amusé, mi-consterné. Son adversaire sort de ses gonds :  » Charles, tu peux te garder ton sourire ironique.  » Impassible, Charles Michel l’invite à  » se ressaisir  » tandis que le vice-Premier MR Didier Reynders rappelle Paul Magnette à l’ordre :  » On ne s’adresse pas au Premier ministre de cette manière.  »

C’est un instantané de l’inimitié qui oppose le Premier ministre et le Premier wallon. Derrière cette guerre de chiffres, on retrouve tout le contentieux – lourd, très lourd… – entre le MR et le PS depuis la formation des gouvernements découlant des élections du 25 mai 2014. Tout l’esprit de revanche libéral face à l’amertume socialiste de voir ce petit Charles sans consistance succéder à Elio Di Rupo au 16.

Mais le bras de fer entre Michel et Magnette plonge ses racines bien plus loin, depuis le début de carrière de ces deux prodiges de la politique francophone. L’animosité est bien sûr idéologique, entre socialisme et libéralisme réformateur, mais aussi et surtout psychologique. Les deux hommes ne se supportent guère tant leurs styles sont opposés. Le premier de classe Charles Michel, baigné dans la politique depuis son enfance, est un pragmatique hyperprofessionnel, tandis que le surdoué Paul Magnette, mis sur orbite grâce à ses qualités, est un intellectuel hyperidéologique. Le premier incarne le Brabant wallon  » doré « , tandis que le second mène la bataille pour redresser l’image d’un Hainaut délabré. Tous deux sont extrêmement exigeants envers les autres comme envers eux-mêmes, et peinent dès lors à accepter la contradiction.

C’est aussi le reflet de leur image qu’ils rejettent sur l’autre. Cette certitude d’être sur le bon chemin et cette volonté indéracinable de tout faire pour que leur vision de la société triomphe sont issues de la nécessité qu’ils ont tous deux ressentie de s’affranchir de leurs racines familiales. Charles a dû s’émanciper de l’image envahissante du père Louis, ministre d’Etat, là où Paul a dû imposer son choix de la gauche au sein d’un milieu privilégié de professions libérales. Deux hommes qui ont échoué à s’entendre alors qu’ils auraient pu être complices. Récit.

2007  » Paul aurait pu être au MR  »

Milieu des années 2000. Paul Magnette est encore un politologue réputé, né d’une mère avocate et d’un père médecin. Président de l’Institut d’études européennes de l’ULB, il est régulièrement consulté par les médias pour décoder les méandres de l’actualité de l’Union. Un universitaire indépendant, du moins en apparence : ayant fait le choix de la gauche à 20 ans, il a milité aux Jeunesses socialistes. Il est également membre du comité scientifique du Centre Jean Gol, le service d’études du MR créé en 2005 par Hervé Hasquin, ancien recteur et président du conseil d’administration de l’ULB. Un rôle de consultant qui n’engage à rien politiquement.  » Ce fut à la demande d’Hervé Hasquin, se justifie d’ailleurs Paul Magnette. Mais je n’ai jamais milité au MR.  » Pour lui, l’idée de rejoindre les libéraux est sans fondement.

Il n’empêche : ce talent est courtisé. L’homme est, faut-il le dire, brillant, auteur d’une trentaine de livres. Au sein du MR, certaines personnalités de premier plan lui offriraient bien une place en vue. Louis Michel en tête, qui a multiplié les contacts avec lui sur la question des sans-papiers : il apprécie son engagement tenace sur ces thèmes au sujet desquels il a toujours défendu une ligne progressiste au sein du parti.  » Pour peu, Paul aurait pu être au MR, glisse une source libérale haut placée. Cela aurait été le cas si Hervé Hasquin avait mené les contacts à leur terme.  »  » C’est une pure invention, réagit Hervé Hasquin. J’ai fait appel à lui en tant que collègue, j’ai travaillé avec lui sur certains dossiers, mais c’est tout. Nous avons d’ailleurs toujours de très bons contacts, nous nous voyons régulièrement à l’Académie royale dont je suis le secrétaire perpétuel : Paul en est membre depuis 2013.  » Au moment de démissionner du comité scientifique du Centre Jean Gol, Paul Magnette laissera une lettre justifiant notamment son choix par le virage donné au MR par Didier Reynders et son soutien ostensible à Nicolas Sarkozy.

