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Le maillot jaune des réalisateurs belges prend sa retraite en parcourant les plus belles étapes de sa carrière.

Le sport et la télévision, ce sont déjà de vieux amants et Maurice Loiseau connaît leur histoire d’amour par c£ur. Il a épousé la RTBF en 1963, après avoir travaillé durant cinq ans à la rédaction du journal LesSports et au Soir, et ne lui fut jamais infidèle, que ce soit comme commentateur puis en tant que réalisateur.

Le sport a toujours guidé ses pas, comme quand son papa l’emmenait aux Terrasses, à Liège, afin d’assister au Critérium d’après Tour de France.  » C’était en 1947, j’avais huit ans et, à cette époque, le voyage en train entre Waterloo, où nous habitions, et la Cité Ardente était assez long « , se souvient-il.

Gino Bartali s’imposa sous le regard de ses admirateurs. Tout un symbole pour Maurice Loiseau car de GinolePieux à Lance Armstrong, les forçats de la route, Eddy Merckx en tête, ont joué important dans sa carrière.

Pourtant, c’est spikes aux pieds que Maurice Loiseau a découvert ses premières joies sportives en portant le maillot des athlètes de l’Union St-Gilloise. Un dirigeant présenta le jeune sprinter à Jacques Lecocq, rédacteur en chef des Sports, qui, en 1958, lui confia un premier reportage consacré au meeting d’athlétisme auquel il prenait part. Maurice Loiseau avait le pied à l’étrier. Devant, et surtout derrière les caméras de la RTBF, sous la direction de Marc Jeuniau, créateur du service des sports de la RTBF en 1960, Maurice Loiseau vit les mutations cathodiques du reportage sportif. Les innovations se succèdent avec l’arrivée de la couleur en 1972, l’apport de la caméra wescam (commandée à distance, elle supprime les vibrations), l’apparition du super slow motion de la firme liégeoise EVS qui supprime le grain lors des ralentis, etc. Et Canal + qui bouleversera les habitudes en plantant 14 caméras autour des terrains de sport, en multipliant les interviews et les statistiques.

Le sport devient aussi une caisse de résonance politique. Aux Jeux Olympiques, il y a des boycotts, le poing ganté de noir des athlètes américains à Mexico en 1968 en signe de protestation contre la ségrégation raciale dans leur pays, l’assassinat d’athlètes israéliens par un commando palestinien en 1972 à Munich. Ce sont quelques-uns de grands moments d’une carrière de 40 ans et dix mois avec, à la clef, un record, sa médaille d’or : 1.600 jours de reportage en direct.

Si les réalisateurs sportifs belges jouissent d’un immense prestige sur la scène internationale, Loiseau y est pour beaucoup. Au moment de prendre sa retraite, il a zoomé pour nous, son Top 10 des grands moments de sa carrière.

1. Les £uvres complètes d’Eddy Merckx

 » Réalisateur du cyclisme à la RTBF, j’ai eu la chance de le mettre en images partout : Liège-Bastogne-Liège, Flèche Wallonne, Championnat de Belgique, Tour de Belgique, Tour de France, Mexico pour le record de l’Heure… Le pic : l’étape de Mourenx-Ville Nouvelle, en 1969. Il prend 10 minutes d’avance, tout seul, dans le Tourmalet et l’Aubisque. Peu avant l’arrivée, je le vois encore sourire et faire un petit signe amical à la caméra, sur la moto qui le colle. Grandiose… Il y a 30 ans qu’on attendait un Belge en jaune à Paris. Eddy Merckx, ce champion beau, jeune, dynamique, fascinait tout le monde, a offert une magnifique image de notre pays au monde entier « .

2. Angleterre-Allemagne au Mundial 70

 » J’étais encore commentateur réalisateur. Quatre envoyés spéciaux avaient été dépêchés pour ce Mundial : Arsène Vaillant avait choisi le groupe des Belges. RichardDebeir celui des Italiens, Roger Laboureur, inconditionnel de Pelé, le Brésil, à Guadalajara. On m’a donné le Maroc, la Bulgarie, le Pérou et l’Allemagne, dans une petite ville perdue dans la pampa, à Leon. J’y ai pris mon pied : plus grand nombre de buts marqués (avec un avant-centre péruvien, TeofiloCubillas, éblouissant) et puis un quart de finale dont doit rêver tout reporter : Angleterre-Allemagne. Un match somptueux, joué à midi (38° !) pour les besoins de la télé en Europe (20 h). Les Anglais, emmenés par Bobby Charlton, mènent 2-0. AlfRamsey retire alors du jeu son stratège Charlton pour le ménager avant les demi-finales. Erreur, car les Anglais se désorganisent et concèdent trois buts, dont un dans les prolongations. Cette Coupe du Monde, remportée par le Brésil, est considérée comme la plus belle de l’histoire « .

3. Le phénomène Gaston Roelants

 » Il a tout gagné, pendant vingt ans dont la médaille d’or sur 3.000 m steeple des Jeux Olympiques de Tokyo en 1964. A cette époque, la RTBF n’avait personne sur place et reprit le reportage de la télévision suisse. A mon sens, Gaston Roelants est le plus grand sportif belge avec Merckx. Avant de passer les obstacles, Gaston calculait ses pas avec un petit éléphant rose, en pluches, placé au bord de la piste « .

4. Roger Claessen

 » Avec Roger Laboureur, nous avons fait plusieurs reportages sur Roger-la-Honte et un Lundi Sports spécial quand il jouait à Aix-la-Chapelle. Il y avait une séquence en mannequin pour vêtements de mariage, une autre dans une boîte de nuit à Aix où il avait fait venir, à notre demande, une volée de belles filles allemandes qu’il connaissait, pour pouvoir danser et filmer l’après-midi, car il s’entraînait le soir. Il aimait dire que son livre de chevet, c’était L’âmeobscure de Daniel Rops. Il avait aussi eu une tirade, dans cet interview, contre les pharmaciens en général… parce qu’un pharmacien de Liège lui avait refusé sa fille en mariage ! Il était le seul, au Standard, à avoir osé tenir tête à Roger Petit. Tant d’autres footballeurs m’ont marqué : Paul Van Himst, Jean Nicolay, Robby Rensenbrink, Jean Dockx, Wilfried Van Moer, Juan Lozano, EnzoScifo. Mais Roger Claessen était vraiment un joueur à part. Le football suscite une énorme audience télévisée. Un homme ne l’a pas compris à la RTBF : Christian Druitte, l’ancien administrateur général. Il a perdu la Ligue des Champions et les Diables Rouges. Tout le service des sports pense encore à lui, aujourd’hui, en regardant les directs sur ‘RTL. Le football est cher, certes, mais on ne laisse pas partir ça chez le concurrent « .

5. Le premier Mémorial Van Damme

 » J’avais eu le plaisir de réaliser cette première édition, immédiatement après le décès d’ Ivo. Je retiens deux émotions intenses : John Walker, champion olympique du 1500 m à Montréal devant Ivo, qui étreint longuement le père VanDamme, effondré, au pied du podium. Mettre cela en images vous donne les larmes aux yeux. J’étais tellement heureux de montrer, en début de reportage, que ce Heysel d’habitude si vide pour l’athlétisme, était quasiment rempli (40.000 personnes), que j’ai raté le départ du 400 m haies ! Avec Edwin Moses, star parmi les stars, pourtant en lice. Le Mémorial a été mis sur pied, lancé par des journalistes et est devenu un must international : quel succès, Ivo le mérite tant « .

6. Fred De Burghgraeve, champion olympique, en 96

 » Parmi les grandes joies que j’ai éprouvées, à la RTBF, c’est celle d’avoir pu réaliser quatre longs métrages (1 h 30) uniquement sur les Belges, aux JO. Pour la RTBF et aussi pour la VRT, qui reprenait notre film. Si, pour moi, les Jeux de Barcelone furent les plus beaux de tous, je retiens avec émotion la victoire, à Atlanta, de FredjeDe Burghgraeve. Un Belge champion olympique en natation, quel exploit ! Ce qu’a dit de lui ( » Je ne voudrais pas que ma fille termine comme lui à devoir vendre des chaussures, après le sport « ) Lei Clijsters est indigne d’un être humain !  »

7. Becker-Courier à Forest-National

 » Je réalisais les images du Donnay Indoor de tennis, il y a une quinzaine d’années. Finale Boris BeckerJim Courier, tous deux alors au sommet. L’Américain prend les deux premiers sets et on se dit : -Ce n’est pas un Grand Chelem, donc Becker va laisser aller. Erreur : Boris Boum-boum se déchaîne, le match est passionnant et les deux adversaires se battent pendant 5 heures et 10 minutes ! Notre équipe TV était crevée ; à peine le temps de s’éclipser, l’un après l’autre, pour un petit besoin. Le plus beau match que j’aie jamais mis à l’antenne, en 40 ans. Qui dit tennis en Belgique, dit Justine Henin et Kim Clijsters. Fabuleux. Mais elles n’égaleront jamais le prestige d’Eddy Merckx : impossible, il est hors catégorie. Je songe aussi à Jacky Brichant, PhilippeWasher, Patrick Hombergen, Bernard Boileau « .

8. Le portrait du Bayern

 » Vers les années 70, toujours avec mon comparse Roger Laboureur, nous passons plusieurs jours à Munich, pour réaliser un portrait complet du Bayern. A cette époque, on pouvait encore embêter des champions pendant plusieurs jours… Nous avons été bien reçus par le club, interviews sans problèmes avec ses vedettes : l’impérial Franz Beckenbauer, avec son accent typique de Bavière. Et Gerd Müller, Der Bomber, qui n’avait pas de voiture le jour où nous le rencontrons et nous demande de le conduire chez le dentiste et de le ramener au club « .

9. L’ouverture des Jeux de Los Angeles

 » Une cérémonie exceptionnelle : 100 pianistes pour jouer la Rhapsody in Blue de GeorgeGerschwin, l’évocation de l’odyssée des pionniers, à la conquête de l’Ouest, l’homme volant, qui atterrit au milieu du stade, le chanteur Lionel Richie, la petite-fille de Jesse Owens qui porte la flamme olympique « .

10. La finale olympique de basket USAûURSS en 1972

 » Aux Jeux de Munich, les Américains vont gagner d’un point (panier à 2 pts à l’époque). Ils mènent 50-49. Confusion en fin de match. Sur intervention du commissaire international WilliamJones (Américain…), on fait rejouer les trois dernières secondes de la partie, les Russes ayant, semble-t-il, demandé un temps mort sans que la table ne s’en aperçoive. Longue remise en jeu de ModestasPaulaskas vers Alexandre Belov qui marque : 51-50 pour les Soviétiques, médaillés d’or !  »

Pierre Bilic

Pierre Bilic

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