Thierry Denoël

PIB : merci les maquereaux et les dealers !

Thierry Denoël Journaliste au Vif

Cela ressemble au bal des hypocrites. A partir de septembre, la Belgique prendra en compte les chiffres du trafic de drogue et de la prostitution dans le calcul de ses indicateurs économiques. C’est une obligation européenne.

Ce sont les nouvelles normes du Système européen de comptes (SEC). En 2012, les Vingt-sept s’étaient mis d’accord pour inclure les activités souterraines dans le calcul de leur PIB. C’est à partir du mois de septembre prochain que cette obligation deviendra effective. Autant dire que cela arrange la plupart des Etats, surtout ceux où les activités criminelles sont importantes.

L’Italie a d’ores et déjà annoncé que les revenus estimés de la prostitution et du trafic de drogue seront désormais intégrés dans le calcul de son Produit intérieur brut. La Banque d’Italie a estimé que l’économie criminelle représentait près de 11 % du PIB national. Le Conseil italien pourra à coup sûr mener à bien son plan de relance de 60 milliards d’euros sans voir augmenter le déficit public. Il table sur une croissance dépassant les 1% en 2014.

Idem en Belgique. Le changement interviendra bien en septembre. La Banque nationale (BNB) n’a cependant avancé aucune estimation pour le moment. Mais cela ne devrait pas être sans conséquence.

Pour s’en convaincre, il suffit de voir les chiffres avancés par la CTIF (Cellule de traitement des informations financières) dans ses rapports sur le blanchiment d’argent sale. On devine donc que le PIB belge pourrait grimper de quelques dixièmes de pourcent, même si la prostitution est partiellement déclarée au fisc. Avec une croissance au plancher, ce n’est pas négligeable. On imagine mal le prochain gouvernement cracher sur cette aubaine, surtout à l’heure où la Belgique doit à nouveau corriger le tir budgétaire d’1,85 milliards d’euros.

Le Royaume Uni, lui, s’est plié de bonne grâce à l’obligation européenne, dès la semaine dernière, et a vu son PIB augmenter de 12 milliards d’euros avec l’introduction des chiffres de la drogue et de la prostitution. Les pays de l’Est, qui ont poussé la réforme des comptes européens, se frottent également les mains. Ils auront le plus à y gagner. C’est un peu moins vrai des Etats plus libéraux comme les Pays-Bas où la consommation et la vente de cannabis sont légalisés et donc déjà inclus dans les comptes nationaux.

L’explication de la réforme comptable européenne est très simple. Officiellement, il s’agit de s’aligner sur les normes internationales, essentiellement celles des Etats-Unis qui ont déjà coulé l’économie criminelle dans leurs statistiques officielles. Justification : si les activités illicites comme le trafic de drogue représentent un coût économique important pour les Etats, elles génèrent aussi des richesses. Le dealer de cocaïne qui s’achète une Rolex et s’offre des gueuletons dans des restos étoilés contribue à la croissance.

Hypocrisie ? Certes. Mais les responsables budgétaires européens y voient l’occasion de demander aux pays qui verront leur PIB augmenter d’alimenter davantage les caisses de l’Europe. Merci qui ? Merci les maquereaux et les dealers!

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