Entre 2000 et 2004, Charles Michel est quant à lui en charge des Affaires intérieures au sein du gouvernement wallon de Jean-Claude Van Cauwenberghe. C’est le plus jeune ministre de l’histoire du pays, un privilège qu’il doit aussi à un héritage familial bien mis à profit. Il affronte durement le ministre-président carolo sur la réforme des intercommunales ou sur la volonté de limiter les cumuls dans le sud du pays. Son attitude, qui irrite le partenaire socialiste, n’est pas étrangère au rejet du MR dans l’opposition régionale en 2004, d’autant que son père tente, à la même époque, une véritable OPA sur l’aile droite du CDH. PS et CDH s’allient contre le clan Michel, donnant naissance à une longue alliance Milquet-Di Rupo. Meurtri, Charles Michel range son approche radicale de côté.  » Peut-être sont-ce ces moments qui ont forgé ma carapace actuelle « , confiait-il la semaine dernière à Paris Match.

 » Franchement, lui et Paul Magnette auraient pu travailler ensemble, estime Corentin de Salle, membre du Centre d’études Jean Gol. Charles incarnait encore à ce moment le libéralisme social, tandis que Paul s’intéressait au libéralisme critique susceptible de mener à une troisième voie. Oui, il aurait pu figurer sur nos listes comme d’autres membres du comité scientifique.  »

L’évolution sarkozyenne du MR et la personnalité de Didier Reynders en décident autrement. Paul Magnette entame une ascension fulgurante dans la politique, mais au PS, qu’il rejoint en 2007 pour jouer le pompier de service à Charleroi, engluée dans les affaires. Le 20 juillet de la même année, il est propulsé par Elio Di Rupo pour un court intérim au gouvernement wallon. La trajectoire croisée des deux jeunes loups ne fait que débuter. Elle va faire des étincelles.

2009 Drogues :  » Je ne lui pardonnerai jamais !  »

Mai 2009. Paul Magnette et Charles Michel sont tous deux ministres fédéraux, le premier en charge de l’Energie et du Climat, le second de la Coopération au développement. Leurs premières joutes ne sont, déjà, guère sereines.  » Charles Michel était le plus arrogant au sein du Conseil des ministres, se souvient Laurette Onkelinx, alors vice-Première ministre PS. Il n’hésitait pas à s’exprimer pour contester des mesures, y compris contre son propre vice-Premier.  » Une crise interne au MR explique cette nervosité : Charles Michel crée le groupe Renaissance pour s’opposer au cumul des postes de vice-Premier ministre et de président de parti de Didier Reynders, une fronde qui portera deux ans plus tard le fils de Louis à la présidence.

Au sein du gouvernement en affaires courantes, un dossier de société va curieusement cristalliser cette opposition frontale entre le PS et le jeune ministre MR dont l’ambition est déjà débordante. Laurette Onkelinx, ministre de la Santé, se dit favorable au lancement d’un projet pilote permettant de tester gratuitement la qualité des drogues dites  » festives « . Charles Michel réagit publiquement, se déclarant  » sidéré et choqué  » par cette idée.  » Cette initiative est en décalage complet avec ce qu’il faut faire pour lutter contre les ravages provoqués par les drogues dures et incohérent par rapport à la politique que nous menons en matière de coopération « , clame-t-il, en référence à la volonté belge d’éradiquer la culture du pavot en Afghanistan. Laurette Onkelinx se dit à son tour  » sidérée  » par cette sortie. Le projet ne verra jamais le jour.

Des années plus tard, Paul Magnette laissera entendre qu’il n’a pas avalé la pilule car cela témoigne de la méconnaissance libérale des réalités de sa région.  » Charles Michel n’a sans doute jamais vu les ravages que font les nouvelles drogues de synthèse dans le Hainaut. Son attitude irresponsable a tué dans l’oeuf cette idée. Je ne lui pardonnerai jamais !  »

2011  » Le MR piégé par Di Rupo  »

Après avoir éjecté Didier Reynders de la présidence du MR, Charles Michel conclut son premier acte de bravoure en tant que président. Le 8 octobre 2011, huit partis concluent la sixième réforme de l’Etat sous la houlette d’Elio Di Rupo, sortant le pays de l’impasse institutionnelle dans laquelle il se trouvait depuis 2007.  » Le retour du MR à la table des négociations a permis de débloquer une situation particulièrement inextricable, s’enthousiasme-t-il. Cet accord donne enfin la possibilité de traiter les dossiers économiques, sociaux et financiers.  » Son parti paie toutefois le prix fort cet acte de courage politique : le cartel avec les FDF explose.

