Yes we can!

Le nouveau coach des Diables Rouges ne veut pas perdre de temps : quelle sera sa méthode pour requinquer notre équipe nationale et la réconcilier avec son public ?

La joyeuse entrée de Dick Advocaat à Bruxelles a fait du bruit. Mardi passé, il y avait une armée de cameramen et de photographes au pied de l’ascenseur qui, venu du ciel de l’Union Belge, déposa le sosie de Napoléon face à son destin. Le Petit Général fendit calmement la foule jusqu’à son premier champ de bataille : la conférence de presse de son intronisation en tant que nouveau coach des Diables Rouges, retransmise en direct sur les écrans de la VRT et sur son site internet (sporza.be). C’était une  » première  » et les télés francophones en auraient peut-être fait de même si le gros de leurs forces n’avait pas été réquisitionné ce jour-là pour couvrir l’officialisation du grand retour à la compétition de Justine Henin

La sérénité d’Advocaat contrastait par rapport à celle des  » correspondants de guerre  » hollandais venus assister en masse à son couronnement et qui imaginaient un conflit atomique du foot en Belgique, la bataille des clans, la sécession du nord et du sud, etc. Un chroniqueur politique flamand très connu aux Pays-Bas, Hugo Camps, a apporté de l’eau à leurs moulins en déclarant devant les caméras de la NOS :  » Advocaat est un cadeau du ciel (…) Mais il sera le premier entraîneur d’un pays qui n’existe plus.  » Pourtant, ceci n’est pas une crise : il ne reste plus aux reporters néerlandais qu’à faire un pèlerinage à Lessines ou est né René Magritte, le père du surréalisme belge, pour bien scanner cette terre étonnante.

Qu’est-ce qui se cache derrière la force tranquille d’Advocaat, taillé comme le Jérôme de Bob et Bobette ? On dit de lui que c’est un calviniste qui, à table, se contente probablement d’un verre de lait et deux tranches de vieil Edam : l’horreur pour les Belges, amateurs de bonne cuisine et de vins fins. Alors, que propose-t-il sur sa carte de son football ? A quoi peut-on s’attendre ? Quels sont ses recettes et ses plans secrets ?

Coach offensif ou défensif ?

Les options tactiques du coach néerlandais seront très vite au centre du débat médiatique. L’équipe nationale a le plus souvent arraché ses grands succès en misant sur un jeu défensif bien organisé. C’était une des marques de fabrique du foot belge, tant pour les clubs que l’équipe nationale. Sera-t-il tenté d’en revenir à ses vieilles recettes d’un autre âge ? C’est peu probable même s’il exigera que chaque international accomplisse sa part de travail défensif. Le 4-3-3 qu’il a évoqué lors de sa première conférence de presse se transformera probablement en 4-4-2 avec des variantes : 4-2-3-1 comme c’est le cas du Standard ou 4-5-1 bien belge.

A propos de philosophie de jeu, Nicolas Lombaerts, son ancien arrière central belge au Zénit de Saint-Pétersbourg précise :  » Advocaat est toujours poussé vers l’offensive, il s’adapte à n’importe quelle équipe. Au Zénit, tout le monde va de l’avant, même les backs.  » Elément intéressant à ajouter au dossier : le Batave a immédiatement consulté Marc Wilmots avec qui il a suivi Standard-Cercle de Bruges. Le Hesbignon qui est l’élément naturel francophone pour devenir adjoint d’Avocaat aux côtés du Hollandais Bert van Lingen (un vieux complice) ne s’était pas lié à René Vandereycken (qui avait songé à lui comme T2) car son style de jeu, trop frileux, ne lui convenait pas. Advocaat, c’est autre chose : il est organisé mais exige de jouer haut, d’exercer une pression, d’aller chercher le porteur du ballon dans le camp adverse. Advocaat et Wilmots ont tous les deux travaillé dans le cadre de la Bundesliga et partagent le même goût pour un jeu courageux, osé et organisé.

