Zé Mario

Le nouveau coach de l’Inter est, pour les jeunes de Setubal, la deuxième personnalité la plus fameuse de la ville.

Setubal, au-delà du fleuve entre les arbres, se trouve le paradis de JoséMourinho. Soixante kilomètres au sud de Lisbonne, The Special One devient simplement Mario, c’est ainsi que l’appellent ses amis, ses parents, les connaissances et les travailleurs du port. Tous disent :  » Ce n’est pas vrai qu’il est arrogant. En fait, ce n’est pas un banana et il ne fait que défendre ses idées. C’est pour cela qu’on le critique.  » Etre un banana signifie avoir un caractère condescendant et plier la tête à chaque ordre : Mourinho c’est exactement le contraire. C’est la raison principale pour laquelle, à Setubal, dans sa terre, il est estimé et respecté.

Un récent sondage effectué par la ville auprès des adolescents a établi que, pour les garçons, il est la deuxième personnalité la plus fameuse de Setubal. Plus connu que le poète Manuel De Bocage, gloire portugaise du 18e siècle sur lequel d’entières générations d’étudiants ont planché, Mou est moins connu que Jacinto Joao, l’ailier gauche mythique du Vitoria des années 60 et 70.  » Mais Zé Mario a encore quelques années devant lui pour arriver au sommet du classement et s’il gagne la Champions League avec l’Inter, c’est bingo « , prévoit Ronald John Inacio, qui connaît Mourinho depuis 40 ans, jouait avec lui dans les équipes de jeunes du Vitoria.  » Il n’était pas terrible mais il s’appliquait à fond « , coupe court Inacio, essayant de faire comprendre que les gens de Setubal ne digèrent pas les jugements trop négatifs venant de l’étranger.

 » Il était très éveillé dès son enfance « , raconte Rogerio Vaz Carvalho, dirigeant du Vitoria  » Je suis un grand ami de Felix, son père, qui a été le gardien de notre équipe. On voyait que Zé Mario avait quelque chose en plus que les autres garçons, une marque spéciale, une envie de réussir qui est le sel de toute entreprise. Quand il entraînait Porto ou Chelsea, j’étais toujours devant la télévision pour regarder les matches. Son père jamais. Felix souffre trop, il sort de chez lui et se met à marcher dans les rues de Setubal pendant 90 minutes. Il est allé une fois au stade pour assister à la finale de Ligue des Champions entre Porto et Monaco et il m’a dit qu’il ne commettra plus jamais cette erreur.  »

Felix Mourinho est un monsieur de 70 ans, qui n’aime pas les paroles. Il boit tous les matins son cafezinho au bar Conde d’Arcos et, quand quelqu’un s’approche pour lui demander un renseignement sur son fils, il s’enfuit comme s’il avait été piqué par une guêpe.  » Réservé et discret « , c’est ainsi que le décrit Vaz Carvalho. José-Zé Mario Mourinho est en tout cas moins réservé quand il s’agit de montrer les fruits du succès. Devant sa villa située dans une zone résidentielle, est parquée la Ferrari que lui récemment offert Roman Abramovich. Il l’utilise rarement. Il préfère la laisser près de la grille d’entrée afin que les habitants de la zone puissent l’admirer. Et, comme l’argent est toujours synonyme de pouvoir, il fait augmenter l’estime et la considération que les gens lui portent. Mais à surveiller le joyau, il y a également les hommes de sécurité : Mourinho a deux gardes du corps, qui le protègent lui et sa famille. Un homme riche, très riche dans un pays qui connaît une mauvaise passe, mieux vaut prévenir…

Arbitre d’un match de vieilles gloires

 » Ce n’est pourtant pas un type qui se donne des airs « , précise directement JoséAntonio Duarte, ami de Zé Mario et dirigeant du Vitoria.  » Il se promène dans Setubal tranquillement, parle avec tout le monde, est toujours présent quand il faut venir en aide pour aider les gens pauvres « . Une des dernières sorties publiques, remonte à mi-mai, à l’occasion d’un match de bienfaisance entre les vieilles gloires du Vitoria et celles de Benfica. Comme Mourinho n’a été la vieille gloire d’aucune des deux formations, il a fait l’arbitre.  » Et nous avons récolté les fonds pour remettre en ordre deux établissements destinés aux personnes âgées « , conclut Duarte.

Même quand Zé Mario entraînait Chelsea et vivait à Londres, la famille ne s’est jamais déplacée de Setubal. Les enfants Matilde et José y vont à l’école voisine. Le père les suit de près, de tellement près au point de décider avec son épouse Tami, de les changer d’institut parce qu’à la Saint Peter’s School certains enfants s’étaient disputés avec Matilde et l’avaient offensée. L’histoire remonte à l’année dernière et cela a fait tout un foin à Setubal au point que la police est intervenue et a mené une véritable enquête. Avec Mourinho on ne rigole pas : c’est quand même la deuxième gloire de la ville et elle doit être protégée de qui en dit du mal.

