Le réserviste de luxe de l’ère Riga est devenu un titulaire incontournable sous Cartier.

Chaque semaine depuis le début de cette saison, Fadel Brahami (29 ans) est sur le terrain. Mais pour lui, tout a changé dès le jour où Albert Cartier a repris le témoin de José Riga à Mons. Avec l’ancien coach, sa vie se résumait le plus souvent à des bribes de matches. Avec le nouveau, on le voit sur la pelouse dès le coup d’envoi. Analyse d’une nouvelle vie.

Comment viviez-vous votre statut d’éternel réserviste ?

Fadel Brahami : Pas trop bien, évidemment. Quand on fait ce métier, on a envie d’être dans l’équipe chaque semaine. Pour moi, rien n’était clair : je jouais un samedi, j’étais sur le banc le week-end suivant. Ce yoyo, c’était une première dans ma carrière mais je n’ai pas eu le choix : j’ai dû m’adapter. Prendre mon mal en patience. Bosser comme un fou à chaque entraînement. En sachant que je serais sans doute condamné à rentrer à la 46e minute ou un peu plus tard. Le plus dur, c’était de constater que je n’étais toujours pas titulaire huit jours après avoir fait une bonne rentrée.

Receviez-vous des explications de Riga ?

Non, mais je n’en demandais pas non plus. Nous discutions de temps en temps mais je ne lui demandais pas le pourquoi du comment. J’ai trop de respect pour la fonction d’entraîneur : je me plie sans broncher aux choix de mon patron sportif.

Quel était votre état d’esprit quand Cartier a débarqué ?

J’étais quelque part rassuré : tout le monde allait repartir sur le même pied. Et quand un nouvel entraîneur arrive, ce sont surtout les réservistes qui rigolent car ils sont conscients que leur heure va peut-être sonner.

Vous aviez déjà travaillé avec Cartier à La Louvière : avez-vous retrouvé le même homme ?

Dans les grandes lignes, oui. Mais comme la situation du Mons d’aujourd’hui est fort différente de celle de La Louvière de l’époque, le discours et les accents à l’entraînement sont un peu différents. A La Louvière, tout s’était bien passé dès les premiers matches et cela nous permettait de soigner le beau jeu. Ici, Cartier a découvert un groupe qui aime bien jouer au ballon aussi, mais ça doit passer au second plan car il faut faire remonter d’urgence l’équipe dans le classement. Il y a donc un mot d’ordre prioritaire : l’agressivité. Il veut des gars qui montent sur le terrain avec l’obsession de manger les adversaires. Nous devons penser au combat physique avant de songer aux gestes qui font plaisir aux spectateurs. Cartier ne veut plus qu’on chipote dans cette équipe. Dès le premier jour, il est allé droit au but. Quand quelque chose ne va pas, il gueule, il peut s’en prendre à n’importe quel joueur devant tout le groupe. Au premier tour, il nous a manqué un patron dans le vestiaire, un homme capable de remettre très vite les choses en place. Riga était plus gentil que Cartier.

On avait l’impression que le vestiaire était un peu endormi ?

Non, notre vestiaire était normal, bien éveillé. Mais avec Cartier, il est plus que normal : il est très speed. A l’entraînement, tout le monde a intérêt à être à l’écoute. Tout se fait au pas de charge. Nous sommes obligés de réagir au quart de tour, nous nous faisons continuellement remonter les bretelles. Nous ne pouvons jamais marcher : nous devons au minimum trottiner. Même les rassemblements doivent se faire très vite. Nous ne dormons pas à l’entraînement. Par contre, il y en a qui doivent s’écrouler d’une pièce dans leur canapé dès qu’ils rentrent à la maison.

C’était un avantage pour vous de retravailler avec un entraîneur que vous connaissiez ?

Bien sûr, et j’avais aussi l’énorme avantage qu’il savait de quoi j’étais capable.

On aurait pu s’attendre à voir arriver un homme abattu après sa sale expérience au Brussels.

Il nous a directement expliqué que ça s’était mal terminé pour lui là-bas. Mais il nous a fait comprendre que son envie était intacte. Il considère son job à Mons comme un gros défi pour le club, pour les joueurs et pour lui. Finalement, c’est même plus exaltant d’être confronté à une mission comme la nôtre qu’à une saison complète au départ de laquelle on ne sait pas trop à quel classement s’attendre.

Auto-screening

Cartier vous a relancé au back droit, puis il vous a fait avancer sur la droite de l’entrejeu : quelle est votre meilleure place ?

Je me sens mieux en numéro 10, quand je peux m’éclater derrière deux attaquants. Je l’ai fait à La Louvière avec Gilbert Bodart et ça avait bien marché. Mais avec Cartier, j’ai joué le plus souvent à droite. C’est lui qui m’a aligné pour la première fois au back avec une équipe de club : il avait remarqué que j’évoluais à cette place avec l’Algérie, où ça se passait bien. Par la suite, il m’a fait monter dans l’entrejeu : à droite dans certains matches, comme médian défensif dans d’autres.