 » Charles Michel est persuadé d’avoir reçu la promesse de Di Rupo qu’en échange de ce soutien, le MR rentrerait dans les gouvernements régionaux, explique une source proche de la négociation. Mais Elio a sans doute sorti une phrase obscure dont il a le secret, pleine de double négations, et le MR s’est fait piéger.  » Pour Charles Michel, qui avait promis à ses troupes le retour rapide du MR au pouvoir, ce revers est amer. Pour lui, c’est clair, on ne peut décidément pas faire confiance aux socialistes…

Mai 2012  » Un 1er mai de pacotille  »

La mise en place d’un gouvernement de plein exercice sous la direction d’Elio Di Rupo n’a pas le don d’apaiser les relations entre Charles Michel et Paul Magnette, même s’ils ne s’affrontent plus directement au Conseil des ministres. Paul Magnette est à ce moment ministre fédéral, en charge des Entreprises publiques, de la Politique scientifique et de la Coopération au développement, tandis que Charles Michel, lui, a rejoint l’avenue de la Toison d’Or, à Bruxelles, en tant que président du MR.

Le 1er mai 2012, à l’occasion de la fête du travail à Charleroi, Paul Magnette s’exclame depuis la tribune :  » Ça, ça a de la gueule. Ce n’est pas ce 1er mai de pacotille pour notables à Jodoigne (NDLR : le fief de Louis Michel).  » Dans son discours, Paul Magnette met notamment en avant le combat permanent que doit mener le PS au sein de la coalition pour défendre l’indexation automatique des salaires face aux attaques du MR. L’ironie passe mal chez les libéraux. Willy Borsus, bras droit de Charles Michel, dénonce des propos  » presque injurieux  » dans la lignée de ceux tenus régulièrement par Philippe Moureaux,  » meilleur ennemi  » de Didier Reynders depuis vingt ans.

Le 1er mai libéral est récent, il est vrai. En 1994, pour contrebalancer l’effet médiatique de cet événement socialiste et revendiquer son ancrage dans le monde du travail, le père de Charles a créé un rassemblement similaire dans les rues de sa ville. En 2012, c’est l’occasion pour le MR de lancer une campagne de communication en vue des élections communales d’octobre 2012 sur le thème  » L’avenir, ça se travaille « . La sortie de Magnette est dès lors tout sauf neutre.

Corentin de Salle, ancien collègue de Paul Magnette à l’ULB, directeur du très conservateur Atlantis Institute et futur conseiller de Charles Michel, poste rapidement sur les réseaux sociaux un commentaire très dur :  » Paul Magnette est lui-même un gauchiste de pacotille. Il ressemble à ces jeunes intellectuels bourgeois qu’on retrouve dans le théâtre de Jean-Paul Sartre. Comme ceux-ci n’ont pas grandi dans les milieux syndicaux et révolutionnaires et qu’ils ressentent douloureusement cette absence de communion avec le peuple, ils tiennent des propos idéologiquement radicaux et outranciers sur la bourgeoisie et le libéralisme pour se faire pardonner leur origine bourgeoise et libérale.  » Il compare là encore Magnette à Philippe Moureaux, lui aussi issu d’un milieu bourgeois et fils d’un ministre libéral avant de devenir le principal défenseur d’une ligne marxiste dure au sein du PS.

