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Standard à vendre: six pistes et une tsarine pour faire exploser le club

Margarita, la veuve de Robert Louis-Dreyfus, détient près de 80% des parts du Standard. Le reste étant entre les mains de Lucien D’Onofrio. Problème: la tsarine cherche à reprendre ses billes. Mais alors que va faire D’Ono? Que va devenir le Standard? Enquête en six épisodes.

Margarita Louis-Dreyfus ne met jamais les pieds à Sclessin. Pas sûr qu’elle connaisse la différence entre le mauve et le rouge. Pourtant, c’est elle qui détient les clés du club. Elle en est l’actionnaire de référence et peut donc décider de son avenir à tout moment, si elle décide de revendre ses parts et trouve un acheteur.

C’est une jolie femme de caractère. Née à Leningrad, orpheline dès l’âge de 7 ans quand ses parents sont tués dans un accident de train. Mariée au richissime Robert Louis-Dreyfus en 1992, ils ont eu trois enfants. Veuve depuis juillet 2009. Après la mort de RLD, Margarita annonce qu’elle va poursuivre toutes ses oeuvres. Dans les affaires comme dans le foot, où le groupe est actionnaire majoritaire à Marseille et au Standard. Promesse en l’air?

Dans le business en tous cas, Margarita Louis-Dreyfus a déjà prouvé qu’il n’en était rien. Et dans le foot? Il semble qu’elle continuera à s’impliquer à Marseille mais pas au Standard. Presque tous les échos concordent: elle veut se débarrasser rapidement des actions qu’elle possède dans le club.

« Mais pas à n’importe quel prix », concède Ivo Hungerbühler, gestionnaire de l’héritage familial de Robert Louis-Dreyfus. « Margarita Louis-Dreyfus se préoccupe d’abord de l’avenir du Standard. Elle ne cédera ses parts que si un acheteur vient avec un bon projet et le montant qu’elle réclame. Elle veut d’abord que le Standard s’installe au top du football belge, qu’il devienne le meilleur club de Belgique et refasse parler de lui en Europe. Si elle a le sentiment que tout cela n’est pas possible avec un nouvel actionnaire majoritaire, elle gardera simplement ses actions. »

Alors à quoi faut-il s’attendre dans un futur proche? Le Standard va-t-il changer de mains? Si oui, quelles en seront les conséquences concrètes?

Combien vaut le Standard?

Robert Louis-Dreyfus et Lucien D’Onofrio ont repris le Standard en 1999. Jusqu’en 2002, ils y ont injecté près de 35 millions au total. Depuis lors, il n’y a plus eu d’investissement : le club s’auto-suffit. Aujourd’hui, ses actifs (immobilisations, joueurs, etc) sont évalués à 60 millions. Un résultat exceptionnel. A titre de comparaison, Anderlecht est à 23 millions. Le Standard possède aussi 33 millions de fonds propres. Remarquable. Sur le dernier exercice comptable, le club a enregistré un bénéfice d’exploitation de plus de 10 millions, grâce à sa première campagne en Ligue des Champions. Bref, tous les voyants sont au vert.

Combien valent les actions de Margarita Louis-Dreyfus?

L’actionnariat du Standard se décompose en trois pans. L’ancien président André Duchêne et Robert Lesman possèdent encore quelques parts: c’est anecdotique. Lucien D’Onofrio a environ 10% des actions via sa société Kick International, basée aux Pays-Bas. Et le gros morceau, c’est la Financière du Standard, une société anonyme établie à Bruxelles et qui détient 89% des actions du club. Il y a trois actionnaires dans cette Financière: le président suisse Reto Stiffler, Lucien D’Onofrio et Margarita Louis-Dreyfus. En cumulant Kick International et sa participation dans la Financière, Lucien D’Onofrio possède plus de 20% de la valeur totale du club. Et Mme Louis-Dreyfus, avec ses enfants, approche des 80%. Elle en est donc l’actionnaire clairement majoritaire. En partant du principe que le Standard vaut 30 millions, ses seules parts représentent environ 25 millions. Et les parts cumulées de la famille de la Tsarine et de Lucien D’Onofrio peuvent donc être chiffrées à une trentaine de millions.

Tout cela va-t-il bientôt voler en éclats? Quels sont les scénarios envisageables?

Scénario 1 : statu quo

Un statu quo est toujours possible. Margarita Louis-Dreyfus reste l’actionnaire majoritaire et laisse la gestion quotidienne du club à Lucien D’Onofrio, nommé vice-président en 2004 puis administrateur délégué en 2010.

