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Le cas Ocon montre les limites de la filière de jeunes pilotes

Espoir de la Formule 1 couvé par Mercedes et pourtant en ballottage défavorable pour conserver sa place sur la grille en 2019: le cas d’Esteban Ocon témoigne des limites de la filière de jeunes pilotes de l’écurie allemande.

Accompagné par Renault puis par Mercedes dans les catégories inférieures, le Français a débarqué en F1 au cours de la saison 2016 chez Manor, motorisée par le constructeur allemand, avant de rejoindre début 2017 Force India, également équipée d’un moteur argenté.

Huitième du Championnat l’an dernier et actuel dixième, ses résultats démontrent que le pilote, qui aura 22 ans le 17 septembre, a sa place dans la catégorie reine du sport automobile. Et pourtant… Le Canadien Lance Stroll est voué à le remplacer chez Force India au plus tard la saison prochaine, à la suite du rachat cet été de l’écurie en faillite par un consortium mené par son richissime père, désireux de lui offrir une monoplace plus performante que la Williams qu’il pilote aujourd’hui.

Contrairement à Ferrari, qui remplacera le Finlandais Kimi Räikkönen par son protégé Charles Leclerc après une saison seulement en F1, et McLaren, qui promeut le « rookie » britannique Lando Norris à la place d’un autre pilote issu de sa filière, le Belge Stoffel Vandoorne, Mercedes a préféré conserver le Finlandais Valtteri Bottas en 2019.

Sur le point de signer chez Renault avant la trêve estivale, Ocon a vu l’Australien Daniel Ricciardo (Red Bull), plus « bankable », lui griller la priorité.

– Lien gênant –

Les options McLaren, Haas (liée à Ferrari) ou encore Toro Rosso (liée à Red Bull), se sont ensuite refermées à cause de ses liens avec les Flèches d’argent. Pour Zak Brown, patron de McLaren, Ocon ne « cochait pas la bonne case ». « Pourquoi (l’engager) et faire face à une polémique ? », interrogeait pour sa part Guenther Steiner, team principal de Haas.

L’espoir français n’a donc plus guère d’option que prendre la place de Stroll chez Williams, mais celle-ci est également convoitée par des pilotes apportant des fonds dont lui ne dispose pas.

Si être soutenu par un constructeur est la voie royale pour accéder à la F1, ce n’est donc pas une garantie d’y rester, la faute à un nombre de baquets disponibles de plus en plus réduit et à la concurrence au sein d’équipes privées aux abois financièrement de pilotes payants, dont les sponsors ou les familles deviennent désormais actionnaires.

Autre grande fortune canadienne, Michael Latifi, dont le fils Nicholas est pilote de réserve de Force India, a ainsi investi en mai 230 millions d’euros dans McLaren. Quant au Suédois Marcus Ericsson, ses soutiens ont pris le contrôle de Sauber à l’été 2016.

« Aujourd’hui, je pense que l’extra-sportif a pris une plus grande place que le sportif et ça me déçoit un peu », regrettait Ocon jeudi, avant le Grand Prix de Singapour. Pas question pour lui, toutefois, de quitter le giron de Mercedes. « Si je sors, je fais quoi ?, demandait-il. Je suis seul et seul on n’a pas beaucoup de puissance ».

– « Les jeunes méritent leur place » –

Quelques jours après l’officialisation de la promotion de Leclerc, 20 ans, qu’il côtoie « depuis le début », il espérait que celui-ci « prouvera l’année prochaine que les jeunes méritent leur place et qu’on peut aussi faire le job » que Mercedes et Renault ne lui ont pas confié.

Le casse-tête Ocon n’est pas le premier pour l’écurie allemande. L’Allemand Pascal Wehrlein, que le constructeur soutenait également, n’est pas parvenu à conserver sa place en 2018, après deux saisons en F1, et l’espoir britannique George Russell, en tête du Championnat de F2, est loin d’avoir son baquet assuré dans la catégorie supérieure l’an prochain.

De tels résultats remettent en cause le bien-fondé de cette filière, reconnaît Toto Wolff, directeur exécutif de Mercedes. La supprimer « serait dommageable pour le niveau des pilotes en F1, mais j’en discuterai avec le conseil d’administration et la direction à la fin de l’année, selon les situations de Pascal, George et Esteban », annonçait-il au Grand Prix d’Italie début septembre.

Pas question pour lui de financer une deuxième équipe pour placer ses jeunes pilotes, comme Red Bull avec Toro Rosso. « Donnez-nous une troisième voiture dans laquelle il serait obligatoire de placer un jeune pilote pour deux ans maximum, plaide-t-il plutôt. Ca ne coûterait pas trop cher, la grille serait pleine et le spectacle fantastique. »

D’autant que la filière Red Bull, érigée en modèle grâce aux quatre titres consécutifs de son poulain allemand Sebastian Vettel entre 2010 et 2013, montre des signes d’essoufflement. A force de pousser vers la sortie ses pilotes pour en promouvoir de plus jeunes, elle ne dispose pas de candidat en interne pour faire ses débuts avec Toro Rosso en 2019.

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