Les gens l’apprécient parce qu’il est devenu celui que tout le monde aimerait être : beau, riche et populaire. En plus, dans cette ville qui vit d’eau et de poisson, José Zé Mario Mourinho est le Portugais idéal, celui qui, comme ses aïeux, a pris la mer pour aller conquérir le monde.  » Je me souviens quand il était professeur de gymnastique à l’école Ana Maria Osorio, ici à Setubal « , lance JoséManuelPessenhas, qui se trouve derrière son grand comptoir dans un bar près du port de Setubal.  » Et maintenant je le retrouve en première page de tous les journaux. Incroyable ! La vie a été gentille avec lui. Nous disons que Zé Mario est né avec le cul au soleil. Moi je suis né le cul à l’ombre et me voici planté là. Mais si je n’ai pas eu sa chance, je n’en suis pas envieux pour autant. Je lui souhaite de tout gagner avec l’Inter. Il est gentil et je le vois souvent puisque j’habite près de chez lui « . Effectivement 200 mètres séparent leurs deux domiciles, mais c’est une distance infinie : Mourinho possède sa Ferrari parquée devant sa villa et le senhor Pessenhas, lui, met sa voiture dans le garage commun  » parce qu’on ne sait jamais…  »

A Setubal ; on admire la continuité, que certains appellent l’entêtement de Zé Mario. Son succès est le fruit de cette mentalité, la même qui avait habité les grands conquérants portugais.  » Maintenant, il a réalisé son rêve : entraîner en Italie « , dit Paulo Grencho, secrétaire général du Vitoria Setubal.  » C’était son obsession. Pour lui, le championnat italien, c’est le sommet. Je me souviens de Zé Mario quand il entraînait les jeunes du Vitoria et, même avant encore, quand il jouait. Il était méticuleux, précis et organisé.  »

 » Oui, mais comme joueur, ce n’était pas grand-chose « , interrompt Carlos Lopes, journaliste d’ Ojogo.  » Nous étions équipiers en Série D : dans une équipe qui s’appelait Comercio e Industria. J’étais gardien et lui arrière central. La technique ce n’était pas son fort, il s’en tirait grâce à sa personnalité. Une fois, notre coach a été remercié à la mi-temps, parce qu’il avait osé remplacer le capitaine, un certain Fernando, l’idole des supporters. L’entraîneur attaqua le club en justice et nous les joueurs nous avons dû nous rendre au tribunal pour témoigner. Zé Mario est venu lui aussi et a pris partie pour le coach.  »

Il paye sa cotisation de socio du Vitoria

Une fois qu’il a compris qu’une carrière de footballeur n’était pas envisageable pour lui, Zé Mario a tout de suite décidé qu’il valait mieux qu’il prenne place sur le banc. Il étudiait les entraînements du père, qui travaillait au Vitoria, il s’informait et lisait beaucoup.  » Et il le faisait aussi à l’école « , raconte José Marquinhos, aujourd’hui pêcheur et qui a été l’élève de Mourinho.  » Il n’était pas sévère mais il exigeait que les règles soient respectées. Il nous faisait jouer au football mais aussi au handball et au basket. Il était sympa. Bien plus que sa mère, qui enseignait la langue et la littérature portugaises et qui distribuait les 4 aux bulletins.  »

 » José venait toujours voir les matches du Vitoria « , explique Grencho.  » Aujourd’hui encore, il est socio du club. Il paye sa cotisation annuelle et a les couleurs blanc et vert dans le c£ur. Il a été intelligent à suivre Bobby Robson à Barcelone en 1996, quand il l’a appelé pour être son interprète. Il a beaucoup appris et a tiré le fruit de son travail. Il s’est gagné le droit d’entraîner l’Inter.  »

En vérité, Zé Mario n’a jamais connu la faim. C’est ce que confirme, Rui Carreira, un restaurateur :  » L’oncle de la mère était un sardinhero : il avait une entreprise de conserves de poissons, dans l’après-guerre et il gagnait de l’argent à la pelle. Et on prétend même qu’il était un protégé du dictateur Salazar. Le grand-père de la mère était un riche entrepreneur, qui a même été président du Vitoria : MarioLedo.  » Bref, dans la famille, la crise économique, ils ne l’ont jamais connue. Et maintenant, Zé Mario investit notamment dans l’immobilier et est en train de faire construire un méga hôtel cinq étoiles en Algarve.

Des cours particuliers d’italien

Pendant plusieurs mois, Gianluca Miraglia a été le professeur d’italien de José Mourinho : chaque matin excepté les week-ends et les jours fériés, il parcourait 120 km pour donner trois heures de cours au coach. Du coup, quand il est arrivé à Milan, Zé Mario s’exprimait convenablement en italien. Cette mission a été tenue très secrète. Ce n’est qu’au dernier moment que Miraglia a révélé à ses amis où il allait tous les matins.  » La première heure était réservée à la grammaire, la seconde à la lecture d’articles parus dans des journaux sportifs et la troisième à la conversation avec un éventuel retour à la grammaire.  »

Et comment était Mourinho étudiant ?  » Appliqué et sérieux. Il prenait des notes dans un petit cahier comme quand il suit les rencontres. Il a effectué de rapides progrès et peut déjà s’exprimer de manière correcte en italien. C’est clair qu’il commet encore des erreurs qui trahissent l’influence linguistique du portugais et de l’espagnol mais il s’exprime bien surtout s’il se concentre sur le langage du sport et du football en particulier. « 

Et l’arrogance de Mourinho dont on parle tant ?  » Je ne l’ai pas remarquée. Peut-être parce que nous sommes du même âge et que nous avons rapidement eu de bons rapports. Mourinho est gentil et réservé. C’est un étudiant intelligent, diligent. Naturellement, il est déterminé et exige le meilleur de lui-même et des autres. Peut-être que pour être vraiment spécial dans le monde du foot, il est nécessaire d’adopter certains comportements. « 

par andrea schianchi, esm

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