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« La Finlande doit se fixer de petits objectifs »

Pas question pour Markku Kanerva, le sélectionneur finlandais, de prendre les autres de haut. « Nous nous fixons de petits objectifs et les résultats suivront d’eux-mêmes ».

Que représente la qualification de la Finlande pour le football finlandais?

Markku Kanerva: Avant tout, le rêve d’une génération s’est réalisé. Se qualifier pour un grand tournoi constitue l’objectif de la Finlande depuis des décennies. Je n’aurais jamais imaginé l’atteindre et j’en suis très fier, d’autant que plusieurs joueurs-clefs ont pris leur retraite en 2017. L’équipe a gagné en assurance et le football finlandais jouit d’une plus grande aura. Grâce à nous, les Finlandais s’intéressent au football et en sont fiers. C’est très important. Le football connaît un véritable boom dans le pays et tout le monde attend beaucoup de l’EURO.

Vous avez repris l’équipe en 2015, alors qu’elle était au plus bas. Comment avez-vous redressé la barre?

Kanerva: Les débuts n’ont pas été parfaits mais les joueurs finissent par prendre congé de l’équipe nationale… Le projet n’était pas dénué de perspectives. J’avais été adjoint de l’équipe pendant des années et je connaissais donc très bien les joueurs. Certains sont parvenus à assumer un rôle plus conséquent. Naturellement, après 2016, on n’espérait pas grand-chose et nous n’avons pas non plus obtenu de résultats. D’une certaine manière, ça a permis à l’équipe et à moi-même de développer notre jeu sans trop de pression. Nous nous sommes fixé quelques objectifs et, comme je l’ai dit, la qualification constituait un rêve un peu fou. Les résultats ont fini par suivre. Les premiers signaux nous sont parvenus en Ligue des Nations. L’Italie était la grande favorite de notre poule de qualification pour l’EURO mais nous avons remporté plusieurs belles victoires et avons commencé à croire en nos chances. Le reste appartient à l’histoire. J’ai évidemment dû procéder à quelques changements et j’ai mes idées sur la manière dont l’équipe doit jouer. J’ai un peu modifié la composition de l’équipe. Des nouveaux ont rejoint le noyau et d’autres ont obtenu un rôle plus conséquent. J’ai élargi le staff. Ses nouveaux membres m’ont aidé à former l’équipe.

Je n’aurais jamais imaginé l’atteindre et j’en suis très fier, d’autant que plusieurs joueurs-clefs ont pris leur retraite en 2017″ Markku Kanerva

La Finlande était-elle confrontée à une barrière mentale? Elle a organisé le Mondial U17 en 2003 et vous avez qualifié les U19 pour l’EURO 2009 mais la plupart des gens pensaient que la Finlande ne parviendrait jamais à se qualifier pour un grand tournoi…

Kanerva: En effet. Heureusement, plus personne ne peut le dire, maintenant! Je ne sais pas si c’était une barrière mentale. C’est lié à la qualité de l’équipe nationale et au statut du football en Finlande. Malheureusement, il n’occupe pas la première place. Il suffit de voir l’intérêt des spectateurs et de la presse. Le football compte le plus grand nombre d’adhérents mais nous n’avons jamais réussi à nous qualifier. Je ne pense pas que ce soit un problème mental.

Quel a été le moment clé des qualifications? Votre équipe a pris confiance mais l’Italie, la Bosnie et la Grèce étaient des concurrentes redoutables!

Kanerva: Pour gagner, il faut bien défendre et nous l’avons fait. Nous avons aussi trouvé le chemin des filets. Pas souvent mais assez pour gagner. Nous avons un bon équilibre entre attaque et défense. C’est ce qui a fait notre succès, même si notre match en Bosnie n’a pas été bon sur le plan défensif. D’autre part, je suis très content de voir l’équipe défendre en bloc. Nous avons développé notre jeu offensif en introduisant des variantes. C’était indispensable afin d’être plus efficaces.

Votre gardien a préservé ses filets inviolés lors de six des dix matches. Il est le seul Finlandais à pouvoir se produire dans un des cinq grands championnats européens. Le fait que peu de Finlandais évoluent au plus haut niveau vous tracasse-t-il?

