Zouk machine

Le Martiniquais à la frappe de mule détaille son bonheur belge.

La Martinique : sa découverte par Christophe Colomb ; sa colonisation par la France ; sa tradition de traite d’esclaves ; ses cyclones à répétition ; ses 180 couleurs différentes de sables ; ses surnoms évocateurs ( » Ile aux fleurs « ,  » Ile aux femmes « ). Et la dynastie Dalmat.

Stéphane (28 ans) joue aujourd’hui à Sochaux (Ligue 1) après avoir porté les maillots de Marseille, du PSG, de l’Inter Milan, de Tottenham et de Bordeaux notamment.

Cyril (21 ans) a bouclé sa formation à Monaco et se retrouve maintenant aux Francs Borains (D3).

Et Wilfried (25 ans) fait le bonheur de Mons depuis la saison dernière après avoir lui aussi travaillé dans de grands clubs comme Nantes et Marseille, et après avoir bossé en Serie A et en Liga. Depuis qu’il est arrivé, le médian droit n’a pas raté un seul match de championnat !

Expliquez vos origines martiniquaises.

Wilfried Dalmat : Mon père est martiniquais et il a rencontré ma mère, française, quand il est venu en France pour faire son service militaire. Il y est resté. Ils se sont installés à Tours et c’est là que j’ai grandi.

Avez-vous des traits de caractère typiques des gens de là-bas ?

Certainement. Mes parents ont souvent dit que, de leurs trois fils, j’étais le plus antillais. Je suis cool et chaleureux comme les peuples de cette région-là. J’ai une conception positive de la vie. Je parle couramment le créole. Et j’écoute du zouk alors que mes frères sont beaucoup plus branchés musique américaine.

Parlons football : 33 matches avec Mons la saison passée alors que vous n’étiez pas qualifié pour la première journée, les 11 premiers cette saison, vous ne lâchez rien !

C’est vrai. J’ai été 31 fois titulaire en 2006-2007 et j’ai commencé les 11 premières rencontres du championnat en cours : cela veut dire que j’ai participé à tous les grands moments de Mons depuis le retour en D1. C’est une fierté.

 » Je devrais avoir 200 ou 250 matches de Ligue 1 à mon compteur « .

Pas de blessure, pas de suspension, pas de méforme prolongée : vous êtes une horloge. Une machine !

C’est assez logique que je n’aie pas été suspendu. Je ne suis pas le style de joueur qui commet des fautes : on en fait sur moi. J’ai seulement eu une période délicate d’octobre à décembre, la saison dernière. Mais c’était compréhensible. Je sortais de plusieurs saisons pendant lesquelles j’avais peu joué et j’ai signé à Mons à la fin juillet, ce qui m’a privé de la préparation. Je suis directement entré dans l’équipe et il fallait bien que ça coince tôt ou tard.

Votre bilan global ?

Je suis content de moi. Je revis complètement. J’ai dû attendre longtemps pour trouver un entraîneur qui me laisse m’exprimer librement, et je l’ai déniché à Mons. Avant d’arriver ici, j’avais constamment l’impression d’être bridé, enfermé dans des plans tactiques. Jouer chaque semaine, c’est aussi nouveau. J’ai disputé 33 matches en une saison avec Mons : avant de venir ici, il me fallait deux ou trois championnats pour arriver à un total pareil. Bon, c’est vrai que la concurrence a souvent été beaucoup plus rude dans mes clubs précédents, et je le vivais mal. Je suis un amoureux du jeu et quand un entraîneur me laissait sur le banc pendant plusieurs semaines d’affilée, j’avais tendance à baisser les bras. C’est humain.

Vous avez récemment prolongé pour quatre saisons à Mons : vous êtes drôlement bien ici !

J’étais conscient qu’un seul bon championnat ne serait pas suffisant pour trouver un meilleur club et je n’en avais pas nécessairement envie. Maintenant, ce n’est pas parce que j’ai rempilé pour quatre ans que je resterai aussi longtemps à Mons. Je referai le point en fin de saison.

Un Dalmat à 100 % vaut mieux qu’un club du milieu de tableau en Belgique, non ?

Peut-être. J’aspire évidemment à aller plus haut. Mais je n’ai que 25 ans et j’aurai encore des opportunités si je continue à enchaîner les bons matches.

