La vie, la carrière, les anecdotes du beau bébé qui défend (enfin) la cage du Standard.

Merci Theo Bongonda, merci Ivan Vukomanovic. Merci à tous… Bongonda, c’est ce gars de Zulte Waregem qui a profité d’une floche d’EijiKawashima (après les boulettes contre le Zenit, le Lierse, Feyenoord, liste non exhaustive) pour envoyer le Standard en enfer dans ce match culte. Vukomanovic, il s’est contenté d’accepter le dépannage comme T1 après le C4 de Guy Luzon. Et accessoirement de changer de gardien.

On y vient… Yohann Thuram peut dire merci à tout le monde. Une injustice est maintenant réparée : 15 mois après sa signature à Liège, il est enfin titulaire. Etonnant ? Ce qui l’était, c’était le fait qu’on ne fasse pas jouer celui qui venait d’être élu deuxième meilleur gardien de Ligue 1 au moment de son arrivée. Et maintenant qu’il est dans la cage, on sent que ça râle dans le clan japonais. Depuis l’arrivée chez nous de Kawashima, au Lierse puis au Standard, il y avait plusieurs journalistes nippons à chaque match. Des gars basés en Europe qui faisaient les déplacements vers nos stades parce qu’ils étaient sûrs que le numéro 1 de leur équipe nationale allait jouer. Maintenant qu’on sait d’avance qu’il sera sur le banc, subitement, on ne les voit plus !

C’est qui, ce Yohann Thuram ? Découverte et petites révélations…

 » Un gars carré  »

 » Un gars carré « , lâche son meilleur ami chez nous. Santiago Alvarez. Concepteur et fondateur de BMSBelgium, une conciergerie qui travaille avec des footballeurs (80 % de la clientèle), d’autres sportifs (boxeurs par exemple) et des hommes d’affaires. Il a rencontré Yohann Thuram via un ami commun, un certain Dominique Jean-Zéphirin. Gardien de la sélection de Haïti et donc coéquipier international de Réginal Goreux. Quand Goreux apprend le transfert de Thuram au Standard, il l’appelle et lui dit :  » Téléphone à Santiago, il n’y a pas mieux que lui pour faciliter ton intégration.  » Le footballeur déteste les formalités en dehors de la pelouse, c’est connu. BMSBelgium gère le déménagement d’un joueur, fait peindre les murs de son appart en jaune s’il veut du pétant, s’occupe de l’immatriculation et de l’assurance de sa / ses voiture(s), facilite l’installation de sa femme, organise la rentrée scolaire de ses enfants,… Thuram est sur la longue liste de clients de BMSBelgium étiquetés Standard, l’aventure avait commencé du temps glorieux de Marouane Fellaini, Steven Defour, AxelWitsel, Dante, Sébastien Pocognoli,…

Ce qu’il a de guadeloupéen ? Tout !

Français de métropole ou guadeloupéen pur jus ? Yohann Thuram n’a pas le parcours traditionnel du gosse né au bout du monde et émigré en Europe. Il a vu le jour en France puis est parti en Guadeloupe à l’âge de neuf ans. Pour celui qui rêve d’une carrière de footballeur, ce n’est pas top parce qu’il fait les choses à l’envers. Mais il parvient à se faire repérer par Monaco lors d’un tournoi. Il est pris au centre de formation monégasque à 15 ans et c’est là qu’il devient pro, qu’il joue ses premiers matches en Ligue 1.

