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Mais que vient faire Michael Jordan en NASCAR ?

Le célèbre Daytona 500, la plus grande course de la saison de la NASCAR Cup Series, se déroule dimanche. Et qui est le propriétaire d’une des équipes? Michael Jordan, la légende du basket. Mais que vient faire His Royal Airness en sport automobile? Réponse en trois parties.

Comment et avec qui Jordan s’est-il engagé?

Le nouveau bolide de 23XI Racing, l’écurie NASCAR Cup Series de Michael Jordan, vient d’être présenté. C’est une Toyota rouge et blanche – belle référence à son passé aux Chicago Bulls – qui affiche le numéro 23 iconique de Jordan sur les flancs et le capot. L’ancien basketteur a fondé son équipe en septembre, en rachetant la licence de Germain Racing, avant d’y placer sa marque. Denny Hamlin, une vedette de NASCAR, qui s’est adjugé le Daytona 500 à trois reprises, dont les deux dernières éditions, est actionnaire minoritaire. Ce dernier va toutefois piloter pour une autre franchise, Joe Gibbs Racing, comme l’autorise le règlement. Âgé de quarante ans, il pense toutefois à sa reconversion et c’est ce qui l’a incité à investir dans le 23XI Racing. Jordan a besoin de son expérience automobile.

DarrellBubbaWallaceJr (27 ans) est le pilote attitré de la nouvelle structure. Il est aussi le seul Afro-Américain à officier en NASCAR. Il n’a toutefois pas encore remporté la moindre victoire en 105 courses. Jusqu’à l’année passée, Wallace faisait partie de l’équipe Richard Petty Motorsports. Il pouvait devenir actionnaire de cette écurie, mais il n’a pu résister à l’offre de Jordan. En plus de l’aspect social de ce contrat de plusieurs années ( voir point trois), c’est un joli coup commercial, grâce à l’attrait que suscite un monument comme Jordan, mais aussi grâce à l’image de Wallace. Le sponsor personnel du pilote, McDonald’s, s’engage dans le projet, de même que Columbia Sportswear et Dr Pepper, une marque de boissons. Le budget nécessaire à la saison 2021 a été bouclé en un rien de temps.

Michael Jordan est un grand fan de sports automobiles depuis l'enfance.
Michael Jordan est un grand fan de sports automobiles depuis l’enfance.© BELGAIMAGE

Quel est le lien entre Jordan et l’automobile?

18 ans après sa retraite, l’empire financier de Michael Jordan est aussi impressionnant que son palmarès de joueur. Sa Jordan Brand, une filiale de Nike, lui rapporte 130 millions de dollars par an. Son investissement dans les Charlotte Hornets, une franchise de NBA, s’est avéré un coup fumant: en 2010, il a acquis 97% des actions pour 175 millions de dollars. La franchise en vaut actuellement… 1,5 milliard!

Ce qu’on sait moins, c’est que, de 2004 à 2013, MJ a aussi été propriétaire du Michael Jordan Motorsports, une écurie active en AMA Pro Road Superbike Racing Championships. Jordan est resté en coulisses, restant dans sa suite pendant la fameuse Bike Week du Daytona International Speedway. Un de ses pilotes, Jake Zemke, a gagné deux courses de Superbike et a terminé troisième du championnat 2010.

Jordan a toujours raffolé des sports automobiles. Ses parents emmenaient régulièrement Jordan et ses frères aux épreuves des Winston Cup Series de l’État de Caroline du Nord. Le futur joueur des Chicago Bulls est ainsi tombé sous le charme du NASCAR. Même pendant sa carrière de basketteur, il a régulièrement assisté à des courses. C’est ainsi qu’il s’est lié d’amitié avec Denny Hamlin, avec lequel il a souvent joué au golf. Hamlin est depuis longtemps un ambassadeur de la marque Jordan Brand et il est abonné aux Charlotte Hornets. Pendant leurs parties de golf, les deux hommes ont souvent parlé de la mise sur pied de leur propre écurie NASCAR, mais les conditions ne s’y étaient jamais prêtées. Jusqu’à aujourd’hui.

En quoi est-ce davantage qu’un investissement commercial?

Jordan n’a pas choisi Darrell Bubba Wallace Jr par hasard. Il est un produit du programme NASCAR Drive for Diversity, conçu pour faciliter l’éclosion des pilotes noirs dans un sport traditionnellement blanc. Sans guère de succès, puisque Wallace est le seul pilote afro-américain pour le moment. D’ailleurs, en 2017, les amateurs de NASCAR ne l’ont pas accueilli à bras ouverts. Malgré leurs réticences et un palmarès vierge, Wallace n’en est pas moins devenu un pilote charismatique.

L’année dernière, il est devenu l’un des piliers du mouvement Black Live Matter et le visage de sa discipline dans la lutte contre le racisme. Il a notamment fait apposer un message BLM sur son bolide et, avant une course à Atlanta, il a enfilé un t-shirt flanqué de l’inscription « I can’t breathe« , les dernières paroles de George Floyd, mort étouffé sous le genou d’un policier. Wallace a également plaidé pour que le NASCAR bannisse des tribunes le drapeau confédéré, avec succès. Avant une course en Alabama, une corde avec un noeud coulant a été découverte dans le garage de son équipe. C’est le symbole du lynchage des Afro-Américains dans le sud… L’affaire a fait scandale. Ses collègues ont soutenu Wallace, en organisant une mini-marche de protestations avant une course, mais le FBI a ensuite découvert que cette corde était là depuis longtemps et n’avait donc aucun lien avec le rôle de Wallace dans le mouvement BLM.

Bubba n’a donc pas dû réfléchir longtemps quand Jordan s’est intéressé à lui: le seul pilote noir allait ainsi travailler pour le premier propriétaire noir d’une équipe NASCAR depuis le pionnier Wendell Scott, qui a piloté la voiture de sa propre écurie de 1961 à 1973, à une époque où le racisme était omniprésent aux USA, même si, un demi-siècle plus tard, il est encore loin d’avoir disparu, y compris en NASCAR, qui reste une affaire de blancs.

Jordan a estimé que le moment était venu de lancer sa propre écurie, alors que la lutte pour l’égalité bat son plein en Amérique. Pendant sa carrière de basketteur, il s’est toujours tenu à l’écart des débats sociétaux, mais ces dernières années, il s’est fortement engagé, offrant des millions de dollars à des organismes luttant contre le racisme. En fondant son 23XI Racing, il espère attirer le public noir aux courses de NASCAR et offrir leur chance aux pilotes et aux collaborateurs noirs de la principale compétition automobile américaine.

D’après Bill Lester, un pilote afro-américain actif de 1998 à 2012 en NASCAR, il ne réussira qu’à une condition: « Il faut que son équipe gagne. Ce n’est qu’ainsi que les portes s’ouvriront. C’est ce que Serena et Venus Williams ont accompli en tennis ou Tiger Woods en golf. »

Connaissant Jordan, il va tout donner pour relever ce défi sportif. Entre autres…

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