Wilmots a obtenu son diplôme de coach en Allemagne mais la fédé l’avait ignoré comme candidat T1 pour la succession de Vandereycken. Willy a souvent critiqué l’Union Belge et lui reprocha même d’avoir opté pour un T1 étranger. Il ne figurait même pas sur la liste des cinq adjoints auxquels pensait l’Union belge mais Dick Advocaat s’en est moqué comme de son premier ballon. Il s’est renseigné auprès de son compatriote Huub Stevens (coach de Marc Wilmots à Schalke 04) et sait que Willy sera un lieutenant fidèle. Wilmots bénéficie aussi du soutien de Robert Waseige et d’ Alain Courtois évidemment, très influent à la fédé. En un mot : Dick Advocaat a signé un joli coup en pensant à Marc Wilmots. Restait à ce dernier à s’accorder avec l’Union belge…

Diplomate ou dictateur ?

 » Dick Advocaat est un animal de travail « , a souvent certifié Nicolas Lombaerts.  » Sur le terrain, il exige de la discipline mais à côté, il donne une certaine liberté. Il sait tout, voit tout, est partout et est parfaitement informé de ce qui s’est passé dans le cadre de l’équipe nationale ces derniers mois…  » On ne l’appelle évidemment pas le Petit Général pour rien .

 » Je ne suis pas un entraîneur qui explique tout à chaque joueur sur chaque décision. « , a-t-il déclaré.  » Mais s’ils viennent demander quelque chose, je suis toujours disponible. « 

Le ton est donné et l’homme sera très présent dans le travail de terrain comme le précise Lombaerts :  » Il ne délègue pas facilement. Le travail de bureau, ce n’est pas trop sa tasse de thé. Aux entraînements, il martèle sans cesse ses ordres. Il apportera énormément aux Diables car s’il a obtenu le respect des grands clubs et de stars, il en sera de même avec l’équipe nationale. Sa passion pour le foot est intacte. « 

Si Robert Waseige avait détendu l’atmosphère en 1999 en prenant la succession d’un Georges Leekens trop crispé, le nouveau coach des Diables Rouges sait qu’il devra agir très vite et a déclaré avant le début de son règne :  » Je suis un perfectionniste. Quand quelqu’un commet une erreur évitable, il doit être sanctionné. Je ne songe pas qu’aux joueurs, mais aussi à l’entourage d’une équipe. C’est pour cela que les négociations avec l’Union Belge ont mis du temps avant d’aboutir. Je suis ravi car tout est réglé jusque dans le moindre détail. « 

Dick Advocaat a clairement exigé d’être le seul maître à bord du navire tricolore. Il ne veut pas rendre de comptes à la Commission Technique. Il entend accomplir sa mission à sa guise et a vite compris que peu de bonzes (aucun ?) de la Maison de verre étaient finalement de vrais férus de football. Le nouveau coach fédéral régnera seul. Retenu par une mission à l’étranger, le Directeur technique national, Michel Sablon, n’a pas assisté à son intronisation : est-ce normal ?

Advocaat accordera une feuille blanche à tout le monde mais il ne pardonnera rien à personne. Il imposera son ordre, ses idées, son staff sportif, médical (Kris Van Crombrugge, longtemps actif avec les Espoirs, succède au docteur Marc Goossens qui a démissionné… et a précisé qu’il n’y avait eu aucun problème de discipline aux JO de Pékin où il était dans le staff de Jean-François de Sart !).

Son engagement en faveur de Wilmots en tant que T3 souligne son sens de la diplomatie. Intelligent, il ajoute de l’expertise, de l’ambition et de la confiance dans son staff tout en lançant une opération de charme vers le sud du pays. Aimé Anthuenis et René Vandereycken n’avaient pas été malins dans le choix de leurs adjoints. Robert Waseige, bien, car il avait opté pour un T2 néerlandophone avec Vince Briganti.

Advocaat a marqué son territoire et ne sera pas impressionné par les analystes : le bougre a l’habitude car aux Pays-Bas, les féroces spécialistes sont carrément chargés de jeter le plus d’huile possible sur le feu. Il a déjà mis les dirigeants à leur place. Jean-Marie Philips (CEO de la fédé) avait affirmé qu’à la place d’Advocaat il ne prendrait pas directement le flambeau après les catastrophes espagnole et arménienne ! Dick Advocaat s’est demandé s’il était intelligent d’avoir déclaré cela à la presse. On sait qui est le patron maintenant…

Les jeunes vedettes ou les anciennes stars ?

Mais pour lier la sauce entre les jeunes et les anciens, Dick Advocaat sera-t-il du style gant de fer ou du genre gant de velours ? Probablement les deux à la fois. Si les premiers roulent parfois des mécaniques et sortent quand il ne faut pas, les plus mûrs se sont  » protégés « , par rapport à une attendue relève de la garde après les Jeux Olympiques, en alimentant leurs relais dans la presse avec des histoires de sacs Vuitton très prisés par les teenagers de l’équipe nationale, etc.