Kanerva: Lukas Hradecky a une part prépondérante avec nos clean-sheets mais il a bénéficié de l’aide de toute l’équipe. J’aimerais évidemment voir évoluer plus de footballeurs finlandais dans les grandes compétitions mais je dois faire avec ce que j’ai, en espérant que le nombre de joueurs expatriés augmente à l’avenir. Si nous disputons un bon EURO et de bonnes qualifications pour le Mondial, nos joueurs susciteront automatiquement plus d’intérêt.

Teemu Pukki, de Norwich, a déjà marqué beaucoup de buts pour la Finlande. Quelle est sa principale qualité, hormis son sens du but?

Kanerva: On se focalise souvent sur le nombre de buts marqués par un avant. C’est évidemment sa principale mission mais Teemu fait bien plus que ça, à Norwich comme pour nous. Il participe bien à la défense et est même très sûr. Il est rapide, il a un bon timing dans le dos de la défense et il a le sens du but. Il est très fort mentalement. Il ne se prend pas la tête s’il ne trouve pas le chemin des filets. Nous l’avons remarqué à Norwich, quand il est resté muet plusieurs matches. J’aimerais avoir plus d’attaquants comme lui. Pour le moment, nous n’avons pas beaucoup de buteurs. Joel Pohjanpalo, de l’Union Berlin, a été blessé mais est de retour. Frederik Jensen a également été écarté sur blessure. Il joue à Augsbourg et a inscrit trois buts en Ligue des Nations. Il a été un joker très important. J’espère qu’ils auront plus de succès en club afin que Teemu Pukki ne doive pas porter tout le poids de l’attaque sur ses épaules et que nous ayons plus d’options s’il se blesse.

Que pensez-vous de votre poule, qui comporte la Belgique, le Danemark et la Russie?

Kanerva: C’est un groupe difficile. La Belgique est favorite du groupe. Le Danemark possède de très bons joueurs. Enfin, la Russie a l’avantage de se produire à Saint-Pétersbourg, devant son public. Ce sera un avantage pour elle. La Russie possède une équipe très forte, très soudée: la plupart des joueurs se produisent en championnat de Russie et ont l’habitude de jouer ensemble. L’équipe est très bien organisée, le jeu structuré. Nos trois adversaires sont contraints de nous battre. Ils ne peuvent pas se permettre de perdre des points contre nous. Nous sommes donc des outsiders et ça nous convient. Mais nous pouvons certainement prendre des points, cinq même, et nous qualifier pour le tour suivant.

Devez-vous gagner un match en particulier?

Kanerva: Certainement! Le premier match est important pour toutes les équipes. Nul ne veut le perdre afin de ne pas accuser d’emblée trois points de retard. Dans les grands tournois, toutes les équipes semblent prudentes durant ce premier match. Mais pour nous, les trois points sont cruciaux.

Vos trois rivaux vous sont supérieurs, qu’il s’agisse de leur classement ou de leur histoire. Cela veut-il dire que vous allez aborder vos matches plus défensivement?

Kanerva: Ça dépend de l’équipe que nous affrontons. Sur papier, elles sont meilleures mais nous devons élaborer un plan pour chaque match et tenir compte du style de jeu adverse. Par exemple, peu de pays ont beaucoup de possession du ballon contre la Belgique. Pas plus que contre l’Espagne ou le Portugal, d’ailleurs. C’est la réalité. Nous devons donc trouver le moyen de lui faire mal sur le plan offensif tout en défendant de notre mieux car la Belgique est très dangereuse quand elle attaque. Idem pour le Danemark et la Russie. Je change mes options défensives et offensives en fonction de l’adversaire.

Un sélectionneur, ça crée des liens
Un sélectionneur, ça crée des liens© BELGAIMAGE

En général, vous procédez en 4-4-2 ou vous optez pour un quintette défensif. Comment dépeindriez-vous votre concept et votre philosophie?