Sa mère est toujours en Guadeloupe aujourd’hui, ses deux soeurs et son frère (un militaire de carrière deux fois plus costaud que Yohann, selon son entourage…) vivent en France. Une partie de la famille est autour de Paris, d’autres sont dans le sud (régions de Monaco, Nice). Yohann Thuram est installé à Liège avec sa femme et ses deux enfants, dont un tout petit.  » Il a conservé une mentalité entièrement guadeloupéenne « , raconte Santiago.  » Sa façon de parler, de manger, de boire, de dormir… tout est guadeloupéen. Il aime les choses simples comme les gens de là-bas. Si je lui propose un resto étoilé, il me répondra peut-être qu’il préfère aller chercher pour 40 euros de viande dans une bonne boucherie et inviter quelques copains de Paris pour faire un barbecue chez lui.  »

Pas besoin du piston de cousin Lilian

Jouer à Monaco et s’appeler Thuram, ça peut être lourd à porter parce que Lilian, héros de la Coupe du Monde 98 avant de se reconvertir en icône de la lutte contre le racisme, a aussi débuté comme pro là-bas. Les deux cousins sont toujours en contact assez régulier et Lilian était au mariage de Yohann. A l’époque de Monaco, Lilian a cru lui faire un chouette cadeau : il lui avait trouvé un test dans un bon club espagnol. Yohann l’a refusé parce qu’il ne voulait pas passer pour un pistonné. Il a dit à son cousin :  » Merci, c’est sympa mais je veux y arriver seul.  »

Troyes descend, sa cote monte

À Monaco, la concurrence est rude et il ne parvient pas à devenir titulaire régulier. Il est prêté à Tours puis sa carrière décolle vraiment à Troyes : il est un acteur clé de la montée en Ligue 1. L’équipe fait l’aller-retour mais Thuram fait une saison de feu. Aucun autre gardien du championnat n’a réalisé plus d’arrêts que lui. Et L’Equipe le désigne deuxième meilleur gardien de Ligue 1. Il ne veut pas rejouer en Ligue 2, c’est à ce moment-là que commence à germer l’idée d’un transfert au Standard. Mais son arrivée en bord de Meuse traîne, ça dure quelques semaines. Parce que Troyes n’apprécie pas que Thuram ait passé la visite médicale à Liège sans son accord mais surtout parce que le jeu des agents commence. Comme souvent, ça sent la commission. Tout s’arrange finalement et le Standard débourse un bon million et demi d’euros. Yohann Thuram se voit chez nous pour longtemps : il signe un contrat de quatre ans. Comme titulaire, en tout cas dans sa tête. Mais ces longues négociations lui coûtent cher : Eiji Kawashima, moyen sur la fin de la saison précédente (d’où la recherche d’un nouveau gardien de haut niveau), a commencé le championnat et les Rouches alignent les victoires. CQFD : Thuram est sur le banc et il ne peut même rien réclamer parce que le Japonais (peut-être boosté par l’arrivée d’un vrai concurrent) est impeccable.

Un calme qui sait se lâcher

Renverser les tables et les chaises quand il donne une interview, ce n’est pas du tout son style. Trop bien éduqué pour ça. Une seule fois, depuis le début de son aventure avec le Standard, Yohann Thuram s’est lâché. A un journaliste de L’Equipe, quelques mois après son arrivée. Extraits choisis :  » C’était un projet hyper intéressant. Jouer sur tous les tableaux et avoir la possibilité de disputer la Ligue des Champions ensuite. Et puis en France, le marché était bloqué, le jeu des chaises musicales n’a pas fonctionné. Le Standard, c’était donc un challenge que je ne pouvais pas refuser. Surtout en faisant partie de ce projet en tant que numéro 1 (…) Je constate que le projet présenté n’est pas celui que je vis aujourd’hui. Je ne m’attendais pas du tout à ça. Si j’avais été numéro 1 et que j’avais fait des contre-performances, j’accepterais. Mais là ! (…) Je sais à quel point j’ai dû galérer pour arriver au haut niveau. Je sais que si je reste comme ça, je vais redescendre d’une marche. Je ne le veux pas. Au mercato de janvier, je me poserai les bonnes questions.  » En France, on ne comprend pas bien son statut de réserviste. Et quand il joue son premier match, le consultant PierreMénès réagit :  » Thuram joue avec le Standard ? Enfin !  » Ce Ménès s’était un peu fritté avec des supporters liégeois quelques semaines plus tôt quand, dans un tweet, il avait avoué son étonnement de voir ce  » super gardien  » signer en Belgique, sa surprise qu’aucun club de Ligue 1 n’ait déboursé la somme demandée par Troyes pour son transfert.

Thuram a le bon goût de ne jamais remettre en cause le niveau de Kawashima, l’homme qui lui gâche son plaisir. Au contraire, il signale de temps en temps que le Japonais ne vole rien à personne. Simplement, il y a cet écart entre ce qu’il s’était imaginé et ce qu’il vit au quotidien. Sur Guy Luzon non plus, il ne balance jamais. Parce qu’il comprend tous les choix de l’Israélien ?  » On ne peut pas toujours être d’accord sur tout avec tout le monde… « , ironise Santiago Alvarez. On comprend que le courant ne passait pas trop bien.

L’enfer à Charlton

 » On te prête pour une demi-saison. C’est la D2. Mais c’est l’Angleterre ! Et tu vas jouer !  » En résumé, c’est ce que la direction du Standard lui dit en janvier dernier. RolandDuchâtelet a racheté Charlton et Yohann Thuram fait partie du lot de joueurs prêtés (avec Reza, Anil Koc et Astrit Ajdarevic). On ne sait pas s’il le pense vraiment, en tout cas il donne à la presse anglaise une interview dans laquelle on le devine heur-reux !  » J’ai toujours rêvé de jouer en Angleterre, donc maintenant, je savoure à fond. Ici, le rythme est élevé, il y a énormément d’engagement, les supporters sont chauds. Quand tout cela est réuni, tu as envie de te surpasser dès que tu montes sur le terrain.  » Il ajoute que  » c’est un style de football complètement différent mais ça ne peut que me rendre service parce que je suis encore jeune et je veux amasser un maximum d’expérience.  »

Premier hic : l’entraîneur en place ne souhaite pas les gars qu’on lui amène. Il n’a pas demandé Thuram, par exemple. Pourtant, il s’installe vite dans le but et joue quatre matches. La ville lui plaît, les supporters sont sympas. Il n’a pas quitté Liège avec le sourire mais il commence à se dire qu’il a peut-être bien fait d’accepter. Puis, il perd sa place. Il ne la retrouvera plus jamais, et donc, à nouveau de longs mois sans jouer.

Il vit la période la plus délicate de sa carrière.  » Imagine le type qui est appelé comme ébéniste et à qui on demande subitement de faire des travaux de plomberie « , dit Santiago Alvarez.  » Il se retrouvait dans cette situation. Il avait signé au Standard en pensant qu’il pouvait y être le numéro 1. Il a abouti en D2, et là, il ne jouait même plus. On peut aussi comparer ça au gars qui va chercher une Mercedes et découvre, une fois au garage, qu’on lui a réservé une Renault Mégane. Yohann se posait plein de questions, il se demandait où tout cela allait s’arrêter, si on n’allait pas lui demander d’aller ensuite à Alcorcon ou dans le club hongrois du président.  » Excédé, le Français prend une décision qui ne lui ressemble pas : il refuse de partir en mise au vert avec le noyau de Charlton avant un match à Leeds. Sa relation avec le nouveau coach, José Riga, n’est pas bonne – vu son statut de réserviste, évidemment.

Pas question de filer

Lens, Rennes, Bastia : trois clubs qui se sont intéressés à Yohann Thuram cet été. Il n’écoute même pas. Malgré une saison de misère, il veut rester au Standard et concurrencer Kawashima. Quand il l’a titularisé, Ivan Vukomanovic a dit que c’était probablement  » pour une certaine période « . Le Français n’en a pas rajouté :  » Je regarde devant, je n’ai pas envie de regarder derrière. J’étais frustré de ne pas jouer en début de saison, comme n’importe quel compétiteur l’aurait été. Je me suis posé les bonnes questions. Les réponses, je vais les donner sur le terrain.  » Bilan : quatre matches, pas un seul but encaissé. L’aventure continue donc.

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS : BELGAIMAGE

Sa façon de boire, de manger, de dormir… tout est guadeloupéen chez lui.

Il arrive à Charlton comme ébéniste, on lui donne un boulot de plombier !

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