Orphelin d’Eden depuis une saison, l’Hexagone espère avoir trouvé son successeur. En version belgo-ibérique.

Il fut un temps pas si éloigné, Yannick Ferreira Carrasco aurait été la seule merveille du football belge. Entre 2002 et 2008, avant l’avènement de la  » génération Pékin « , personne ne possédait cette capacité à dribbler, enfumer les adversaires, et lever tout un stade. A seulement 19 ans, bientôt 20 le 4 septembre prochain, YFC multiplie les prouesses et parvient même à électriser l’arène pourtant feutrée de Louis II. Comme il y a dix jours, lors de la venue de Montpellier, étrillé 4-1. De son flanc gauche, notre international (encore) Espoir effectue une seconde période étincelante assortie d’une passe décisive. Une semaine plus tôt, à Bordeaux, il réalise ses débuts en L1. A ses côtés Falcao, Abidal, Toulalan, RicardoCarvalho, en attendant les retours de James Rodriguez et JoaoMoutinho. Rien que des poids lourds du foot international mais pas de quoi effrayer ce joueur aux origines ibériques (mère espagnole et père portugais). Durant les 45 premières minutes, il est le meilleur homme sur le terrain. Ce 10 août 2013, le foot français découvre un nouveau talent venu du plat pays, encore un.

 » Avant ce match, il n’était encore qu’un inconnu aux yeux du grand public « , reconnaît Regis Testelin, journaliste à l’Equipe, parachuté cette saison derrière le Rocher pour suivre les faits et gestes d’un AS Monaco prêt à concurrencer le PSG.  » Aujourd’hui (ndlr, vendredi dernier, avant le match du week-end face à Toulouse), il est tout simplement le meilleur joueur monégasque à l’évaluation. Et si je ne suis pas surpris qu’il soit titulaire, je m’étonne qu’il évolue à un tel niveau. Au-delà de ses qualités intrinsèques, il a le grand avantage de connaître l’espagnol et le portugais en plus du flamand et du français. Ça lui permet de communiquer avec tous les joueurs du noyau. Les retours de Moutinho et de Rodriguez ne l’éclipseront pas du onze, il faisait d’ailleurs partie de l’équipe-type du début de saison.  »

L’enfant d’Evere

Le conte de fées ne date pas d’hier. Saison 2012-2013, première journée de L2, le jeune Carrasco Ferreira est lancé dans le grand bain par ClaudioRanieri. Le baptême du feu est réussi avec éclat : un assist et un but, tous deux sur coup-franc, difficile de rêver mieux. La suite n’est pas aussi étincelante mais presque. Hormis quelques petites blessures qui le freinent, l’enfant d’Evere (Bruxelles) devient titulaire indiscutable et est même élu en fin de saison meilleur espoir de Ligue 2 par Eurosport (chaîne détentrice des droits de l’antichambre française). Avec son pote Layvin Kurzawa, arrière gauche, placé juste derrière lui sur l’échiquier, il est l’autre survivant du centre de formation d’un Monaco aux ambitions désormais illimitées depuis le rachat du club en décembre 2011 par le milliardaire russe, Dmitry Rybolovlev.

Yannick Ferreira Carrasco s’était installé un an plus tôt en bord de Méditerranée. Le club est alors en L1, seulement pour quelques mois encore. Le 29 mai 2011, l’ASM est officiellement relégué après 34 saisons parmi l’élite. Pour Ferreira Carrasco, le changement d’univers est brutal et le pari osé et risqué. Derrière cette arrivée : Stéphane Pauwels, alors scout pour le club de la Principauté.  » Je m’étais rendu à un match de U19 entre la Belgique et le Luxembourg. Initialement, je devais observer un jeune du Grand-Duché mais j’ai été directement frappé par les qualités du petit Yannick « , se rappelle notre chroniqueur.  » Les dirigeants monégasques furent aussi très vite sous le charme puisque après seulement une journée de test, ils étaient décidés à faire le deal.  »

