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Pourquoi autant de joueurs américains s’imposent en Europe

Une nouvelle génération d’Américains s’impose en Europe. Le résultat du travail d’académies qui bossent en marge de la Major League Soccer.

Alexi Lalas a 50 piges et il est consultant foot pour la chaîne américaine Fox News. En 1994, il avait été une des révélations de la Coupe du Monde aux Etats-Unis, un pays qu’il avait aidé à sortir de la phase de groupes pour trébucher ensuite face au Brésil. Des prestations qui lui avaient valu un transfert en Italie. Il a joué deux ans à Padoue, alors en Serie A. Et il continue à dire que ce furent les plus belles années de sa vie. « Quand j’y suis retourné avec ma famille il y a quelques années, mon fils m’a lâché: Mais Papa, tu es traité comme le Pape ici. »

Qu’un club européen vienne se servir aux USA, ça semble maintenant la chose la plus normale du monde. » Alexi Lalas, légende de la sélection US

Avec sa barbe et ses cheveux roux, et sa guitare qui le quittait rarement, Lalas était un personnage culte du foot aux USA. Il se souvient de ce qu’il a vécu quand il est devenu le tout premier Américain à jouer en D1 italienne, dans une équipe où un seul coéquipier ( Marco Franceschetti) se débrouillait en anglais, où tout le monde était sur le cul qu’un joueur de foot sache aussi utiliser un instrument de musique. Quand il s’est acheté un fax pour communiquer avec son pays, ses coéquipiers ont fait des yeux comme des billes. Piqûre de rappel: le GSM n’existait pas et l’ordinateur n’était pas encore généralisé. Aujourd’hui, Lalas traîne toujours sa guitare, il possède son propre studio d’enregistrement et il compose lui-même. « Vous devez écouter mon dernier album, Look at you« , conseille-t-il.

Matt Miazga
Matt Miazga© BELGAIMAGE

Il sait que son transfert en Europe, il le devait à son excellente Coupe du Monde. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire de produire une prestation pareille pour traverser l’Atlantique. « Depuis quelques années, les Européens croient de plus en plus aux Américains et nos internationaux ont de plus en plus de crédibilité. Qu’un club européen vienne se servir aux USA, ça semble maintenant la chose la plus normale du monde. C’est dû au fait que nos académies travaillent bien, dans l’ombre de la MLS. Et c’est aussi parce que les joueurs osent partir en Europe à un âge précoce. »

22 ans de moyenne d’âge

Au moment où les Etats-Unis se sont qualifiés pour la Coupe du Monde 1990 après 40 années d’absence, il n’y avait que quatre footballeurs américains en Europe, et pas dans des clubs de première zone. Peter Vermes était à Volendam aux Pays-Bas, Paul Caligiuri à Meppen en D2 allemande, Tab Ramos à Figueres en Espagne et Chris Sullivan à Györi en Hongrie. Quatre ans plus tard, on en dénombrait sept à l’étranger, dont six en Europe. A l’époque, jouer au FC Saarbrücken ( Eric Wynalda) ou à Willem II ( Earnie Stewart) permettait encore de participer à une Coupe du Monde. Dans l’attente de la création d’un championnat professionnel, quatorze internationaux US préparaient le tournoi avec l’excentrique coach Bora Milutinovic, comme s’ils formaient un petit club.

En 2002, les Etats-Unis ont obtenu le meilleur résultat de leur histoire en Coupe du Monde en atteignant les quarts de finale face à l’Allemagne. Cinq internationaux se produisaient à l’étranger, dont Claudio Reyna, père de l’actuel international Giovanni Reyna.

Aujourd’hui, de nombreux jeunes internationaux A mais aussi des U21 jouent partout en Europe. Ils marchent sur les traces du sélectionneur actuel, Gregg Berhalter, qui a participé à deux Coupes du Monde (2002 et 2006). Il avait commencé sa carrière internationale aux Pays-Bas (Zwolle, Sparta, Cambuur) puis s’était retrouvé en Angleterre (Crystal Palace) et en Allemagne (Cottbus et Munich 1860) avant de rentrer au pays pour jouer en MLS avec LA Galaxy. Il a raccroché les crampons en 2011.

La sélection US actuelle est très jeune. Et une trentaine de joueurs internationaux, pas seulement de l’équipe A, sont présents dans onze championnats en Europe. Dix d’entre eux figuraient cette saison sur les listes remises à l’UEFA pour les matches de Ligue des Champions.

En novembre de l’année passée, Berhalter a sélectionné dix nouveaux noms pour des matches internationaux. Les 24 joueurs repris affichaient une moyenne d’âge de 22,2 ans et il n’y avait qu’un seul trentenaire ( Tim Ream, de Fulham). On y trouvait quelques mineurs comme Yunus Musah (Valence) qui a longtemps évolué pour les sélections anglaises de jeunes et Giovanni Reyna (Dortmund). Son père Claudio est resté un monument aux States, il a été pro à Leverkusen, à Wolfsburg, aux Rangers, à Sunderland, à Manchester City et à New York. Il totalise 112 matches en équipe nationale et il a participé à quatre éditions de la Coupe du Monde de 1994 à 2006.

Tim Weah
Tim Weah© BELGAIMAGE

Lors du match contre le Panama, qui s’est disputé en Autriche, le coach national a aligné pour la première fois en onze ans une équipe de joueurs actifs exclusivement en Europe. Avec une moyenne d’âge de 22,4 ans, soit la deuxième plus jeune équipe US de l’histoire.

