Cas unique du foot belge: dans les années 60, il joua à Barcelone puis au Real.

Manager depuis 1979 à la tête de Govansport avec son amie polyglotte Renée Vandermeersch et président de la FAB (association d’une vingtaine de managers pour le foot pro), Fernando garde le contact avec la Catalogne et la Castille: « Il y a deux ans, j’ai été invité au 100e anniversaire du Barça, et j’ai retrouvé parmi 300 joueurs et entraîneurs d’anciens partenaires comme le Paraguayen Caetano Re, l’Argentin AlcidesSilveira, l’Espagnol Pereda, le Français Lucien Muller… Le lien est resté plus fort avec le Barça qu’avec le Real, mais, il y a quelques années, à une fête organisée, à Molenbeek, par des supporters madrilènes, j’ai bu une coupe avec quelques grands de mon époque, Gento, Pachin et Velasquez. Je retourne encore assez souvent en Espagne. Travailler foot avec l’Espagne est difficile. Qui présenter comme talent belge là-bas? J’ai casé Gert Claessens de Bruges à Oviedo, puis il a été cédé à Vitesse Arnhem ».

Quelles circonstances ont emporté en 1961, à destination de la Catalogne, cet avant de pointe techniquement très doué, né à Malines en 38, affilié à 14 ans au Club Brugeois, et huit fois international avant son exil?

« Comme je n’ai jamais douté de rien, je sentais que j’étais capable d’imiter tous ces joueurs qui me fascinaient. Je ne ratais rien à la TV. Dans mon subsconscient, je photographiais les gestes des Pelé, Di Stefano, Puskas, Eusebio, Suarez. Je me rappelle, au Heysel, d’un inoubliable Honved-Bilbao, et, à l’Expo 58, de la fameuse finale de la Coupe des Champions entre le Real et l’AC Milan. Et aussi de ce but incroyable de Di Stefano sur talonnade au premier poteau à Belgique-Espagne 0-5, en 57, je crois. Les gens adorent les joueurs spectaculaires. J’ai épinglé dans mon hall une lettre d’un lecteur de journal qui raconte, juste après la Coupe du Monde 98, que le coup du Mexicain Blanco sautant par dessus la jambe d’un adversaire avec le ballon coincé entre les chevilles, Goyvaerts l’avait réussi, il y a plus de 40 ans, à Bruges. Je ne sais pas pourquoi, mais j’étais persuadé, dès mes 14-15 ans, que j’irais jouer en Espagne ».

Un coup de poing à Höfling

A 16 ans, étudiant en éducation physique, il s’amusait déjà à animer l’attaque du Club Brugeois. Jusqu’au jour où l’entraîneur apatride Norberto Höfling changea de tactique et lui demanda de tenter d’attirer deux ou trois adversaires sur les flancs et d’ouvrir ainsi des brèches pour ses partenaires. Un rôle libre, quasi sans ballon. Goyvaerts se rebiffa, s’énerva au repos d’un Anderlecht-Bruges, et suspendu, quelques jours plus tard, piqua une grosse colère avec coup de poing au menton de Höfling.

Entre-temps, répéré par Bela Sarosi, l’entraîneur hongrois du Beerschot, il fut signalé à Laszlo Kubala, en fin de carrière à Barcelone: « Un grand monsieur ce Kubala, il joua aussi longtemps en salle, dirigea plusieurs clubs, et entraîna l’équipe d’Espagne. Il m’invita à un stage au Nou Camp, que j’ai réussi. Bruges me proposa alors un contrat pro valable de 40.000 francs le mois plus les primes, puis exigea dix millions pour le transfert et discuta pendant des semaines. Je suis finalement parti pour trois millions avec un contrat de trois ans me garantissant un million de pesetas (800.000 francs) par saison, plus les primes. Je m’étais rendu compte aussi que la vie était très bon marché en Espagne: à quatre autour d’une table pour 400 pesetas. Et puis, surtout, j’allais évoluer aux côtés de très grands comme Sandor Kocsis. Malheureusement, quelques mois avant mon arrivée il est mort tragiquement; très malade, il s’est jeté par la fenêtre ».