Vous rêvez certainement de retourner en France par la grande porte ?

J’ai quitté mon pays par une petite fenêtre et c’est évident qu’un retour par la grande porte est un de mes objectifs. J’ai goûté à la Ligue 1 mais j’en ai gardé un goût d’inachevé. Je n’y ai disputé qu’une petite quarantaine de matches avec Nantes et Marseille. Si je ne m’étais pas planté dans certains choix, je serais sans doute à 200 ou 250 rencontres de Ligue 1.

Quel a été votre plus mauvais choix ?

Je n’aurais jamais dû quitter Nantes. Il y avait de la concurrence et j’avais peur de ne plus beaucoup jouer, alors j’ai cassé mon contrat pour partir à Châteauroux. Une terrible erreur car on ne quitte pas un grand club où on a encore trois ans de contrat. J’étais encore tout jeune, j’aurais dû m’accrocher et j’aurais sans doute fini par entrer pour de bon dans l’équipe. Si j’avais eu plus de maturité, je serais sûrement plus haut aujourd’hui. Mon frère Stéphane a commis le même type d’erreur quand il est parti de l’Inter pour aller à Tottenham. Lui aussi s’est laissé effrayer par la concurrence.

Votre autre frère Cyril qui arrive aux portes du noyau pro de Monaco puis se retrouve aux Francs Borains, c’est fou !

Il était stagiaire pro à Monaco mais le club ne lui a pas offert de contrat pour le noyau A, donc il n’avait plus d’avenir là-bas. Il a abouti dans un petit club de CFA, et cet été, je l’ai proposé aux Francs Borains. Rien n’est fini pour lui, il n’a que 21 ans et il rêve toujours d’une grande carrière.

 » Plus de qualités individuelles à Mons qu’au Cercle. Mais un moins bon collectif « .

Mons a fait douter Genk et le Standard : comment se fait-il que cette équipe ne soit pas mieux classée ?

Cela peut paraître bizarre de répondre présent contre les grands puis de se faire battre par des équipes plus anonymes, mais c’est humain. José Riga nous répète souvent que nous devons avoir la même envie chaque semaine, quel que soit le prestige de l’adversaire. Mais nous n’y parvenons pas. Pour n’importe quel footballeur, un match contre le Standard est plus intéressant qu’un match contre Zulte Waregem. Il faut arriver à passer ce cap, à nous remettre en question lors de chaque rendez-vous. Je suis le premier concerné.

Vous allez recevoir le Cercle, qui joue la tête du classement alors que Mons est englué dans la deuxième partie du tableau : qu’est-ce que cette équipe a de plus que la vôtre ?

Des points… (Il rigole). Le Cercle n’est pas là par hasard, c’est une équipe costaude. Mais il y a encore plus de qualités individuelles à Mons. Le problème, c’est que le collectif est actuellement moins fort chez nous. Si nous parvenions à former un vrai bloc, nous serions à la place du Cercle. Nous avons prouvé au deuxième tour de la saison dernière que nous en étions capables. D’ailleurs, tout le monde nous pronostiquait un championnat 2007-2008 magnifique. Même nos dirigeants parlaient d’un classement entre la première et la sixième place. Rien n’est perdu mais il est urgent de se réveiller et de commencer à prendre des points sur tous les terrains.

L’entrejeu de Mons est un des plus beaux et des plus techniques de D1 : n’est-il pas… trop beau et trop technique ?

Je ne sais pas. Ce sont des joueurs qui aiment jouer au ballon, le faire circuler, combiner. C’est normal d’intégrer ces qualités-là dans notre jeu. Je déteste les gars qui balancent sans arrêt de longues passes vers les attaquants, et le public aussi trouve ça horrible. Mais bon, c’est clair que nous devrions parfois être plus guerriers, qu’il faudrait arrêter de multiplier les passes et les beaux gestes. On doit parfois accepter d’aller au combat pour gagner les matches qu’on ne sait pas remporter en posant notre jeu. Sans tomber dans l’excès car cette équipe ne pourra jamais renier complètement ses qualités. C’est en pratiquant un foot technique que nous sommes arrivés à un bon niveau et on ne peut pas virer tout cela.

Benjamin Nicaise souffre d’une pubalgie et va se faire opérer. Hocine Ragued sera en Afrique pendant la CAN. Mons risque de traverser une période fort chahutée.

C’est clair que ça va faire mal. Et je ne vois pas de vraies solutions de rechange dans le noyau. Fadel Brahami est plus offensif que défensif. Alessandro Cordaro peut faire un bon boulot défensif mais il manque alors dans les phases que nous construisons vers le but adverse. La direction parle de recruter un médian défensif : ce ne serait pas un luxe. Les mois de janvier et février sont souvent cruciaux. On prouve qu’on est capable de remettre un coup de collier ou on sombre. S’il n’y a pas de solution pour redynamiser notre entrejeu en l’absence de deux joueurs aussi importants, ça pourrait mal se passer.

 » Roussel n’est pas bien servi. Mais les centres, ce n’est pas trop mon truc « .

Tout serait aussi plus simple si cette équipe concrétisait plus d’occasions. Ce n’est pas brillant !

Nous ne savons pas mettre les ballons au fond dans des moments clés, c’est un de nos problèmes. Contre le Standard, nous aurions dû nous mettre à l’abri dans les 5 premières minutes. Avec plus de sang-froid devant le but, c’était directement 2-0 et le Standard était mort. Dans le premier match de la saison, au Club Bruges, nous avions déjà eu le même problème.

Le Standard vous a déçu ce soir-là ?

Il n’a pas été très bon mais nous y étions pour quelque chose. Nous avions tout prévu à la théorie pour l’empêcher de jouer son jeu. Le mot d’ordre était de le prendre à la gorge. Notre ligne arrière a fait un gros match, on n’a vu Igor de Camargo que sur la phase où il a marqué. Et dans l’entrejeu, nous avons été supérieurs. Il a seulement manqué la concrétisation. Dans des matches pareils, on se rend encore mieux compte de l’importance de la perte de Mohamed Dahmane. C’était un tueur qui pensait but, but, but.

Mons comptait sur Roussel pour résoudre ce problème mais il tarde à trouver le chemin du but.

Débarquer dans un club quand le championnat a commencé, c’est toujours hyper compliqué. Mais on ne peut pas dire non plus qu’il ait reçu des dizaines de ballons exploitables. Et il nous a déjà bien aidés en utilisant d’autres armes que celles d’un pur buteur : il pèse énormément sur les défenses.

Il faudrait lui expédier de bons centres pour qu’il redevienne le meilleur Roussel ! Là, vous êtes directement concerné.

Roussel en reçoit peu, c’est vrai. Mais il ne faut pas compter sur moi pour expédier une dizaine de caviars par match. Si j’en donne deux ou trois, je suis déjà très satisfait. J’ai l’habitude d’entrer dans l’axe et de frapper moi-même à distance. Alessandro Cordaro aussi. Nous travaillons les centres à l’entraînement, spécifiquement à destination de Cédric, mais le week-end, c’est autre chose parce qu’il y a un adversaire bien en place.

Puisqu’on parle du malaise des attaquants… Ilija Stolica a complètement disparu : cela vous étonne ?

L’arrivée de Roussel lui a été fatale. Ils ont le même profil, donc le coach ne peut pas les aligner ensemble. Mais c’est impossible que Stolica ne revienne plus jamais : la saison dernière, il a suffisamment prouvé tout le bien qu’il pouvait nous faire.

Vous avez une des plus belles frappes de D1 : d’où la tenez-vous ?

Déjà quand j’étais tout petit, j’étais obsédé par l’idée de taper le plus fort possible dans tous les ballons. C’était simplement très puissant à mes débuts, puis c’est devenu de plus en plus précis. Et je continue à travailler ma frappe lors de chaque entraînement.

Votre égalisation contre Genk, au début de cette saison, était un modèle du genre. Votre plus beau but en Belgique ?

Sans doute pas. Je retiens d’abord un tir des 35 mètres contre le Germinal Beerschot, la saison dernière. Et un gros pétard face à Dender, au début de ce championnat. En plus, ce but à Dender m’a relancé. La semaine précédente, le coach m’avait sorti à la mi-temps du match contre le Brussels parce que je n’étais vraiment pas dans le coup. Mais après Dender, il y a eu Genk et la confirmation de mon retour au premier plan. Pour moi, ces buts avaient un gros goût de revanche.

par pierre danvoye – photos : reporters/ gouverneur

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