Léonard de Vinci, génie de la Renaissance

La basilique de Koekelberg accueille une expo-événement, dédiée à la création multiforme du géant florentin. Créé par les concepteurs de J’avais 20 ans en 40, elle allie le sens du récit à une folle générosité dans les ouvres rassemblées

Avec Léonard de Vinci, l’Europe est flattée. Il lui tend son plus beau miroir, dans l’encadrement doré de la Renaissance. Humaniste, architecte, visionnaire, peintre, sculpteur, savant, voyageur, patron d’atelier, ami des puissants, mondain maniéré, il est, à lui seul, une projection de l’idéal européen. Né en 1452 à Vinci, près de Florence, il est mort en 1519 au Clos-Lucé, près d’Amboise, sous la protection du roi François Ier, et non pas dans ses bras comme le veut la légende.

Que cet homme au cerveau extraordinaire, perpétuellement nourri du réel, libre et libéré dans les m£urs (il vivait entouré de mignons assistants) soit présenté à la basilique de Koekelberg n’est pas le moindre des paradoxes. Edifice discutable, objet permanent des railleries des Bruxellois, le cinquième plus grand lieu de culte catholique du monde (dit-on) est un concentré de belgitude petite-bourgeoise et patriotique. Au passage, et encouragé par l’expo Leonardo da Vinci, The European Genius, le panorama sur Bruxelles, du haut de sa coupole, vaut le détour.

Koekelberg permet à l’ASBL Collections et patrimoines (concepteur des expos Tout Hergé, Tout Simenon, J’avais 20 ans en 40) de donner la mesure de son savoir-faire et de franchir un seuil qualitatif, grâce à la qualité des pièces rassemblées à Bruxelles. Pour décrire l’environnement culturel dans lequel le peintre a vécu, des £uvres originales de ses contemporains (Raphaël, Michel-Ange) sont présentes, dont une série exceptionnelle de gravures de Dürer représentant la vie de Jésus-Christ, prêtée par un collectionneur privé. Le Nord de l’Europe, fraîchement sortie du Moyen Age, apparaît sous cette seule forme. La série presque complète de gravures (17 sur 20) n’a jamais été montrée au grand public. Elle donne de la gravité, sans l’alourdir, à une exposition baignée de douceur toscane.

Au vu des précédentes expositions de l’ASBL Collections & Patrimoines, le principe de la  » Leonardo  » était prévisible : une promenade didactique et sonorisée à travers des couloirs plongés dans une légère pénombre, ménageant moult surprises. On profite ainsi des £uvres, merveilleusement mises en valeur dans des coffrets intégrés dans les panneaux gris et lie-de-vin. Des haltes vidéo sont ménagées régulièrement. Le volume de la basilique autorise des surprises spectaculaires et/ou ludiques : une quarantaine de  » machines « , dont l’ancêtre de l’hélicop-tère, un pont tournant d’une vingtaine de mètres, la reproduction en majesté de la Dernière Cène de Tongerlo, issue des ateliers de l’artiste et copie directe de la Cène originale, dont Dan Brown s’est inspiré pour les besoins du Da Vinci Code. Le public pourra vérifier que Jean a bien les traits d’une femme…

Léonard en jeune David

L’exposition vise à offrir un panorama complet du génie de la Renaissance, en brodant souplement sur la ligne du temps. En quatre étapes, elle évoque l’homme, l’artiste, l’ingénieur et l’humaniste. Selon la légende, le David en bronze de Verrocchio est le portrait du jeune Léonard. L’apprentissage chez le maître de Florence est suggéré par le traitement du même thème, Scipion, par Verrocchio le sculpteur et par Léonard, son élève, en dessinateur surdoué. Un peu plus loin, et en guise de clin d’£il, Léonard réapparaît sous les traits d’Aristote dans une gravure d’époque. Il voyage beaucoup, notamment pour fortifier les côtes de la mer Adriatique. Parti de Milan, il y revient. Après avoir servi plusieurs maîtres, il va finir sa vie en France, où le romantisme du XIXe siècle lui a donné les traits d’un homme isolé et tourmenté – ce qu’il n’était pas.  » Il était plutôt Rubens que Van Gogh « , commente Jean-Christophe Hubert, directeur artistique de l’exposition.

La section dédiée à l’artiste, déjà esquissée dans la partie biographique de l’exposition, est évidemment le but du promeneur mis en appétit. On y accède crescendo, en commençant par l’architecture (le dôme de Milan), le dessin et les recherches anatomiques (l’homme de Vitruve), une variation sur le thème de la Joconde (dont un portrait réalisé par Salaï, assistant et amant de Léonard) pour arriver à la  » salle des peintures « . C’est là que se trouvent les pièces maîtresses de l’exposition, présentées dans une atmosphère intimiste. Ces pièces archi-connues du public sont amenées sans tapage scénographique ni appareillage savant. La Vierge aux Rochers, la Marie-Madeleine en cours d’authentification (il s’agirait en fait d’une Lucrèce, mais son attribut, le poignard, n’a pas encore été décelé sous la tache noire posée postérieurement dans le coin inférieur droit du tableau), la Madone au Fuseau, etc. : ces tableaux se laissent approcher à hauteur d’homme, à l’abri des vitres anti-balles.

La troisième partie de l’expo évoque l’ingénieur.  » Mais en visionnaire plus qu’en homme de l’art, souligne le directeur artistique, il n’a jamais construit quelque chose. Il observait énormément. Ses dessins sont comme des maquettes en trois dimensions. Il était comme beaucoup d’artistes. Une fois l’idée émise et couchée sur papier, il passait à autre chose… Cela lui a valu quelques procès de la part de commanditaires mécontents.  » La quatrième partie aborde son legs à l’histoire de l’Europe, avec principalement les célèbres codex, dont l’ASBL Collections & Patrimoines a acquis l’ensemble des fac-similés disponibles. Une mise en scène particulière est réservée au Vol des oiseaux, témoin de l’attention extraordinaire que portait Léonard de Vinci à la nature.  » L’humanisme est son testament par excellence, résume Jean-Christophe Hubert. Toutes ses recherches sur l’anatomie et le mouvement ne visaient qu’à cerner d’au plus près la vérité de l’homme.  » L’homme, paquet de muscles et de sang, inscrit harmonieusement dans le cosmos.

Leonardo Da Vinci. The European Genius. Une production de l’ASBL Europa 50, réalisée par l’ASBL Collections & Patrimoines. Basilique de Koekelberg, ouverte tous les jours, du 18 août 2007

au 15 mars 2008. www.expo-davinci.eu.

Marie-Cécile Royen

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