La FEB change de figure de proue

Thomas Leysen cède ce jeudi le flambeau de la présidence de la Fédération des entreprises de Belgique – mais aussi du  » Groupe des Dix  » – à Pierre-Alain De Smedt, un homme brillant et au parcours atypique.

Il fallait un francophone pour présider ces prochaines années aux destinées de la FEB. Les anciens présidents de cette institution patronale sont allés le chercher à… Ostende. Pourtant, à 67 ans (il est né le 4 avril 1944), Pierre-Alain De Smedt pourrait profiter d’une retraite amplement méritée et contempler chaque matin, de son appartement surplombant le monument des Pêcheurs, les magnifiques levers de soleil sur la reine des plages. Raté. Nul doute non plus que son strapontin à la présidence de la FEB sera son  » bâton de maréchal « , tant l’homme est dynamique et entreprenant, même s’il reste méconnu du grand public.

Protection rapprochée

Diplômé de l’école de commerce Solvay, Pierre-Alain De Smedt a probablement accompli un des plus beaux parcours professionnels belges. Il a travaillé avec les plus grands, dans les plus grandes entreprises, aux plus hautes fonctions. Après son job de directeur administratif et financier chez Bosch Belgique (1971-1973) et d’une parenthèse comme administrateur délégué de Tractebel (1988-1989), il a enchaîné poste sur poste, avec d’innombrables responsabilités dans le  » petit  » monde de l’automobile, devenant le grand patron de VW Forest. Passionné, compétent, il ne laisse évidemment pas Ferdinand Piëch, le patron de Porsche et de Volkswagen, indifférent. Et quand le grand patron de la filiale brésilienne [NDLR : VW y exploitait alors une usine en joint-venture avec Ford] tombe gravement malade, c’est à Pierre-Alain De Smedt que Ferdinand Piëch fait confiance pour reprendre en main le volant du business américain. A l’époque, il s’agissait ni plus ni moins que de diriger la plus importante usine de VW hors de l’Allemagne mais aussi de tout le continent sud-américain ! Une première pour un non-Allemand. Pierre-Alain De Smedt avait alors pas moins de 65 000 personnes sous ses ordres et a appris à vivre avec une protection rapprochée, digne d’un chef d’Etat ! Parmi ses salariés à l’époque, il y avait un certain Luiz Inácio Lula da Silva devenu par la suite président du Brésil !

Europalia Brésil

Fort de son succès en Amérique du Sud, il est rapatrié par Ferdinand Piëch en Europe, en 1997. Cap l’Espagne, pour redresser Seat. Albert Frère – qui s’y connaît en matière de dirigeant – se souvient en tout cas de l’éphémère administrateur délégué de Tractebel à l’époque où il possédait encore 20 % du capital du fleuron belge. Juste avant son départ pour la péninsule, il lui propose de rejoindre le conseil d’administration de la Compagnie nationale à portefeuille (CNP). Avec l’accord de VW, Pierre-Alain De Smedt accepte. Ce premier mandat dans la galaxie du baron de Gerpinnes ne sera pas le dernier ! Pierre-Alain de Smedt est en effet encore aujourd’hui président (très actif) du groupe Deceuninck, installé à Roulers, et siège aux conseils d’administration d’Alcopa (groupe Moorkens), d’Avis Europe et de Belgacom. Il préside également le Salon de l’auto de Bruxelles. Ses responsabilités à la FEB l’obligent cependant à renoncer à la présidence de la Febiac (la Fédération belge de l’industrie automobile et du cycle). Mais, last but not least, à la demande de Georges Jacobs [NDLR : l’ancien patron d’UCB qui aujourd’hui, entre autres, préside Europalia], il a aussi accepté d’être commissaire général d’Europalia Brésil 2011, pour laquelle il peut compter sur les innombrables relais de premier rang qu’il possède encore dans ce pays.

De VW à Renault

Alors qu’il était aux commandes de Seat, Pierre-Alain De Smedt se voit approcher par Louis Schweitzer – l’ex-grand patron de Renault qui avait signé l’arrêt de mort de l’usine de Vilvorde – alors en quête d’un successeur à son directeur général adjoint en Amérique du Sud, Carlos Ghosn, envoyé au Japon pour s’occuper de Nissan. Pierre-Alain De Smedt hésitera plus de six mois avant de franchir le pas. Malgré l’offre alléchante de Ferdinand Piëch de rejoindre le  » saint des saints  » à Wolfsburg, le berceau historique de Volkswagen situé à une centaine de kilomètres de Hanovre.  » Mais Louis Schweitzer m’offrait Paris sur un plateau d’argent. Difficile de résister aux charmes de la Ville lumière et de ne pas la préférer à la ville-usine de Wolfsburg, témoigne Pierre-Alain De Smedt. Et ce d’autant plus que, comme COO ( Chief Operating Officer), j’obtenais la responsabilité du développement des voitures, les usines, les synergies (particulièrement celles avec Nissan), les achats et l’Amérique du Sud !  » Une vie de fou, menée tambour battant de 1999 à 2004, ne laissant souvent que des plages horaires planifiées avec minutie par sa secrétaire, juste pour pouvoir parler ne serait-ce que quelques minutes au téléphone avec sa femme et ses deux filles.

En 2004, comme convenu lors de son engagement, Pierre-Alain De Smedt quitte Renault et revient au pays. Rangé des voitures depuis ? Non, évidemment. Il y a tous les autres mandats, particulièrement les présidences de Deceuninck et de la Febiac. Et puis,  » les coulisses « . Comme président de la Febiac, il contribuera aux négociations autour du sauvetage – réussi – de l’usine de VW à Forest, tout comme, plus récemment encore, il a beaucoup £uvré avec Yves Leterme et Kris Peeters, pour le dossier Opel à Anvers.

Quelles seront ses priorités demain comme président de la FEB ? Pas question de laisser filtrer la moindre information avant sa prise de fonction, ce 24 mars. Mais il aurait pour ambition de booster les carrières de jeunes dans l’entreprise et de miser sur l’international. A suivre…

JEAN-MARC DAMRY

IL A CONTRIBUÉ AUX NÉGOCIATIONS AUTOUR DU SAUVETAGE DE L’USINE DE VW À FOREST

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