ZÉRO 2008

Pierre Bilic

René Vandereycken et ses internationaux ont été sifflés par le public après leur faux pas vers la Suisse et l’Autriche.

Le coach limbourgeois n’est pas le Werner von Braun du football : il a mal assemblé les étages de la nouvelle fusée belge qui devait survoler les bases du Kazakhstan. L’engin s’est très vite écrasé dans les steppes adverses bien quadrillées par Arno Pijpers, le sélectionneur néerlandais du Kazakhstan, 141e au classement de la FIFA. En optant pour un jeu simple, ce dernier a donc déjoué tous les étranges stratagèmes de René Vandereycken.

Le public a bien compris qu’il s’agissait d’abord d’une défaite de coach avant d’être le match nul d’un groupe. Le résultat final (0-0) a été accueilli par un concert de huées et met déjà les Diables Rouges au pied du mur : ils devront impérativement gagner en Arménie le 6 septembre. Ce pays vient de choisir un nouveau coach, l’Ecossais Ian Porterfied. Puis, il faudra tenter de grappiller un point, un mois plus tard, le 7 octobre, en Serbie qui, sous la gouverne de Javier Clemente, le successeur d’ Ilija Petkovic, a gagné son premier match officiel (amical) sous sa nouvelle appellation (sans le Monténégro) en Tchéquie : 1-3, un score qui prouve que sa mauvaise Coupe du Monde est oubliée. La presse quotidienne n’a pas été tendre après cette parodie de match face aux voyageurs venus de la frontière chinoise et Vers l’Avenir a tout résumé en un jeu de mots : Kazakhstrophe.

Fatiguer l’adversaire… ou lui donner confiance ?

Les options de départ de Vandereycken ont surpris tout le monde. Il aurait été normal de prendre l’adversaire à la gorge, de planter un pivot dans leur rectangle. Dès qu’un but tombe, un adversaire de ce niveau laisse tomber les bras. Vandereycken a permis au Kazakhstan d’y croire, de s’accrocher à un rêve au fil du temps : signer un exploit à Bruxelles, c£ur de cette Europe qui les enthousiasme tant.

Les Diables Rouges ont tout simplement déserté la zone de vérité tout au long de la première mi-temps. Moussa Dembele était chargé d’inquiéter le centre de la défense adverse. Le sociétaire d’AZ Alkmaar est indiscutablement un brillant manieur de ballons. Il rendra des services au football belge. Mais face au Kazakhstan, il recula trop dans le jeu tout comme un Thomas Buffel invisible qui se contenta d’£uvrer banalement, donc invisiblement, entre les lignes. Dembele est probablement plus à l’aise quand il peut tourner autour d’un point de repère. Pijpers ne s’attendait pas à affronter une Belgique sans… attaque. Sa défense se fit un plaisir de couper tous les angles, de jouer serré mais dans un fauteuil, voyant venir de loin les médians belges.

 » Le but de départ était de fatiguer l’adversaire par une bonne circulation de la balle « , souligna Vandereycken.  » Et, de fait, le Kazakhstan a plié en fin de match. Hélas pour nous, la chance ne fut pas au rendez-vous car nous avons eu de nombreuses occasions. Le gardien de but du Kazakhstan a signé un grand match mais cela n’explique pas tout, surtout pas l’impossibilité de profiter de tous ces ballons à la finition « .

Quand on laisse d’entrée de jeu des dynamiteurs comme Kevin Vandenbergh (renard des rectangles) et Luigi Pieroni (taille) sur le banc, il y a quand même de quoi s’interroger. Les forces offensives les plus percutantes n’ont pas été exploitées.

Montée au jeu trop tardive de Pieroni

La ligne médiane avait également une allure assez étonnante. Karel Geraerts a été décalé sur la droite. Le Standardman tarda à trouver ses sensations sur le flanc car ce n’est pas sa zone d’influence préférée. Il ne joue jamais à cette place. Geraerts préfère s’infiltrer dans l’axe. Dès lors, il n’y eut pas de raids en profondeur sur la droite avant d’adresser un centre. Et de toute façon, cela n’aurait servi à rien compte tenu de l’absence belge devant le gardien kazakh. Geraerts, dynamo de Sclessin, n’était pas le seul à chercher ses marques.

Au gauche, Bart Goor n’a plus rien d’un ailier de débordement. L’Anderlechtois préfère désormais manier le ballon dans l’axe. Sans force, sans esprit de décision et sans vitesse sur les flancs, on se complique la vie. Or, parmi les réservistes, il y avait deux spécialistes du débordement : Koen Daerden et Anthony Vanden Borre. L’ailier du Kazakhstan, Eduard Sergiyenko, a prouvé combien cela pouvait être important. A lui seul, cet ailier droit blond a carbonisé Jelle Van Damme et Goor. Seul Timmy Simons évoluait dans son registre habituel de médian défensif. Vincent Kompany fut avancé à ses côtés. Le sociétaire de Hambourg ne joue qu’occasionnellement à cette place. Il était le meneur de jeu des Diables Rouges. Même s’il s’en est très bien sorti, l’ancien Anderlechtois détient d’autres armes que celles d’un distributeur. N’est-ce pas la spécialité de Steven Defour ? Pourquoi est-il resté sur le banc ? La blessure de Kompany (touché à l’aine après 38 minutes de jeu) constitua un handicap mais eut pour effet paradoxal et intéressant d’équilibrer la ligne médiane : Stein Huysegems (un gaucher) fut posté à droite et Geraerts évolua enfin dans l’axe.

La ligne arrière fut bien tenue par Daniel Van Buyten (avant-centre en fin de match) et Thomas Vermaelen. A droite, Carl Hoefkens (arrière central de formation) ne mit pas assez le nez à la fenêtre. De même, à gauche, Van Damme (qui joue dans l’axe à Anderlecht) se chercha et ne fut pas d’une grande utilité. En résumé, la Belgique présenta sept éléments défensifs ( Stijn Stijnen, Hoefkens, Van Buyten, Vermaelen, Van Damme, Kompany, Simmons) face à un adversaire largement à notre portée. La montée au jeu de Luigi Pieroni fut trop tardive. Fatigué mais de plus en plus décidé à garder le 0-0, le Kazakhstan ne se désorganisa pas. A la fin de la première mi-temps, Nirbol Zhumaskaliyev rata de peu la lucarne belge.

Plus tard, alors que la Belgique poussait sur le champignon, Stijnen para quelques fois au plus pressé.  » Je vous ai jeté de la poudre aux yeux « , affirmait Pijpers.  » J’avais intentionnellement déclaré que la Belgique n’avait rien à craindre. La présence de Kompany dans la ligne médiane m’a étonné et même surpris. La Belgique a dominé les débats mais nous n’avons souffert que durant les dix dernières minutes de jeu. Le Kazakhstan n’a pas évolué de façon naïve et nous nous attendions à la possibilité de développer des contres « .

Les Diables Rouges étaient très déçus après cette catastrophe. Vandereycken sait ce qui lui reste à faire après ce mauvais début de campagne.  » C’est un résultat décevant mais dire que nous avons déjà hypothéqué nos chances de qualification, c’est exagéré « , a-t-il dit avec une pointe de cynisme.  » Au classement, nous ne sommes pas distancés car les autres n’ont pas encore joué (!). Le match contre l’Arménie sera vite à l’ordre du jour. C’est une bonne chose car ce voyage nous permettra de réagir. Notre intention était d’y jouer pour les trois points. Maintenant, c’est une obligation et nous avons sept matches à l’extérieur afin de reprendre ce que nous avons égaré face au Kazakhstan « .

PIERRE BILIC

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