Le MR a trouvé en Magnette sa nouvelle tête de Turc tandis que le bourgmestre de Molenbeek se dirige peu à peu, sans le savoir, vers la porte de sortie. Deux jours après le scrutin communal d’octobre, Charles Michel et son homologue du CDH Benoît Lutgen se téléphonent pour régler le cas de deux communes emblématiques où ils éjectent deux personnalités fortes et controversées du PS, Philippe Moureaux à Molenbeek et Claude Desama à Verviers…

Décembre 2013  » La réforme fiscale, une agression du MR  »

Paul Magnette devient président faisant fonction du PS le 17 janvier 2013 en remplacement du pâle Thierry Giet. Il est chargé de préparer les élections régionales et fédérales du 25 mai 2014 dans l’ombre du Premier ministre Elio Di Rupo. A lui de faire barrage à Charles Michel, avec qui il se retrouve à nouveau en face à face direct…

La campagne électorale en vue de  » la mère de toutes les élections « , comme on l’a surnommée tant l’enjeu était important pour l’avenir du pays, démarre sur les chapeaux de roue. Dès décembre 2013, Charles Michel en donne le coup d’envoi en présentant à la presse un ambitieux projet de réforme fiscale. Son coût : 5 milliards d’euros. C’est un coup de maître : le président du MR définit ainsi l’agenda de la campagne.  » Cela a été perçu chez nous comme un acte d’agression, dit un PS. Alors que nous gouvernions ensemble, personne n’avait été prévenu de cette sortie pour le moins indélicate.  »

Paul Magnette met rapidement l’Institut Emile Vandervelde au travail. La machine de guerre socialiste dénonce  » un projet irréaliste et irresponsable qui coûterait près de 20 milliards à l’Etat pour un projet de société injuste « . Durant plusieurs mois, le président tapera sur le clou pour dénoncer une  » supercherie  » libérale. L’ancien professeur d’université déteste les approximations et est régulièrement dédaigneux à l’égard de ceux qui n’ont pas la même rigueur scientifique que lui. A ses yeux, Charles Michel est coupable de légèreté idéologique et d’erreurs de calcul. Le premier de classe libéral ne lui pardonnera pas ces accusations.

Avril 2014  » Une louche en argent dans la bouche  »

Dans ce contexte déjà explosif, les traditionnelles escarmouches du 1er mai sont de la nitroglycérine. Paul Magnette exprime devant les militants hennuyers tout le mal qu’il pense de Charles Michel, ce Brabançon-Wallon bourgeois, par une petite phrase cinglante :  » Celui-là, ce n’est pas avec une cuiller en argent dans la bouche qu’il est né, c’était carrément une louche !  » Puis, lors de son discours du 1er mai, il se moque ouvertement du président du MR en l’imitant sur l’air de :  » Ah ça, Monsieur Magnette, ce n’est pas correct.  » Une phrase ressassée par Charles Michel, furieux des attaques à répétition contre  » sa  » réforme fiscale.

Quelques jours plus tard, Charles Michel riposte :  » Moi, je suis le fils d’un enseignant qui a choisi de se sacrifier, de consacrer une bonne part de sa vie à son engagement politique. Parmi les valeurs qu’il m’a apprises, il y a le respect.  » Et il ajoute :  » Les agressions du PS sont indignes d’un parti démocratique.  »

Mai 2014  » Au bord de la rupture  »

Le 5 mai en matinée, l’ambiance est polaire lorsque les deux hommes se retrouvent, à l’invitation du Vif/ L’Express, pour leur premier débat préélectoral, au coeur du Palais des académies à Bruxelles. Arrivé en avance, Paul Magnette a choisi sa place sous un portrait de Léopold Ier, laissant le soin à Charles Michel de s’asseoir sous celui de Léopold II qui lui fait face, non sans lancer avant la joute une pique ironique sur le caractère  » colonial  » du deuxième roi des Belges qui conviendra mieux au président du MR. Ce dernier est remonté comme un coucou, agacé par les deux débats télévisés organisés entre Paul Magnette et Bart De Wever, sans raison d’être à ses yeux vu que les deux personnalités ne se présentent pas devant les mêmes électeurs. Il attaque d’emblée :  » Quand Paul Magnette multiplie les débats avec Bart De Wever, il est l’agent électoral de la N-VA en Flandre.  »  » A partir du moment où De Wever fait toute sa campagne sur une caricature du modèle PS, il est normal que je lui donne la contradiction « , rétorque Paul Magnette.