Partenariats avec l’Europe

La nouvelle levée de l’équipe nationale est non seulement très jeune, elle est aussi multiraciale et a des origines un peu partout. Les parents de ces joueurs viennent du monde entier et ils sont rares à avoir passé leur vie en un seul endroit. Weston McKennie (Juventus) est né au Texas mais a grandi à Kaiserslautern, où son père était caserné. Plus tard, la famille est rentrée au Texas et il a rejoint l’académie. Quand il a eu l’occasion de signer un contrat professionnel en MLS, il a choisi de revenir en Europe et s’est engagé à Schalke, où la Juventus est allée le chercher en 2020.

Le gardien Zack Steffen a une mère d’origine allemande et il a été prêté par Manchester City au Fortuna Sittard. Comme McKennie, il a été formé à l’US Soccer Development Academy, créée en 2007 en collaboration avec la MLS pour faire progresser des joueurs et joueuses depuis les U12 jusqu’aux U18. En Europe, on voit toujours le championnat américain comme une retraite dorée pour des stars sur le retour qui souhaitent mettre encore un peu plus d’argent de côté (comme Beckham, Pirlo ou Nesta). Mais pour les jeunes Américains, la MLS est vue comme un tremplin vers les bonnes compétitions européennes.

Plusieurs franchises de MLS ont un partenariat avec des clubs européens. Le FC Dallas collabore avec le Bayern qui a, de cette manière, pu avoir le jeune défenseur Chris Richards en 2018. Ce joueur a récemment reçu sa première convocation en équipe nationale A. Et il a fait ses débuts avec les Bavarois en septembre de l’année passée quand Hansi Flick l’a fait jouer contre Schalke. Ce jour-là, il a remplacé Boateng. Son idole.

New York City fait aussi partie d’un réseau de clubs. C’est comme ça que le gardien Steffen s’est retrouvé à Manchester City. Dortmund a découvert Christian Pulisic à l’académie de Pennsylvanie et l’a revenu plus tard à Chelsea pour 64 millions.

Giovanni Reyna (qui doit son prénom à Giovanni van Bronckhorst, coéquipier de son père Claudio aux Glasgow Rangers) est né à Sunderland où jouait alors le paternel – qui a lui-même un père argentin ayant joué en D1 avant de fuir vers les Etats-Unis. Sa mère, Danielle Egan, s’est aussi produite pour l’équipe américaine. Et Reyna Junior est un produit de l’académie de New York City.

MattMiazga, le défenseur d’Anderlecht, a des origines polonaises. Il provient de New York et a été formé par l’académie de New York Red Bulls. Yunus Musah est né dans la même ville et a des parents ghanéens. Il a grandi en Italie puis s’est retrouvé à dix ans à Londres avec la famille, et là, des scouts d’Arsenal l’ont repéré. Il joue depuis la saison passée en Espagne et a fait partie des sélections anglaises à partir de 15 ans.

Rêve américain pour les parents, européens pour les enfants

TimWeah a un père archi-connu: George Weah, footballeur notamment au PSG, à Milan et Monaco avant de devenir président du Liberia. Et une mère jamaïcaine. Weah Junior a grandi à Brooklyn et s’est retrouvé à 14 ans au PSG qui l’a prêté au Celtic et aujourd’hui à Lille.

KonradDeLaFuente a des parents haïtiens et a passé son enfance à Miami. Il joue à Barcelone depuis l’âge de onze ans. L’Italo-Américain Nicolas Gioacchini a une mère jamaïcaine. Après avoir passé quatre ans en Italie, il est parti en France et il joue à Caen.

Les parents de Seba Solo viennent du Mexique et du Chili. Il a grandi en Californie et appartient à Hanovre, qui le prête à Telstar, un club de D2 néerlandaise. Un représentant de l’immense communauté hispanique aux Etats-Unis (50 millions de personnes), comme Ulysses Llanes, un attaquant d’origine mexicaine qui est aujourd’hui à Heerenveen.

Bref, cette équipe nationale américaine 2.0 est un melting-pot incroyable, un bouillon de cultures et de langues, à l’image du pays tout entier. Les USA ont été un rêve pour les parents de la plupart de ces joueurs, une façon de s’en sortir. Maintenant, leurs enfants font le trajet inverse. A la recherche du bonheur sur le Vieux Continent.

Happy birthday MLS!

La Major League Soccer, dont la première édition a eu lieu en 1996, fête ses 25 ans en ce mois d’avril. Elle avait commencé avec un an de retard sur le planning. Tout avait démarré en 1988 quand les Etats-Unis avaient obtenu l’organisation de la Coupe du Monde 1994 en promettant de mettre sur pied une compétition professionnelle.

La ligue américaine précédente (NASL) s’était éteinte en 1984. Sur la fin, elle ne comptait plus que neuf équipes, dont deux canadiennes (Montréal et Toronto) et le fameux New York Cosmos qui avait connu ses plus grands moments avec Pelé.

Des dix clubs qui se sont lancés en 1996, neuf sont toujours sur le plateau de la MLS, entre-temps élargi à 27 équipes. Parmi les membres fondateurs, il ne manque que Tampa Bay, rayé en 2001. Lors de la première édition du championnat, chaque club pouvait employer cinq joueurs étrangers. Et un plafond salarial avait été imposé. La première saison, les clubs ne pouvaient dépenser que 1,9 million en salaires et offrir maximum 192.000 dollars à un joueur. Aujourd’hui, le salaire annuel moyen en MLS est de 373.000 dollars et le plafond salarial total a été relevé progressivement. Un joueur peut toucher plus de 2,5 millions par saison. Depuis 2007, chaque équipe peut employer trois Designated Players qui ne sont pas concernés par les limitations des salaires. Une façon d’attirer des stars internationales. Une règle imaginée pour que David Beckham accepte de rejoindre LA Galaxy où il gagnait 6,7 millions par saison.

Giovanni Reyna
Giovanni Reyna© BELGAIMAGE

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