YOUTH, RIEN QUE POUR DIEGO !

Tous les soirs, y’a du foot à la télé. Mais qui trop embrasse, mal étreint : je ne regarde pas tous les soirs. Depuis quelque temps, je picore : au hasard des chaînes, je happe des bouts de matches ou de papotages, ça me va très bien. Et je néglige de plus en plus les retransmissions in extenso, si nombreuses qu’elles rendent le foot interminable. Bonne décision pour ma santé mentale, je retrouve ainsi du temps pour des soirées ciné, et le DVD est une sacrée belle invention : curieusement, les fictions dans lesquelles je me laisse entraîner me paraissent la vraie vie, alors qu’un zyeutage prolongé de vrai foot me donne le sentiment croissant d’être interné dans un fauteuil…

Paradoxalement, cela m’enchante que le foot, ou le sport plus largement, surgisse au détour d’une chouette fiction dont il n’est nullement le thème. Certes, existent des films où le foot a le rôle principal, et je vous les évoque parfois. Mais je parle plutôt ici de petits cadeaux footeux, furtifs, sportifs sans qu’on s’y attende. La chambre du fils (1) avait pour sujet sérieux la mort d’un ado, mais ce qui m’en reste est la petite musique d’une quotidienneté où les protagonistes joggaient, jouaient au basket…

Sur fond de massacre écologique, La Tierra roja (2) racontait un conflit forestier au fin fond de l’Argentine, mais le héros ambigu entraînait à ses heures perdues les ados rugbymen du bled, et le bonhomme m’en apparaissait différent… Timbuktu (3) était un film dense et triste, dans un désert menacé par la charia, mais les quelques minutes d’une partie de foot sans ballon par les gamins du village restent inoubliables…

Ceci pour introduire la divine surprise que je viens d’avoir en la matière ! Je regarde Youth, dernier film de Paolo Sorrentino. Ça se passe dans les Alpes suisses, avec deux potes de longue date dans un hôtel-SPA pour VIP : Michael Caine était musicien, Harvey Keitel se veut encore cinéaste, les deux vieux dissertent du temps passé et de leur décrépitude : juste ce qu’il me faut pour ricaner comme eux, je suis à mille lieux du foot … mais moins loin que ça de leurs états d’âme !

Arrive un moment à la piscine de l’hôtel où, respectueux, le duo regarde un autre curiste VIP, obèse caricatural sachant à peine déplacer ses 300 kilos minimum. Je me dis qu’il ressemblerait bien à Diego Maradona, mais que ma footeuserie latente me joue des tours. Puis, je doute, car on le réaperçoit signant des autographes en s’appuyant sur sa canne… Une demi-heure plus tard, l’obèse réapparaît brièvement pour aborder un gamin tenant de la main gauche l’archet de son violon, et lui dire : Moi aussi, j’étais gaucher !

Alors là, plus de doute, c’est Diego, et Sorrentino ironise sur son bide de vieux, c’est bien dans le ton du film ! Eh bien pas du tout, va venir une dernière séquence, 40 secondes à peine, qui restera le plus bel hommage rendu par le septième art au divin pied gauche du divin Diego : dans le parc, l’obèse incapable de se déplacer quitte un instant sa canne pour sa minute d’entraînement quotidien : de l’extérieur du pied que vous savez, il frappe et refrappe de volée une petite balle de tennis, lui donnant un effet vertical jusqu’à une hauteur vertigineuse …avant de reclopiner tout en sueur ! Inoubliable.

Vérisme visuel garanti. Petit bijou inattendu, clin d’oeil miraculeux. Seul El Pibe de Oro aurait pu faire ça dans la réalité. Au sein d’un beau film sur la vieillesse qui s’installe, Sorrentino nous glisse qu’il aime le ballon rond et vénérait Maradona…Ne manquez ça sous aucun prétexte si Diego vous émerveillait ! Et j’en profite pour vous rappeler quatre films qui alimentent joliment le mythe de ce footballeur exceptionnel, et personnage haut en couleur.

Sur Youtube, vous pouvez visionner les magnifiques documentaires d’Emir Kusturica (4) et de Jean-Christophe Rosé (5). Il y eut aussi un biopic signé Marco Risi (6), et mon coup de coeur va au Camino de San Diego (7) : road-movie ingénu, où un jeune bûcheron argentin quitte femme et village pour pèleriner vers un Maradona malade, afin de lui offrir une racine amoureusement sculptée à son effigie.

(1) N.Moretti, 2002 – (2) D.M.Vignatti, 2015 3) A.Sissako, 2014 – (4) Maradona by Kusturica, 2008 – (5) Maradona, un gamin en or, 2008 – (6) La mano de Dios, 2007 – (7) C.Sorin, 2004

PAR BERNARD JEUNEJEAN

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