Kanerva: Nous devons être très efficaces en défense comme en attaque. Donc, les joueurs doivent savoir comment et où récupérer le ballon. La transition est cruciale dans le football contemporain. Que faire quand nous avons récupéré le ballon? Quand opter pour l’attaque? Les joueurs doivent savoir comment exploiter les brèches, s’infiltrer, quelles trajectoires adopter… Ce sont des détails importants que je dois passer en revue avec eux. J’ai des principes. Un de nos atouts consiste à nous placer de manière à pouvoir marquer. Par exemple, Teemu Pukki est un très bon joueur de contre. Nous avons différents systèmes défensifs. Parfois, j’emploie deux défenseurs centraux, d’autres fois trois. Nous devons être très souples et être capables de modifier notre tactique, voire le rôle des joueurs en fonction de l’adversaire ou du déroulement du match.

La Finlande n’a encore jamais disputé de tournoi. Comment compenser ce manque d’expérience?

Kanerva: Bonne question! En 2009, j’entraînais les U21 qui s’étaient qualifiés pour la première fois pour l’EURO et l’équipe comporte encore plusieurs participants à ce tournoi. Je sais donc ce que représente un tour final, même s’il y a une énorme différence. C’est une nouvelle expérience mais en fait, il s’agit d’un match. Bon, d’accord, il y en a trois au premier tour mais durant les parenthèses internationales, on dispute trois matches en l’espace d’une semaine. Ici, c’est en dix jours. Ça ne fait pas grande différence. L’attention médiatique est beaucoup plus conséquente, il y a nettement plus de travail mais les différences s’arrêtent là. Nous nous sommes aussi préparés aux qualifications pour le Mondial. C’est à peu près la même chose: nous passons dix jours ensemble et jouons trois matches. Ça a été très utile pour la préparation de l’EURO. Nous devons bien réfléchir à la manière de nous entraîner, de préparer chaque partie, de permettre aux joueurs de récupérer d’un match à l’autre, etc.

Dernière question: quelles sont les ambitions de la Finlande à cet EURO?

Kanerva: Les gens ici diront qu’elle doit passer… Nous devons nous fixer de petits objectifs. Si nous les atteignons, nous pourrons réaliser notre grand objectif, survivre au premier tour. Si nous disons d’emblée: essayons de passer, nous visons sans doute trop haut. Nous devons aborder chaque match séparément et nous fixer des objectifs intermédiaires dans chacun d’eux. Si nous nous concentrons sur ces objectifs avec succès, nous pourrons nous demander si nous avons atteint un palier. Ce serait une base importante pour nos matches, pour ne pas nous fixer uniquement sur les résultats. Naturellement, il y a des points à gagner et nous voulons aussi remporter des matches mais mentalement, il est très important de prendre en compte ces objectifs plus modestes et de se concentrer sur ce qu’il faut faire dans certaines situations. Les résultats suivront d’eux-mêmes.

Le regard frais d’Onni

Compte tenu de son lieu de naissance, Motherwell, il pourrait également briguer une sélection en équipe nationale écossaise, mais Onni Valakari joue bien pour la Finlande. C’est un grand talent, un des meilleurs médians offensifs du championnat cypriote et il intéresse plusieurs grands clubs européens. Chez lui, le football est une affaire de famille. Paavo, son aîné de deux ans, est footballeur, et son père Simo entraîne le club finlandais de KuPS, après avoir joué des années pour Motherwell et Derby County.

Pourquoi devez-vous connaître Onni (21)? Il est le next big thing en Finlande. En novembre, le sélectionneur, Markku Kanerva, lui a offert sa chance dans un match contre la France, championne du monde en titre. Les Français alignaient une équipe B améliorée mais les Finlandais aussi. Ceux-ci ont gagné et Valakari, de l’extérieur du petit rectangle, a glissé le ballon en arc, trompant Steve Mandanda. Des débuts en fanfare, donc. Cette saison, il a déjà inscrit treize buts pour Pafos, à Chypre. En mars, lors de la défaite 3-2 de la Finlande face à la Suisse, il a aussi délivré un assist.

Leeds le suit mais le Yorkshire Post a fait remarquer que les nouvelles règles consécutives au Brexit pourraient entraver son transfert. Valakari a un manager britannique qui aimerait l’attirer en Angleterre mais le médian a trop peu de points dans le système d’autorisation, assez complexe. Peut-être l’EURO va-t-il l’aider en ce sens.

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