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Pochettino, droit au but

Arrivé à Paris en janvier, l’entraîneur argentin profite de la trêve internationale pour souffler après trois mois bien chargés. L’heure est donc au premier bilan pour l’ancien coach à succès de Tottenham.

L’Argentin a débarqué à Paris avec un sacré challenge: imposer le style de jeu qui lui avait tant souri chez les Lilywhites mais aussi changer la mentalité de joueurs en fin de cycle avec Thomas Tuchel. Amener un vent de fraîcheur tout en modifiant le style de jeu et en trouvant des résultats, un sacré challenge!

C’est d’abord au niveau du dispositif tactique que Mauricio Pochettino a mis sa griffe. Si l’Allemand a commencé la saison avec un 4-3-3, il s’était essayé à une défense à trois à la fin de son aventure parisienne. L’Argentin, lui, a également privilégié un 4-3-3 classique à ses débuts mais a basculé vers un 4-2-3-1 qui le satisfait. Le 4-4-2, même s’il l’a utilisé à deux reprises, semble ne pas l’avoir convaincu plus que ça. Il privilégie un pressing haut, qu’il a appris de son mentor, Marcelo Bielsa. Ses équipes se caractérisent par des attaques orientées et rapides. Il compte sur la montée de ses latéraux et sur un impact physique de ses milieux de terrain qui viennent récupérer le ballon fort bas pour toujours être une option de passe. Son numéro 10 n’est pas spécialement là pour faire le jeu et ne doit pas avoir peur de se sacrifier et d’aller au combat plus bas sur l’échiquier, à l’image d’ Alli avec Kane devant lui chez les Spurs. En phase offensive, il privilégie le jeu court avec énormément de rotation de ses joueurs offensifs, qui tournent autour d’ Icardi.

Pochettino te fait souffrir comme un chien et tu le détestes pour ça. Mais le dimanche, tu es reconnaissant parce que le travail paie. » Daniel Osvaldo

Sur le plan comptable

L’Argentin reprend l’équipe à la dix-huitième journée, les hommes de la capitale pointent alors à la troisième place du championnat, tout juste derrière Lyon et le LOSC. Thomas Tuchel est limogé – à un timing peu opportun, le 24 décembre… – et malgré une large victoire 4-0 face à Strasbourg. L’actuel coach de Chelsea quitte le navire après onze victoires, deux nuls et quatre défaites en l’espace de quelques mois. L’Argentin signe quelques jours après pour devenir le trentième coach de l’histoire parisienne et écrire son deuxième chapitre dans la capitale française après deux saisons passées comme joueur au début du siècle. Trois mois après, l’ancien défenseur a remis le PSG sur les bons rails et regarde désormais d’en haut tous les autres clubs de Ligue 1. Cette première place, les Parisiens ont été la chercher après une victoire plus qu’intéressante face au Lyon de Rudi Garcia. Depuis son arrivée, Pochettino totalise neuf victoires, un match nul et trois défaites en championnat. Il a également qualifié les Parisiens pour les quarts de finale de la Ligue des Champions après avoir évaporé les rêves du Barça grâce, notamment, à une écrasante victoire au Camp Nou. Le succès le plus retentissant du Mister jusqu’à présent. Il a aussi remporté le premier titre de sa carrière d’entraîneur en venant à bout de l’OM lors du Trophée des Champions, quelques jours seulement après son arrivée. En Coupe de France, les anciens coéquipiers de Thomas Meunier poursuivent toujours leur petit bonhomme de chemin. Un bilan comptable plus que positif jusqu’à présent.

Différences et points communs avec Tuchel

Les deux tacticiens prônent la montée des latéraux, un pressing haut et une rotation des éléments offensifs. Cependant ils ont de nombreuses différences. Tuchel préconise la possession, parfois stérile, et va la plupart du temps au-delà des 550 passes par rencontre. L’ancien tacticien de Dortmund change également souvent de tactique et alterne aussi bien une défense à trois, à quatre ou à cinq. Sa superstar, Neymar, de qui il dépendait énormément, avait un rôle totalement libre au sein de l’attaque parisienne. Quant au disciple de Bielsa, il n’a pas peur de céder le ballon à l’adversaire. Le but, quand son équipe est en possession de balle, est d’aller le plus vite et le plus directement vers le but adverse.