L’homme de la famille

A Genk, où il évolue jusque-là, la famille Ferreira-Carrasco reçoit 250 euros mensuels comme frais de déplacement. A Monaco, le jeune Yannick y signe un contrat pro, reçoit un appart et vit seul. Loin de sa mère, de ses deux petits frères et de sa soeur.  » Ce déracinement n’était pas évident pour lui car il était l’aîné, l’homme de la famille. Carmen, sa maman, qui avait reçu dix billets aller-retour, venait le voir dès qu’elle pouvait « , poursuit Stéphane Pauwels, qui continue à rester en contact avec le joueur.

Les premiers mois, Ferreira Carrasco découvre son nouvel univers et goûte aux fastes et aux joies de ce petit paradis fiscal. Sportivement, par contre, ça cale quelque peu. Il passe de la réserve aux U19 mais rebondit rapidement. En 2011, il remporte le plus prestigieux trophée pour jeunes de l’Hexagone, la Coupe Gambardella (épreuve réservée aux U19). L’ex-international italien, Marco Simone, coach de l’ASM la saison 2011-2012, l’intègre petit à petit au noyau pro mais c’est sous son successeur, ClaudioRanieri, que YFC reçoit véritablement sa chance.

 » Avant de partir en stage, Claudio m’avait demandé quels jeunes pouvaient accompagner le groupe. Je lui ai directement répondu Layvin (Kurzawa) et Yannick « , se remémore Jean Petit, figure historique du club depuis 40 ans et coach-adjoint du technicien italien.  » Quand Yannick m’a été amené par Pauwels, il ne m’a pas fallu longtemps pour être convaincu de son énorme potentiel. Il va vite et possède une technique en mouvement impressionnante. Et puis, il a cette envie perpétuelle d’aller vers l’avant. Quand il élimine un joueur, ce n’est pas pour bêtement éliminer, mais pour aller but.  » Avec son mètre 80 pour 66 kilos, YFC ne fait pourtant pas le poids face aux beaux bébés du championnat de France.  » C’est vrai qu’il est frêle mais il est rarement blessé et n’a pas peur d’aller dans les duels, ni de mettre le pied « , poursuit Petit.

Sur les tablettes

Démarche assurée, tête haute, sous certains dehors, Yannick Ferreira Carrasco donne l’impression d’une certaine arrogance.  » C’est souvent le cas des joueurs qui sont sûrs de leurs qualités « , précise Petit.  » On disait la même chose d’Eden Hazard. D’ailleurs, son jeu, son parcours, son entourage familial me fait penser à celui d’Eden. Il me dit toujours que son frère est meilleur que lui. Mais qu’il le fasse venir alors ! (il rit).  » Nouvelle pépite belge de l’Hexagone, les comparaisons avec le numéro 17 de Chelsea sont inévitables et iront crescendo au fil des performances. Lui préfère les balayer du revers de la main ( » Eden est sur une autre planète « , a-t-il déclaré à nos confrères de l’Equipe).

Aujourd’hui, Yannick Ferreira Carrasco s’est fait un nom, et les adjoints de Marc Wilmots se succèdent pour scruter ses prestations. International Espoir depuis mars dernier, il est désormais un élément-clef du dispositif de Johan Walem.  » J’ai eu une discussion avec lui au tournoi de Toulon en juin dernier. Il n’était alors qu’à 50 % de ses moyens. Aujourd’hui, je note une belle progression chez lui. Dans son jeu mais aussi dans son attitude « , pointe le sélectionneur de nos Diablotins. Le casse-tête des 23 risque d’être délicat pour Wilmots si Brésil il y a. Les initiales YFC sont en tout cas gravées dans son calepin.

PAR THOMAS BRICMONT – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Quand il élimine un joueur, ce n’est pas pour bêtement éliminer, mais pour aller au but.  » Jean Petit, coach adjoint de Monaco

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