On vous a aussi vu comme vrai attaquant, non ?

Exact. Deux ou trois matches avec Emilio Ferrera. J’étais un neuf et demi, je tournais autour de l’attaquant de pointe en attendant la montée des médians.

Pourquoi avez-vous cette préférence pour le rôle de numéro 10 ?

Parce que j’ai plusieurs atouts intéressants pour jouer à cette place. J’ai de la technique, je sais éliminer des adversaires puis donner une bonne passe tranchante, je touche énormément de balles – et j’en ai besoin pour me sentir bien – et j’ai une vision du jeu intéressante. Ce que j’apprécie aussi dans ce rôle, c’est la liberté. Je peux courir à droite, à gauche, repiquer vers le centre entre les coups. J’adore. A côté de cela, j’oublie facilement mon replacement défensif et je frappe beaucoup trop rarement au but. C’est bizarre mais je n’arrive pas à avoir le réflexe. Même quand j’ai une super ouverture devant moi, je cherche naturellement à donner le ballon à un attaquant en pensant qu’il est plus habile que moi pour terminer le travail.

Vos atouts et vos faiblesses au back ?

Mes points forts, c’est que je peux lancer facilement une action grâce à ma technique, que j’ai assez d’agressivité pour charger un adversaire de la première à la dernière minute et que mon jeu de tête défensif n’est pas mauvais. Ma faiblesse, c’est mon tempérament naturellement offensif qui me pousse à trop monter, ce qui peut mettre l’équipe en difficulté.

Atouts et faiblesses comme médian droit ?

Mes points forts : une bonne qualité de dribble et la faculté d’expédier de bons centres précis. Mes points faibles : je dois apprendre à plus penser à mon boulot défensif, à me replacer plus vite en perte de balle et à donner mon ballon sans traîner.

Comme médian défensif ?

Mes points forts : mon agressivité, mes capacités d’endurance, ma facilité à éliminer un adversaire, mon art de sortir un ballon propre des situations les plus compliquées. Mon point faible : ma prise de risques exagérée dans l’axe, là où beaucoup de choses dangereuses se passent.

Comme attaquant ?

Point fort : j’ai un peu un tempérament de renard des surfaces, je sens où le ballon va tomber et je ne suis pas maladroit du tout en zone de vérité. Point faible : ma vitesse de pointe n’est pas celle d’un pur attaquant.

Votre définition d’un footballeur parfaitement polyvalent ?

Un bon bagage technique, un physique au-dessus de la moyenne, un minimum de vitesse, de la hargne, du charisme et un caractère en acier trempé parce qu’il en faut pour pouvoir s’adapter à toutes les situations.

Vos modèles ?

Andrea Pirlo et Lionel Messi.

Manque de concurrence

Comment jugez-vous l’apport des transferts du mercato ?

Frédéric Herpoel apporte toute son expérience et son autorité : il sait ce qu’il dit, et quand il parle, tout le monde tend l’oreille. Alessandro Pistone nous offre son vécu italien et anglais : il suscite le respect rien que par son parcours. Antti Okkonen relève notre niveau d’agressivité : quand celui-là va au duel, ça déménage. Bref, le club n’a pas transféré dans le vide.

Il n’y avait pas assez de concurrence dans le noyau ?

Non. Il y avait trop de joueurs sûrs de leur place, pas assez de gars susceptibles de paniquer pour leur titularisation du week-end suivant s’ils passaient à côté de leur match. Ce manque de concurrence nous a coûté des points.

Vous avez parfois pensé que Mons ne s’en sortirait pas ?

Jamais. Aucune grosse équipe ne nous a fait peur. Contre tout le monde, nous avons eu un pourcentage important de possession de balle. Ce sont des signes qui ne trompent pas. Chaque fois que nous avons perdu, c’était sur l’un ou l’autre détail. Nous n’avons jamais été enfoncés.

Suivez-vous encore La Louvière ?

Bien sûr. Sa bonne santé en D3 me fait plaisir. Parce que j’ai gardé plein de bons souvenirs là-bas. Des images de ma première saison, évidemment, quand nous avons fait un premier tour de fous avec Albert Cartier. L’année suivante, évidemment, ça s’est méchamment gâté. Plus les semaines passaient et moins on parlait de football. L’ambiance était pourrie par les rumeurs de matches truqués. Quand la police vient vous questionner dans le vestiaire à l’entraînement, vous vous demandez dans quelle pièce vous jouez. Et il n’était plus possible d’avoir une interview qui parlait de football : c’étaient les affaires, toujours les affaires. Je ne suis pas sûr que La Louvière aurait terminé tout en bas du classement s’il n’y avait pas eu ces problèmes.

par pierre danvoye

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