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Arrigo Sacchi: « Le foot italien est dépassé »

Arrigo Sacchi a fêté ses 75 balais la semaine passée. Au fait, que pense-t-il de la faillite italienne en Ligue des Champions et du titre promis à l’Inter?

Arrigo Sacchi n’a pas fait une énorme carrière de joueur. Enfant, il était fan de Puskas, pour la beauté de son jeu. « Ma mère me reprochait d’être fan d’un communiste », lâche-t-il. Quand son père est tombé malade, il a dû le remplacer dans l’entreprise familiale, dans le milieu de la chaussure. Et il a commencé à parcourir l’Europe. Quand il était entraîneur de Parme, il a tapé dans l’oeil de Silivio Berlusconi, le grand boss de l’AC Milan qui lui a alors donné carte blanche. C’est lui qui a permis aux Milanais de garnir leur armoire à trophées. Toujours avec du foot agréable à regarder. Sacchi est aujourd’hui un consultant apprécié.

Quelles sont les équipes qui te plaisent?

ARRIGO SACCHI: Le Bayern, et aussi Manchester City depuis qu’ils rejouent le pressing. Pep Guardiola m’a appelé en novembre, quand ça n’allait pas trop bien. Je lui ai expliqué ce qui ne fonctionnait pas, je lui ai fait remarquer que son équipe n’exerçait plus de pressing. Guardiola améliore les championnats où il passe parce qu’il transmet ses compétences et son envie. C’est ce que mon Milan faisait. A l’époque, les clubs italiens gagnaient aussi des Coupes d’Europe, ce qui n’arrive plus depuis dix ans. En Serie A, les équipes qui produisent le meilleur football sont l’Atalanta et Milan. Et c’est La Spezia qui exerce le meilleur pressing, avec l’Atalanta.

Guardiola m’a appelé quand City était dans le dur.

« Conte n’est pas encore un tout grand »

Votre Milan doit lâcher prise dans la dernière ligne droite pour le titre.

SACCHI: Beaucoup de supporters de ce club auraient signé des deux mains pour être à la deuxième place à l’approche de la fin du championnat, devant la Juventus. Tous, même. Vous savez c’est quoi, le problème du foot italien? On en demande toujours plus. Ici, on attache de l’importance aux résultats uniquement, pas aux prestations des équipes. Celui qui gagne, il est bon. Celui qui perd, il est mauvais. C’est le problème dans ce pays.

L’équipe d’Antonio Conte gagne, donc c’est un bon entraîneur?

SACCHI: Conte est sur le bon chemin mais il doit encore se battre contre des vieilles habitudes. C’est déjà un bon entraîneur, mais pour faire partie des plus grands, il doit encore arriver à avoir plus de joueurs impliqués dans les phases offensives. En Ligue des Champions, les équipes n’ont pas peur de jouer avec deux défenseurs contre un adversaire qui aligne deux attaquants de pointe. Alors qu’en Italie, on cherche toujours à se couvrir. Les amateurs de beau football doivent maudire ce jour de 1938 où Karl Rappan a eu l’idée de remplacer un attaquant de son équipe par un défenseur supplémentaire qu’il a posté comme libero. Non seulement on a repris cette nouveauté, mais on a continué à la perfectionner pour arriver à notre catenaccio. En Europe, on voit aujourd’hui un football total, mais ici, on a un temps de retard sur la concurrence. Le football est un sport collectif dont découlent des actions individuelles. En Italie, on fait le contraire. C’est pour ça que la Juventus a du mal. Là-bas, Maurizio Sarri voulait installer un nouveau concept mais on lui a donné des joueurs qui convenaient au jeu d’Allegri. C’est une approche qui fonctionne en Italie mais qui ne marche plus en Europe.

Retiens bien ceci: c’est plus facile de gagner avec du beau football qu’avec un jeu rusé. Le football d’aujourd’hui demande onze joueurs actifs qui bougent ensemble, tant offensivement que défensivement. Ils doivent tous être prêts à se sacrifier. Celui qui continue à miser sur le talent individuel, il ne va plus très loin. Ruud Gullit et Marco van Basten brillaient parce qu’ils avaient beaucoup de talent mais aussi et surtout parce qu’ils étaient intégrés dans un ensemble qui permettait à leurs qualités de ressortir. J’essayais de rendre mes joueurs plus forts via un système de jeu.

Opération Ligue des Champions

Les suiveurs du championnat italien ont coché une date sur leur calendrier: 18 avril. Ce jour-là, il y aura un choc entre l’Atalanta et la Juventus, et après ce match, on y verra plus clair sur les qualifiés pour la prochaine édition de la Ligue des Champions. Il y a quatre places et six clubs encore en course: Inter, AC Milan, Juventus, Atalanta, Naples et AS Rome. La Roma n’a pas encore gagné un gros match cette saison, et à Naples, il est probable que Rino Gattuso ne sera plus en place après cette saison.

Si Naples et/ou Rome s’accrochent, la Juve va souffrir. Et aussi son entraîneur, Andrea Pirlo. En cas de qualification pour la Ligue des Champions, Pirlo pourra probablement continuer son projet. Si son équipe ne se qualifie pas, on raconte que Massimiliano Allegri pourrait faire son retour. Après deux années sabbatiques, il voudrait reprendre du service. Le week-end passé, alors qu’il y avait le derby turinois au programme de la Serie A, il a rencontré le grand patron de la Juve, Andrea Agnelli. Officiellement une rencontre d’amis, pas une réunion de travail.

Pour la Juventus, la Ligue des Champions est une obligation. Depuis le premier titre de l’ère Andrea Agnelli, en 2012, cette compétition a rapporté 720 millions. Soit un quart de l’ensemble des recettes du club. En moyenne, la LC vaut 80 millions par an à la Vieille Dame. Avec un plafond à 110 millions en 2016-2017.

Si Pirlo s’en va, ce sera un échec personnel pour le patron, qui avait viré Maurizio Sarri l’été passé, dès l’élimination par Lyon.

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