Fernando s’embarqua immédiatement pour une mirifique tournée sud-américaine. A son retour en Espagne, il signa son contrat. Effectua un bref séjour à Bruges pour se marier et, hasta la vista, envol pour les Ramblas et la saison 62-63. Malheureusement, les clubs Espagols ne pouvaient aligner que deux étrangers, et Silveira et l’Uruguayen Luis Cubilla étaient toujours là. « Cubilla était sur la liste des transferts mais n’avait pu être vendu. J’ai dû suivre toute une série de matches de la tribune. Trois clubs m’ont alors sollicité, le FC Genoa, avec lequel j’ai discuté, le Sporting Lisbonne et l’AC Milan. Anderlecht, qui avait déjà tâté le terrain à mes 16 ans, s’est aussi manifesté. J’ai passé une soirée avec Eugène Steppé et le manager Julius Ukrainczyck, à Paris mais je n’ai plus eu de nouvelles par la suite. Je reconnais que j’étais très exigeant. Tout ça n’a n’a rien donné, et, en fin de saison, j’ai disputé le retour de la finale de la Coupe des Foires, contre Valence. Cubilla parti, 63-64 s’annonçait bien pour moi, avec Kubala comme entraîneur débutant. Mais il n’a pas tenu, et Cesar, son remplaçant, ne me reprochait rien mais ne n’alignait pas. Lui aussi a été viré, et avec Sasot, qui m’avait accueilli à mon examen d’entrée, j’ai vécu ma plus belle période avec 20 matches d’affilée, et la consécration comme meilleur joueur étranger en bout de saison. Un match amical contre l’AEK Athènes m’avait été très favorable, la preuve cette coupure de presse: -Potente, incisivo, rapido, voluntarioso, el belgo Goyvaerts fue el gran triunfador de la noche. Je me souviens aussi de trois matches spectaculaires et à la cravache contre Hambourg en UEFA. 0-0, puis 4-4 chez nous, et un test match à Berne dans la neige; les Latins n’aiment pas ça, on mène pourtant 2-0 sur 2 buts de Kocsis, mais Uwe Seeler a fait la décision, 2-3. Une catastrophe ».

Ménisque amoché au basket

En mars 65, le Real m’approcha une première fois, via Juan Obol Pons, un manager qui avait travaillé à Barcelone. L’accord définitif prit quelque temps, car il était prévu dans mon contrat initial qu’en cas de retransfert, Bruges toucherait un million. Par contre, Madrid n’a rien dû payer à Barcelone, j’étais libre. Le Barça est revenu à la charge, mais j’étais décidé à tenter ma chance au Real, avec cette seule complication que j’étais propriétaire d’un appartement à Barcelone. Je l’ai revendu plus tard, à mon divorce, alors que j’étais déjà au Cercle Bruges. A mon entrée au Real, seul Gento subsistait de l’historique équipe des années 50; Di Stefano venait d’être cédé à l’Espanyol Barcelone. J’arrivais dans une équipe madrilène baptisée yéyé, et basée sur Velasquez, Grosso, Serena, Amancio, Sanchis et Pirri. Immédiatement, j’ai eu de la poisse: un ménisque amoché au cours d’un entraînement de basket. J’ai été indisponible sept mois: saison fichue. J’ai repris, en amical, contre La Corogne et l’Inter Milan renforcé par Luis Suarez, mais je n’étais pas du tout prêt pour figurer dans le noyau pour la finale de la Coupe des Champions 66, à Bruxelles.

Dès le début de la saison suivante, j’ai malheureusement souffert d’une contracture. J’ai essayé de camoufler, mais Miguel Münoz s’en est rendu compte et m’a écarté. Je reviens et, peu après, en amical à Chelsea, je rechute. Le secrétaire général Calderon m’a proposé de resigner pour une saison. Pourtant, j’ai senti que ma carrière madrilène se terminait là. Je n’avais joué que cinq matches officiels en marquant pourtant quatre fois. C’est terrible à dire: le Real a été un désastre pour moi ».

La Côte d’Azur pour suivre

Fernando n’était pourtant pas au bout de son aventure espagnole; Di Stefano, entraîneur débutant, l’appela à Elche. « Un honneur, car Di Stefano, après une carrière mondiale, devint aussi un entraîneur de premier plan avec Boca Juniors et Valence. Pas à Elche, une équipe moyenne, où il fut dégommé. Dommage. Avec moi, il était charmant. Après un an à Elche, Helenio Herrera me fit signe. Sollicité comme entraîneur il me voulait à l’Atletico Madrid, mais il opta finalement pour un autre club. Ayant donné mon renon à Elche, je me suis retrouvé chômeur pendant quatre mois. Par chance, Pancho Gonzalès m’a répéré lors d’un match entre amis, à Alicante, et m’a proposé l’OGC Nice. Et, après six saisons espagnoles, j’ai prolongé par trois années sur la Côte d’Azur, pas mal non plus ».

La suite redevient belge, avec le passage de Fernando au Cercle Bruges, sous Urbain Braems, et avec Pierre Hanon, puis à Lokeren, via son ami Jef Jurion, joueur-entraîneur, et Wilfried Puis. Le White-Star Lauwe (deux fois) et le Racing Tournai, en Promotion, furent les dernières étapes d’une originale et spectaculaire carrière d’un personnage né pour le foot, et qui, aujourd’hui encore, à 64 ans, en tire grand plaisir et profit.

Henry Guldemont,

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire