ZINNEKE PARADE

Bruno Govers

Un match dans le match avec les deux backs droits, les plus jeunes acteurs du derby bruxellois.

D’un côté Anthony Vandenborre, 17 ans et Anderlechtois pure souche. De l’autre Steve Colpaert, 18 ans et Molenbeekois bon teint. Samedi dernier, à l’occasion du derby, au Parc Astrid, ils étaient les plus jeunes, dans leur camp respectif, à vivre le grand rendez-vous footballistique de la capitale.

Anthony Vanden Borre : Si notre victoire a mis longtemps à se dessiner, elle n’en est pas moins méritée. Pendant une heure, malgré une monopolisation du ballon évidente, nous avons buté sur une défense bien orchestrée par Bertrand Crasson. Après le but d’ouverture de Nenad Jestrovic, nous avons logiquement bénéficié d’une plus grande marge de man£uvre et tout est alors devenu plus facile pour nous. Sur un plan plus personnel, je ne suis pas mécontent de ma prestation. Pendant une heure, j’ai eu affaire au remuant Kristof Snelders. Je pense avoir bien tiré mon épingle du jeu face à lui. En règle générale, c’est toujours le défenseur qui prend un carton face à l’avant qu’il doit museler. Ici, le contraire s’est produit. Son remplaçant, Marcelo, épouse un tout autre profil que lui. Il a un style plus ondoyant et technique. Le match était toutefois déjà plié au moment où il a fait son apparition. Il n’a dès lors pas constitué une grande menace.

Steve Colpaert : Pendant une mi-temps, nous avons cru en un possible exploit. Puis, en l’espace de quelques minutes à peine, en deuxième mi-temps, le rêve s’est écroulé. En cause, ces fameux ballons aériens que nous ne parvenons décidément pas à gérer. C’est à ce niveau-là que l’apprentissage est le plus laborieux depuis le début de la saison. Abstraction faite de ce revers, je conserverai quand même un bon souvenir de ce match. C’était mon premier derby de D1 puisqu’à l’aller j’avais encore dû me satisfaire d’une place dans la tribune. J’ai savouré mes duels avec Aruna Dindane, qui s’est retrouvé le plus souvent dans ma zone. En dépit de la sévérité des chiffres, il y a des points positifs à retenir de cette rencontre : la bonne organisation d’ensemble, la solidarité. Si nous poursuivons sur cette voie, l’équipe devrait pouvoir assurer sa survie en D1.

Qu’éveille en vous la notion de derby ?

Vanden Borre : Davantage qu’un affrontement face aux ténors traditionnels que sont Bruges ou le Standard, il a toujours fait figure pour moi de match de la saison. Et les années ont beau avoir passé, avec des fortunes diverses pour les deux clubs, il garde une aura particulière. Malgré le changement de nom, le FC Brussels reste avant tout synonyme, à mes yeux, de RWDM, de Molenbeek ou de Molen tout simplement, comme on appelait ce club chez les jeunes. Les trois quarts du temps, je ne me préoccupais jamais, personnellement, du nom de l’adversaire que j’allais affronter le week-end venu. Mais quand il s’agissait du frère ennemi, tous mes sens étaient en éveil.

Colpaert : J’ai souvenance d’avoir croisé Anthony et ses potes sur ma route depuis les Préminimes. C’étaient toujours des matches à couteaux tirés et au verdict très indécis. Quand la victoire était au bout du chemin, elle dégageait une saveur à nulle autre pareille. En revanche, la défaite faisait toujours beaucoup plus mal que n’importe quelle autre. Chez nous, il n’y avait peut-être pas la même championnite aiguë qu’à Anderlecht. On pouvait se permettre de perdre de temps en temps sans que l’entourage n’y trouve à redire. Mais face au Sporting, il fallait toujours gagner. Je ne dis pas que la saison était automatiquement bonne. Mais c’était tout comme.

Vanden Borre : Les Molenbeekois, c’étaient pas des clients. Avant le match, on nous avisait d’ailleurs toujours de mettre nos jambières, car les gars d’en face n’avaient pas l’habitude de retirer leurs pieds. Ce qui ne gâchait rien : la plupart de ces joueurs couplaient à leurs qualités physiques des dispositions évidentes comme footballeurs. Au fil des ans, je me suis frotté à pas mal de monde en Belgique. Mais l’adversaire le plus talentueux et coriace, c’était toujours Molen. Avec Steve et Faris Haroun comme figures de proue.

Colpaert : Quand d’aventure on perdait lors d’un derby, les entraîneurs ne manquaient jamais de nous dire que nous avions choisi le bon camp, malgré tout. Ils se faisaient fort que tôt ou tard nous défendrions les couleurs du club au plus haut niveau, alors qu’ils nourrissaient des doutes quant aux mêmes perspectives dans le camp du RSCA. Et c’est vrai qu’il y a toujours eu, à la rue Malis, une tradition. Il suffit de citer les noms d’Eric Deleu, Patrick Gollièrre, Yves De Greef, Marc Trigaux ou Patrick Thairet. Longtemps, Anderlecht n’a pas été logé à la même enseigne. Même si la donne a changé entre-temps avec les percées de Vincent Kompany, Olivier Deschacht ou Anthony.

Hasard et nécessité

Auriez-vous pu vous retrouver chez l’adversaire à l’un ou l’autre moment de votre cheminement ?

Vanden Borre : En ce qui me concerne, le hasard a bien fait les choses. De fait, j’étais tellement excité à la maison que l’un de mes frères s’est mis en tête de me faire pratiquer du sport afin que je me dépense en dehors du domicile familial. Comme le football ne me laissait pas indifférent, l’aîné a eu la bonne idée de m’inscrire dans le club le plus proche. Le Sporting n’étant situé qu’à 200 mètres de chez nous, c’est là que j’ai abouti. Si mes parents avaient établi leurs quartiers sur les hauteurs du boulevard Mettewie, tout porte à croire que j’aurais porté les couleurs du RWDM. Avec le recul, je ne suis pas fâché d’être anderlechtois. J’ai eu la chance de débuter à 16 ans en équipe fanion. Je ne pense pas que j’aurais pu entamer ma carrière à un âge plus précoce chez les Coalisés. Je n’en serais peut-être pas même chez eux au même stade que chez les Mauves aujourd’hui. Car il faut que les circonstances s’y prêtent. Au Parc Astrid, j’ai à n’en pas douter profité de la brèche ouverte par Vincent Kompany. Il a suffi qu’il démontre ses capacités pour que le staff technique s’intéresse au blé en herbe dont je faisais partie. Si Vince n’avait pas fait figure d’exemple, j’attendrais probablement toujours mon tour chez les doublures actuellement.

Colpaert : Chez moi, on a toujours eu les couleurs rouge et noir étroitement chevillées au corps. Mon grand-père paternel, Eugène, était un supporter acharné du Daring et il a transmis le virus à son fils Edouard, devenu par la force des choses un fan du RWDM. Si, à l’instigation de quelques copains de classe, j’ai d’abord fourbi mes armes à Dilbeek, je me suis retrouvé par la suite en classes de jeunes à la rue Malis. Non pas par hasard mais par nécessité car il était impensable que je rallie les rangs de l’ennemi. Et je ne m’en suis jamais plaint car l’écolage auquel j’ai eu droit a franchement été super pendant toute cette période. Le seul bémol, ce fut la faillite du club en 2002. Durant plusieurs mois, nous avons alors été abandonnés à notre sort par l’ancienne direction. Quelques entraîneurs ont eu le bon goût, à ce moment-là, de persévérer afin que le football garde toujours un sens pour nous. Je ne les remercierai jamais assez car ils se sont vraiment débrouillés comme ils pouvaient. Il n’y avait plus rien : ni ballons, ni équipements. Tout, absolument tout, avait été dévalisé. Certains, déçus, ont jeté le gant. D’autres ont mordu sur leur chique en attendant des temps meilleurs. Parfois, ces deux pôles se sont tout simplement rejoints. En nous rendant un jour à l’entraînement, mon père et moi avons eu l’attention attirée par une silhouette très familière qui attendait le bus. C’était Isa Izgi. Il avait fait une croix sur le football. Mon père l’a persuadé de monter dans la voiture et il s’est entraîné avec nous ce jour-là. Avec succès, quand on mesure le chemin qu’il a accompli entre-temps.

Vous êtes satisfaits de votre trajectoire jusqu’à présent ?

Vanden Borre : J’ai pleinement conscience d’être un privilégié, dans la mesure où, à mon âge, je me suis hissé à la fois en Première à Anderlecht et que j’ai déjà goûté au bonheur d’une sélection en équipe nationale. Mais par rapport à la saison passée, qui aura été super de bout en bout, avec un titre de champion à la clé, celle-ci me laisse un goût de trop peu. Je me suis bien repris, certes, mais la première partie de la compétition ne me laisse pas un souvenir impérissable. J’ai traversé une mauvaise passe, avec des approximations tant contre l’Inter Milan que face au Cercle Bruges. On m’avait prévu que la deuxième année est toujours la plus dure. Je l’ai bel et bien vérifié.

Colpaert : J’en suis à ma deuxième saison également avec les A. La première était franchement anecdotique : je n’ai disputé qu’une seule rencontre, face à Hamme, tout en ayant eu droit à quelques minutes de jeu également face à Ostende. Pour moi, les choses sérieuses ont commencé cette année. Et j’avoue que jusqu’à présent, je suis comblé. J’aurais signé, au départ, pour quelques missions de remplacement, étalées sur tout le championnat. A l’analyse, j’ai non seulement été appelé à relayer plusieurs fois un partenaire, mais j’ai été titularisé aussi à plusieurs reprises. C’est réellement extra. J’ai réussi au-delà des espérances. Mais je n’entends pas en rester là. A terme, je veux évidemment faire mon trou parmi le onze de base.

Révolution

Vous avez tous deux vécu un changement d’entraîneur en cours de saison. Qu’est-ce qu’Hugo Broos et Emilio Ferrera ont signifié pour vous ?

Vanden Borre : Personnellement, je dois évidemment beaucoup à Broos, puisque c’est lui qui m’a lancé dans le grand bain. Cela dit, à l’heure des bilans, je reste sur ma faim avec lui. Il y a eu le titre et mes premiers pas d’international, mais je m’attendais malgré tout à davantage. En tant qu’ancien de la maison, et défenseur de surcroît, je pensais trouver en lui un guide. Mais il ne m’aura guère influé sur ce point. Pas plus qu’avec les autres, il ne se sera montré communicatif envers moi. En l’espace d’un an et demi, nos échanges verbaux se sont toujours limités au strict minimum. OK, je ne suis pas expansif de nature et je ne recherche pas spécialement le contact. Mais, par moments, j’aurais quand même voulu savoir à quoi m’en tenir très exactement. Sur ce que je faisais de bien ou de mal, notamment. Pourtant, il aurait fallu me recadrer après certains péchés de jeunesse.

Colpaert : Moi non plus, je ne suis pas près d’oublier tout ce qu’Emilio Ferrera a fait pour moi cette saison. Même si les débuts auront été très durs. En réalité, dès la période de préparation, le coach a eu la franchise de me dire que je ne faisais pas partie de ses plans. Il a même poussé le bouchon plus loin en m’affirmant que je n’avais pas la pointure d’un joueur de D1. Au moment même, ces paroles furent très dures à avaler, je ne le cache pas. Et j’ai encaissé un uppercut quand il m’a signifié son intention de me rétrograder dans le noyau B. Loin de me décourager, j’ai voulu lui prouver de quel bois je me chauffais. Et, petit à petit, j’ai retrouvé grâce à ses yeux. Après notre victoire contre Mouscron, il m’a félicité chaleureusement. Aussi, même si tout n’a pas toujours été rose avec lui, je ne veux retenir que les bons moments. Je lui sais gré de m’avoir repêché et de m’avoir beaucoup appris également. Tactiquement, j’ai ouvert les yeux. C’est quelqu’un qui lit le jeu d’une manière exceptionnelle. Tout ce que je lui souhaite, c’est de rebondir.

Corollairement, que vous ont apporté jusqu’ici leurs deux successeurs, Franky Vercauteren et Robert Waseige ?

Vanden Borre : Avec lui, c’est la révolution. Physiquement, je me sens un autre joueur depuis qu’il a pris la relève. Une heure de travail sur le terrain, c’était trop peu pour moi. Si mon frère ne m’en avait pas empêché, je n’aurais pas hésité à taper le ballon à la plaine de jeu avec quelques copains, histoire de me dépenser un peu. Car j’étais toujours frais comme un gardon. Depuis que Franky Vercauteren est aux commandes, cette idée-là ne m’a plus jamais effleuré, croyez-moi. Les séances sont toujours beaucoup plus longues et je rentre régulièrement fourbu à la maison. C’est bien simple, il m’arrive de faire la sieste, ce que je ne faisais jamais ! Mentalement, le nouveau coach ne lâche jamais le morceau non plus. Tous les jours, il tape sur le même clou : -Le talent c’est très bien, mais le rendement c’est encore mieux. Son endoctrinement est en train de porter pleinement ses fruits, c’est clair. Techniquement et tactiquement, tout a bougé aussi. J’ai déjà joué au back et au demi droit et, à chaque coup, j’ai eu droit à des entraînements spécifiques sur les centres. C’est très important, comme on vient d’en administrer la preuve par l’entremise de Pär Zetterberg dans ce derby. Lors du premier derby bruxellois de la saison, c’est sur l’un de mes services que le Suédois avait inscrit le seul but de la partie. Après coup, Canal + m’avait même désigné meilleur acteur du match (il rit).

Colpaert : Le grand mérite de Robert Waseige est d’avoir su décrisper et dérider tout le monde. A la longue, nous étions tendus avec Emilio Ferrera. Même les plus expérimentés étaient taraudés par la peur de mal faire. Cette hantise-là a disparu. Nous jouons de manière plus relax. C’est important.

Qu’attendez-vous de l’avenir ?

Vanden Borre : J’espère avoir encore l’occasion de disputer quelques derbies. Par la suite, il me plairait de goûter à la même chose ailleurs. Mais le nom de cette destination est toujours une inconnue pour le moment (il rit).

Colpaert : La direction m’a proposé un contrat de cinq ans. Si je l’accepte, j’aurai quelques derbies en perspective. Ce ne serait pas pour me déplaire. Car j’aspire à une revanche après cette défaite (il rit).

Bruno Govers

 » Vercauteren tape TOUJOURS SUR LE MEME CLOU : -Le talent c’est très bien, mais le rendement c’est encore mieux  » (Vanden Borre)

 » D’après Ferrera, je n’avais PAS LA POINTURE POUR LA D1  » (Colpaert)

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire