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Ah, revoilà Renato

L’entrée au jeu de Renato Sanches contre la Hongrie a fait basculer le match. Compte tenu de son passé au Bayern et de son présent à Lille, il sera curieux de voir si l’espoir de l’EURO 2016 va poursuivre sur son élan face à l’Allemagne et à la France.

Lisbonne a aussi ses quartiers défavorisés. Comme Musgueira, au nord de la ville. C’est là que Renato Sanches a grandi. Officiellement, il a 23 ans, puisqu’il est né le 18 août 1997, selon les registres de l’état civil. Mais ce n’est pas tout à fait certain. Juste après sa naissance, son père a émigré en France, en quête de travail. Il n’a enregistré Renato que cinq ans plus tard.

Des scouts l’ont découvert dans l’équipe du quartier alors qu’il avait dix ans. Ils l’ont amené au Benfica, pour 750 euros et… 25 ballons: le petit club voulait du matériel. Une semaine plus tard, il avait disparu, ont témoigné des formateurs du club en 2016 quand Renato Sanches s’était distingué lors de l’EURO. Il était arrivé en France au titre de gros transfert du Bayern, avec un titre de champion avec Benfica en poche et s’est fait remarquer en marquant et en étant élu meilleur jeune du tournoi. Puissance, technique, vitesse: le fils né d’un père de Sao Tomé et d’une mère originaire du Cap-Vert avait tout pour devenir une vedette.

Quand il a disparu, les accompagnateurs de Benfica se sont rendus à Musgueira. Aucune trace de lui. Il est revenu un mois plus tard avec une explication arrachée au forceps: un bras cassé. Au lieu de faire appel aux médecins du club, il a pris la fuite, craignant d’être puni.

Il a changé de monde, de Musgueira à Seixal, à deux heures de son domicile. Il est passé de la pauvreté au luxe. A quinze ans, il s’est installé à Seixal. Sanches jouait agressivement mais n’était nulle part sur le plan tactique. Après un bon EURO U18, il a effectué ses débuts pour l’équipe B du Benfica à 17 ans et un an plus tard, avant l’EURO, il était déjà un élément crucial dans la lutte pour le titre.

Puis il a dérapé. Tout cela allait trop vite. De joueur-clef du Benfica, il est devenu un élément de second rang à Munich. Il n’a guère joué, on a remis en cause ses connaissances tactiques et même la pureté de son jeu de passe. Parfois, il compliquait trop les choses, parfois il expédiait le ballon n’importe où. Le Bayern s’en est séparé au bout d’une saison.

Paul Clement, ex-Cercle, s’en est alors occupé. Il était l’adjoint d’ Ancelotti au Bayern. Devenu manager de Swansea, il l’a attiré au pays de Galles. Après six mois, Clement a bien dû constater que son rendement était faible. En décembre 2017, il a confié au Times que « ce garçon était bien plus abimé que je ne le pensais. On aurait dit qu’il portait toute la misère du monde sur ses épaules. » Quand Clement a été remplacé par un entraîneur portugais, d’aucuns ont cru que ce dernier allait retaper Sanches. Mais non: il s’est blessé aux ischios.

Des scouts l’ont découvert à ses 10 ans et l’ont attiré à Benfica pour 750 euros et… 25 ballons.

Prendre sa revanche

Finalement, Lille a été le bon choix. En 2019, le club français a battu son record pour l’enrôler. Sanches est le joueur le mieux payé du Losc. Il a retrouvé le plaisir de jouer dans le Nord. Il s’est à nouveau senti important, ce dont il a besoin pour s’exprimer pleinement. « J’ai enfin retrouvé le bonheur », a-t-il déclaré à L’Equipe. « Je sais que j’ai des qualités mais encore faut-il les montrer. Ici, j’y parviens. Le moment est venu de prendre ma revanche. » Sanches a alors 22 ans. Dans la même interview, il confie qu’en 2018, il a failli se retrouver au PSG. Il était dans un restaurant munichois quand son manager, Jorge Mendes, lui a téléphoné: « Tout est en ordre, tu prends l’avion pour Paris demain pour signer. » Sanches a fait ses valises, est allé s’entraîner mais Niko Kovac, l’entraîneur du Bayern, lui a interdit de partir. Kovac n’a pratiquement plus fait appel à lui ensuite. Un nouvel uppercut.

Sanches est de retour, après deux ans à Lille. Il a entamé cet EURO avec un nouveau titre national. Son objectif: se montrer. Il n’est encore que joker mais il a acquis de l’expérience.

La classe de Benfica

Le Portugal avait fait impression à l’EURO 2000 et était le grandissime favori de sa propre édition en 2004, dont il avait finalement perdu la finale. Il s’appuyait sur l’école de formation du Sporting Lisbonne, un des trois grands du Portugal, le moins riche. Il était devenu une usine à talents.

Depuis lors, le champion en titre du Portugal a perdu ce statut au profit de son voisin, Benfica. Ruben Dias, la star de la défense, champion avec City, a été formé par Benfica. Nelson Semedo, l’arrière droit qui renaît avec les Wolves après un passage raté à Barcelone, a été brillant contre la Hongrie. Renato Sanches a lui aussi transité par le centre de formation du club lisboète, tout comme Gonçalo Guedes ou Bernardo Silva. João Félix, dont on attend beaucoup mais qui n’est pas encore entré en action? Benfica. João Cancelo, écarté suite à un test positif? Benfica. Quand Manchester City a été sacré champion, Pep Guardiola a remercié le club portugais. Cancelo, Dias, Ederson, Bernardo Silva sont devenus des joueurs-clefs de Manchester. Comme peut-être du Portugal.

Le club a changé son fusil d’épaule pour deux raisons: le succès de son voisin et la conscience qu’il serait difficile de suivre les plus grands clubs dans la surenchère des transferts. Il a donc énormément investi dans sa formation, a mis sur pied cinq centres dans le pays afin d’éviter aux enfants de devoir déménager trop tôt à Lisbonne. Cette formation est devenue une source énorme de rentrées, plus de 800 millions en transferts ces sept dernières années. Ajoutez-y cinq titres et vous comprendrez que le club a vraiment bien travaillé.

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