Le haka de Maurice.
Le haka de Maurice.© BELGAIMAGE

Même s’il n’a pas pour habitude de changer constamment de dispositif tactique, il n’hésite pas à s’adapter à l’autre équipe. Il préfère monopoliser le cuir lorsqu’il affronte des plus petites formations mais n’a aucun remord à le céder lorsqu’il affronte les plus grosses écuries. Il l’a d’ailleurs très bien fait face au Barça et a profité des contres pour exploiter la vitesse de ses attaquants. Alors que son prédécesseur misait trop sur Neymar et Mbappé, l’Argentin souhaite au contraire leur enlever toute la responsabilité et profiter de leur talent plutôt que mettre toutes ses cartes sur eux.

Si le Sud-Américain n’a pas tant changé les noms composant l’échiquier parisien, il a toutefois modifié les places de certains de ses soldats. Souvent relégué sur le banc, Leandro Paredes a désormais un rôle capital. L’ancien milieu de Boca Juniors est, à l’image de Sissoko à Tottenham, chargé de réaliser la première passe tranchante. Chose qu’il a accomplie à merveille au Camp Nou en réussissant 93% de ses passes. Un autre pion capital est Marco Verratti. L’Italien est désormais placé un cran plus haut. Le but de cette modification? Trouver plus rapidement ses attaquants rapides comme Kean, Mbappé ou Neymar. Il passe donc de la première à la dernière passe. Si Neymar a gardé son poste sur le flanc gauche, le nouveau coach lui demande de venir récupérer le ballon dans l’axe pour décaler vers les flancs.

L’ancien entraîneur de Southampton a également retrouvé la confiance de joueurs cruciaux comme Mbappé ou Gueye. Au niveau des goals inscrits, nos confrères de L’Equipe rapportent qu’un tiers des roses a été planté sur phases arrêtées, un autre tiers sur des contres et le dernier tiers sur des attaques placées. En résumé, l’Argentin prône un rythme bien plus rapide et a solidifié le milieu pour récupérer le ballon afin de trouver ses attaquants rapides le plus vite possible.

Le Tottenham de Pochettino

Pochettino ouvre le premier chapitre de sa carrière d’entraîneur dans un club du top mondial. Même si les Spurs vont mieux ces dernières années, ils restent cependant une écurie du subtop européen et la différence entre Paris et Tottenham peut être bien grande à plusieurs niveaux. Tout d’abord au niveau des joueurs à disposition. Alors qu’à Londres, il devait tirer un maximum de potentiel de ses jeunes joueurs, à Paris il est entouré de stars mondiales. « Il faut deux coeurs quand tu es entraîné par Pochettino », déclarait Jack Corck, jadis sous ses ordres à Southampton. L’ancien attaquant Daniel Osvaldo allait plus loin: « Il te fait souffrir comme un chien et tu le détestes pour ça. Mais le dimanche, tu es reconnaissant parce que le travail paie. »

Le challenge est de faire passer ce message aux superstars parisiennes. Cette importance de la grinta, Pochettino va devoir la transmettre aux Français s’ils veulent soulever la fameuse coupe aux grandes oreilles. Et cette coupe, il a failli s’en emparer avec les Londoniens. Auteurs d’une campagne sensationnelle et épatante en 2018-2019, les Anglais échouent face à Liverpool en finale. L’apothéose de ce jusqu’au-boutisme et de l’abnégation pochettinienne a été exposée au monde entier lors de cette manche retour face à l’Ajax où Lucas Moura qualifie les Anglais dans les dernières secondes. L’exploit est suivi de larmes de joie et de fatigue tant ils avaient tout laissé sur la pelouse. Ce match est sans doute le point culminant du Tottenham de Pochettino.