Tout au long du débat, le ton est extrêmement rude, haché, virulent. Au-delà du fond, deux moments marquent les racines de cette animosité. Quand Charles Michel dénonce la responsabilité socialiste sur le délabrement du Hainaut, Paul Magnette s’offusque :  » Je connais le mépris du MR pour le Hainaut, je l’entends à longueur de phrases et cela me hérisse. Je le regrette car il y a là-bas des gens avec qui on peut discuter, c’est peut-être la frange du libéralisme qui est la moins gagnée aux thèses du capitalisme financier et qui a encore une fibre sociale.  » Charles Michel :  » Quand on exprime une critique légitime sur l’absence de résultats du projet socialiste, cela devient du mépris…  » La réplique de Paul Magnette est immédiate :  » Relisez vos phrases telles que : « le Hainaut est-il socialiste parce qu’il est pauvre ou est-il pauvre parce qu’il est socialiste ». « … Peu après, alors qu’ils s’étripent au sujet de la réforme fiscale et que Charles Michel rappelle le mérite de la précédente réforme initiée sous le gouvernement Verhofstadt, Paul Magnette l’interrompt :  » M. Michel ! Avez-vous étudié un petit peu d’économie ? Vous savez très bien qu’avec les taux de croissance que l’on avait à l’époque, ces emplois se seraient créés !  » Charles Michel :  » Arrêtez d’être méprisant ! Souriez un peu plus et soyez plus heureux !  » Paul Magnette :  » Je suis très souriant. Sauf quand je vous vois parce que c’est un peu compliqué. Dès que l’on essaie d’expliquer quelque chose, vous coupez la parole et vous faites un bruit de fond continu.  »

Ces deux personnalités en campagne jouent certes un rôle de composition, mais on sent que l’inimitié dépasse la com’ contrôlée. Paul Magnette avoue au cours de l’entretien que si c’est mathématiquement possible, il privilégiera une coalition progressiste après les élections. Dans Le Vif/ L’Express, nous titrons :  » Au bord de la rupture « .

Lors de l’entretien, Paul Magnette s’excusera maladroitement auprès Charles Michel pour ses déclarations du 1er mai. Mais le lendemain, juste avant la parution, Didier Reynders fait une sortie controversée à Matin Première, sur la RTBF :  » Sans les libéraux au gouvernement, ce qu’on a connu, ce sont les enlèvements et disparitions d’enfants, les affaires, la dioxine… Il a fallu le retour des libéraux pour remettre de l’ordre.  » Dans la foulée, le porte-parole de Paul Magnette fait savoir que le président du PS retire ses excuses. C’est la guerre.

Juin 2014 Magnette éjecte le MR, Michel éjecte le PS

Au lendemain des élections, des contacts sont pris tous azimuts pour mettre en place les coalitions du côté francophone. Charles Michel, fort de sa progression électorale, espère retrouver les majorités régionales et, par ricochet, le pouvoir fédéral, sans exclure une coalition avec le PS, même s’il discute aussi avec Benoît Lutgen de la possibilité d’exclure les socialistes. Tout est bon pour montrer en interne qu’il ramène le MR au pouvoir.  » La première coalition mise en place une semaine après le scrutin l’a été en Communauté germanophone, où notre parti frère a été exclu du pouvoir, dit une source CDH. Suite à cela, des discussions ont rapidement commencé dans la région liégeoise pour jeter les bases d’une coalition alliant MR et PS au niveau régional.  » Chez les socialistes, la tendance Marcourt est favorable à un rassemblement des deux principales forces wallonnes pour faire face aux défis de la Région. Elio Di Rupo, lui, n’y est pas opposé : il cultive toujours l’espoir de retrouver le poste de Premier ministre à la tête d’une tripartite et cette formule rend l’idée possible. Mais très vite, tout bascule.

En Flandre, le CD&V se dit ouvertement soucieux de  » mouiller  » la N-VA à tous les niveaux de pouvoir. L’espoir d’une tripartite fédérale s’éloigne.  » Au sein du PS, c’est l’aile plus  » radicale  » emmenée par Laurette Onkelinx à Bruxelles, et Paul Magnette en Wallonie qui a poussé en faveur de la conclusion rapide d’une alliance de centre-gauche avec le CDH et les FDF dans les régions francophones « , souligne une source proche des négociations. Quitte à délibérément compromettre la reconduction de Di Rupo au 16 : cette position a miné l’image du parti en raison des trop nombreuses concessions faites et a permis au PTB de décoller. Le 5 juin, dix jours après les élections, les trois partis annoncent l’ouverture de négociations, à la grande colère de Charles Michel qui parle d’une  » coalition des perdants  » et d’une  » grave mise en danger de l’Etat fédéral « .