Scénario 2 : seules les parts de Margarita sont vendues

Bon à savoir: Margarita Louis-Dreyfus ne veut pas laisser Lucien D’Onofrio dans l’embarras. Si elle vend ses seules actions, D’Onofrio se retrouve subitement avec un nouveau patron et 20% de parts: il n’a plus rien à dire dans le club et il a de l’argent qui dort à Sclessin. Actuellement, il est un actionnaire minoritaire qui peut diriger uniquement parce que Robert Louis-Dreyfus lui avait offert ce privilège qui n’a pas été remis en cause après son décès. Du coup, la promesse que Margarita semble avoir faite à D’Ono devrait tenir: elle ne vendra ses actions qu’à un acheteur qui reprendrait aussi celles de Lucien D’Onofrio et posséderait ainsi presque les 100% du Standard.

Scénario 3 : Margarita et D’Onofrio vendent

Dans ce cas, Lucien D’Onofrio confirme ce qu’il a déclaré dans la presse il y a quelques semaines : il ne s’accrochera pas au Standard, il est un peu fatigué de son boulot à Liège. Dans le texte: « Je suis peut-être au Standard depuis trop longtemps. Peut-être que certains de mes choix ne conviennent pas, ou ne conviennent plus? Je me pose des questions. Aujourd’hui, je suis dans l’incapacité de dire si je continuerai mon travail dans ce club. Je prendrai ma décision en fin de saison. »

Va-t-il quitter Sclessin et entamer un nouveau chapitre de sa vie ailleurs? Un de ses proches nous a confié récemment qu’il avait été approché pour devenir le nouveau manager général de la Juventus. Il y occuperait le rôle qu’il joua autrefois au FC Porto. Autre piste à suivre: un contrat l’attend à Benfica, il n’a plus qu’à signer.

Scénario 4 : D’Onofrio rachète les parts de Margarita

C’est peu probable car il a déjà essayé et ça n’a pas fonctionné. Il a fait plus d’une offre de rachat à Margarita Louis-Dreyfus, qui n’a jamais accepté le prix proposé.

Scénario 5 : le Standard passe dans des mains exotiques

On a signalé récemment Lucien D’Onofrio au Qatar. Mais il y aurait négocié un transfert ou un partenariat plutôt qu’un rachat du Standard. On sait la famille royale qatarie folle de foot, mais elle s’intéresserait plutôt à un rachat de Manchester United…

La solution pourrait-elle passer par un autre pays de cette région? Pas impossible, des grosses fortunes issues de pays émergents ont pris l’habitude de mettre leurs billes dans des grosses pointures du football européen, quitte à y perdre beaucoup. Et dans ce cas, pourquoi pas au Standard?

Mais il y a mieux. Il y a quelques semaines, la presse italienne a avancé une autre piste. Antonio Giraudo, ancien administrateur délégué sulfureux de la Juventus, aurait fait une offre de reprise du Standard. Son avocat n’a pas démenti, disant seulement que toute conclusion était très prématurée. Toujours dans les rumeurs : la solution se trouverait dans un grand pays anglophone, chez un membre de la liste Forbes des plus grosses fortunes du monde. Et tout se décanterait dès la fin des play-offs. Ou encore ceci: le week-end de Pâques, des touristes belges ont aperçu Lucien D’Onofrio sur le yacht de Bernard Tapie dans le port de Monaco: alors, Nanard à Liège? En cette matière on le voit, les rumeurs sont nombreuses et vont bon train.

Scénario 6 : des entreprises wallonnes rachètent le Standard

Selon nous, la piste la plus probable mène à des repreneurs belges. « Lucien D’Onofrio cherche des investisseurs depuis longtemps, c’est connu, il ne s’en cache même pas », dit Jean-Marie Valkeners, responsable sponsoring chez Voo.

Quid du politique dans l’opération? Il pourrait avoir son mot à dire. Et cela ne passerait plus par Michel Daerden (qui a perdu beaucoup de son influence politique) mais plutôt par Jean-Claude Marcourt. Qui ne cache pas ses intentions et ce qu’il est prêt à faire pour le club: « Aucun projet ne nous a été présenté jusqu’à présent. Je ne suis pas au courant de tout, je sais seulement que Lucien D’Onofrio s’interroge sur son propre futur et l’avenir du club. S’il a besoin d’un soutien, d’un relais vers le monde industriel, nous pouvons ouvrir un dossier. S’il nous sollicite, nous pourrons nous mettre directement en marche. Un club de football a une valeur monétaire mais c’est aussi une symbolique forte. A Liège, personne n’est indifférent à l’avenir du Standard. »

Le ministre wallon de l’Economie signale également que « des industriels qui reprendraient le Standard ne pourraient plus être comparés aux mécènes qui investissaient dans le foot il y a 20 ans et avaient les yeux de Chimène pour leur club. Cela n’existe plus. Aujourd’hui, un investisseur exige de récupérer ses billes tôt ou tard. »

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Pierre Danvoye

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