Pochettino, droit au but
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Pourquoi ce parcours mérite autant d’être souligné? Tout simplement par le noyau à disposition quand on le compare aux autres grandes puissances européennes. L’Argentin a su tirer le maximum de son groupe et a atteint la finale sans avoir réalisé le moindre transfert sur toute la saison. Passer un an sans incorporer le moindre joueur semble inimaginable au PSG. S’il est indéniable que le club de la capitale verra de nouvelles arrivées lors du prochain mercato estival, Pochettino devra là aussi s’adapter. Alors qu’il avait l’habitude d’avoir un budget serré sous les ordres de Daniel Levy, il aura presque carte blanche grâce au portefeuille qatari. Lionel Messi est d’ailleurs l’objectif numéro 1 de Nasser al-Khelaïfi qui compte sur son nouvel homme fort pour convaincre le sextuple Ballon d’Or de rejoindre ses troupes.

Mais l’homme n’a jamais attiré de stars et préférait faire éclore des jeunes à l’image de Kane ou attirer des promesses. Un pari plutôt réussi lorsqu’on voit ce qu’il a fait d’Alli, Eriksen, Son ou Dier. Aujourd’hui piliers du club de la capitale britannique, ils n’étaient guère connus du grand public quand ils évoluaient en Championship, à Leverkusen ou au Sporting Lisbonne. Si son passage dans le nord de Londres est plus que réussi et qu’il fait toujours l’unanimité auprès des fans, sa fin de cycle a été plus délicate. La saison après la fameuse finale a été difficile. Les résultats ne suivaient plus et le message a cessé de passer. Youri Tielemans était d’ailleurs tout proche de signer à Tottenham mais des échos du vestiaire l’ont finalement éloigné.

Que doit-il améliorer?

Malgré un trimestre positif, Pochettino doit tirer un petit bilan et voir les aspects à travailler. Les Parisiens ont subi deux revers inquiétants face à des petites écuries comme Lorient ou Nantes. Des défaites étonnantes, surtout au vu du scénario puisque les Parisiens ont mené au score durant ces rencontres. C’est plus facilement explicable lors de la défaite face aux Canaris, arrivée tout juste après la qualification face au Barça et au cours laquelle Di María a dû quitter ses partenaires pour rentrer d’urgence chez lui suite à un cambriolage. S’il a affiché une sérénité remarquable et qu’il a bien recadré ses hommes à la mi-temps, le match retour face au Barça ressemblait à un déjà-vu. Le spectre de la remontada planait au-dessus du Parc des Princes mais les Parisiens peuvent remercier un Navas des grands soirs. L’ancien dernier rempart du Real est d’ailleurs le meilleur joueur de l’effectif ces dernières semaines.

Deschamps out, Zizou in?

On dit que ce que la France a gagné en palmarès, elle l’aurait perdu en ivresse. Celle censée transformer un match de foot en fête populaire. Et un sélectionneur surpayé en demi-dieu. Didier Deschamps est sobre depuis trop longtemps, son équipe de France avec lui. Preuve qu’on peut donc être champion du monde et sur la sellette. On dit que le public s’est lassé de la France de Deschamps, finaliste de l’EURO 2016 et championne du monde en 2018. Fatigué de ces rencontres sans émotion. De ces matches qu’on dit purges.

Si le football des nations regorge d’équipes sans idées, la France de Deschamps est surtout une équipe sans chaleur. Elle a pourtant un gros moteur. Celui de Blaise Matuidi hier, d’ Adrien Rabiot aujourd’hui. Et d’ Olivier Giroud, toujours. L’équipe de France est une machine de guerre. Invincible, certes, mais tellement prévisible qu’elle en devient sinistre.

Comment gérer un coach qui gagne? Comment virer un sélectionneur au bilan sans égal? La France rêve de Zizou l’opportuniste, mais la FFF jubile avec Didier le pragmatique. Si les Bleus se plantent à l’EURO, Deschamps n’aura plus grand monde pour le défendre. En sursis à Madrid, Zinédine Zidane n’a jamais été si proche du poste. Pour beaucoup, cela s’assimilerait au retour du beau jeu, du banni Karim Benzema et d’une certaine idée d’un football de copains. Celui qui rassemble devant la télé et avec un pack de bières. Celui qui ne rapporte pas toujours trois points, mais ramène souvent quelques jolis souvenirs.

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