Sa revanche sera rapide : au lendemain de la fête nationale, le 22 juillet, il met la suédoise sur les rails. C’est le début d’une nouvelle ère de confrontations.

Juillet 2014  » Paul aurait pu être commissaire européen  »

 » Jamais les socialistes n’auraient imaginé que Charles Michel oserait monter seul au gouvernement avec les trois partis flamands, surtout avec la N-VA « , nous a-t-on répété depuis à de nombreuses reprises, à sources diverses. Paul Magnette part en direction de l’Elysette à Namur : il quitte la présidence du parti, fonction que retrouve un Elio Di Rupo amer d’avoir quitté le 16, pour la ministre-présidence wallonne. Ce n’était pas son choix d’avant-scrutin.  » Plusieurs députés socialistes m’ont affirmé que si le PS retrouvait le pouvoir fédéral, le parti aurait présenté la candidature de Paul Magnette à la Commission européenne, glisse un ancien ministre. Il en avait incontestablement la carrure.  » Le défi qui l’attend est tout autre.

L’ancien professeur retrouve une nouvelle fois Charles Michel, frontalement, chacun à la tête de pouvoirs différents. Le jeune loup libéral prend un plaisir immense à occuper le 16 et goûte sa revanche sur le sort. C’est la consécration d’un homme souvent méprisé par le PS, mis de côté alors qu’il avait promis à ses partisans de revenir au pouvoir dans les Régions, qui a osé l’impensable en s’alliant aux nationalistes. C’est l’occasion pour lui de concrétiser la stratégie portée auparavant par son père : rallier tout le centre-droit et se poser en seule alternative au PS.

L’inimitié entre Michel et Magnette n’explique évidemment pas, à elle seule, l’évolution vers un  » fédéralisme de confrontation « . Mais elle n’aide pas à mettre de l’huile dans les rouages. D’emblée, la relation est partie sur de mauvaises bases : en août, l’informateur Charles Michel convie les ministres-présidents en audience, mais ceux-ci sont partis pour de courtes vacances après avoir terminé leur formation de gouvernement. Les attaques brutales du PS contre un gouvernement  » illégitime  » dans sa composition et  » injuste  » dans sa politique irritent le nouveau Premier. Quand Paul Magnette refuse d’accueillir le vice-Premier ministre N-VA Jan Jambon dans sa ville de Charleroi pour l’inauguration d’un nouveau bâtiment pour la police, Charles Michel parle de  » coup de com’  » et de  » choix préséparatiste « . Au PS, on parle de  » revanchisme du MR  » et d’attitude  » kamikaze « . Si tous deux affirment vouloir respecter les institutions, ils peinent à le faire parce qu’ils ne se comprennent plus du tout. Enfermés dans leur logique.

Avril 2015  » Dans quel état vont-ils laisser le pays ?  »

La guerre des chiffres budgétaires vient amplifier ce face-à-face devenu violent. C’est un ping-pong d’insultes. Paul Magnette estime que le Premier fédéral se comporte comme  » le ministre des Colonies qui reçoit les Dom-Tom « . Charles Michel avance que le gouvernement wallon fait  » le choix de l’irresponsabilité « . Paul Magnette juge que le MR est  » à plat ventre devant la N-VA  » et nuit aux intérêts des francophones. Charles Michel dénonce le manque de courage de Paul Magnette qui a fait  » l’erreur historique  » de cumuler la ministre-présidence avec le maïorat de Charleroi, au risque de ne pas s’investir suffisamment dans le redressement de la Wallonie.

Les deux hommes, en chiens de faïence, se posent en miroir la même question au sujet de l’autre. Cette même question que tout le monde se pose aujourd’hui :  » Dans quel état vont-ils laisser le pays ?  »

Par Olivier Mouton

 » Paul, ressaisis-toi !  » Charles Michel

 » Charles, tu peux te garder ton sourire ironique !  » Paul Magnette

 » Celui-là est né avec une louche en argent dans la bouche !  » Paul Magnette

 » Les agressions du PS sont indignes d’un parti démocratique  » Charles Michel

 » Je connais le mépris du MR pour le Hainaut  » Paul Magnette

 » Souriez un peu plus et soyez plus heureux !  » Charles Michel

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