Les prédécesseurs du nouvel entraîneur des Diables Rouges n’ont jamais pu gérer leurs (mauvais) choix sportifs, le conflit des générations et les analyses très communautaires de la presse du nord qui a expliqué durant des mois que les problèmes actuels des Diables Rouges trouvaient leur source dans le prétendu manque de discipline des jeunes de de Sart en Chine. Un regard neuf, et neutre, ne peut qu’être intéressant.

Pour Dick Advocaat, il n’y a pas de méga-stars en Belgique et il ne suffit pas d’aligner les plus grands noms pour avoir la meilleure équipe possible. C’est le moment de retrouver un esprit collectif. Pour lui, les meilleurs jeunes ont du talent mais n’atteignent pas encore le niveau international. On notera que Marc Wilmots a souvent tenu ce genre de propos après les Jeux Olympiques et prône la présence d’un homme fort dans chaque ligne. Les entraîneurs néerlandais font vite confiance aux promesses mais dans un premier temps, Dick Advocaat entourera ses jeunes avec quelques éléments routiniers dans un souci de trouver le bon équilibre. Ceux qui ne le suivront pas seront tout de suite éliminés.

Est-ce la fin du conflit des générations ? Les Diables Rouges ne pourront plus s’offrir de disputes de bac à sable : le chef veille au grain. Tout le monde devra regarder dans la même direction et mesurer ses mots. Le temps de la pétaudière permanente est révolu. Il ne révolutionnera pas le vivier travaillé par René Vandereycken et, bien sûr, Jean-François de Sart. En ce qui concerne ce dernier, certains pontes affirment sous cape qu’il ferait un DTN idéal quand Michel Sablon prendra sa retraite : ce serait une bonne solution pour les jeunes !

Jeu léché ou engagement total ?

Dick Advocaat a du métier à revendre. Il a vécu des grands moments et des désillusions qui ont forgé son caractère. C’est une richesse, même si, comme il l’a déjà souvent répété :  » S’occuper d’un club ou d’une équipe nationale comporte des points communs et des différences énormes. Un sélectionneur fédéral ne peut pas se sentir proche de joueurs qu’il ne côtoie qu’épisodiquement. Je ne leur apprendrai pas à contrôler un ballon. Mais je peux travailler sur l’état d’esprit. J’aimerais que les Diables Rouges deviennent plus agressifs et plus virils. Nous y parviendrons… « 

Il faut le savoir : Dick Advocaat n’hésitera pas à être réaliste quand il le faudra comme le prouvent de récents propos :  » L’essentiel, en football moderne, ce n’est pas la manière mais les résultats. J’ai toujours été fidèle à ce principe et je ne changerai pas.  » Dick Advocaat sait qu’il sera jugé en fonction de ceux-là. Avec lui, plus personne ne se promènera tranquillement sur le terrain (comme cela s’est vu en Espagne et en Arménie) sans être tout de suite rappelé sur le banc. Il faudra aller au charbon, comme les Diables le firent de 1980 à 2002. L’organisation était stricte et chacun se donnait à fond. Advocaat veut retrouver cette mentalité. Aux Pays-Bas, ses détracteurs ont souvent affirmé qu’il était le plus belge des coaches hollandais. Il ne fera pas de cadeaux et resserrera les lignes et tentera de résoudre un des grands problèmes belges : réorganiser une défense qui encaisse trop de buts.

Belgique-Turquie ou Euro 2012 ?

Dick Advocaat a été engagé en vue de la campagne de qualification de l’Euro 2012 qui commencera dès septembre 2010. Mais le bougre sait mieux que personne qu’on reconnaît le maçon au pied du mur. Le temps ne jouera pas en sa faveur et le public le jugera dès le 10 octobre prochain, face à la Turquie à Bruxelles. Le Stade Roi Baudouin sera bondé et les supportes turcs très nombreux. Cela ne perturbe pas du tout Dick Advocaat. Cette rencontre, il veut la gagner sans songer encore à l’EURO 2012. Un succès probant dans la manière l’aiderait à prendre ses marques et à séduire le public belge.

Il s’installe alors qu’un autre coach hollandais, Adrie Koster rend des couleurs au Club Bruges. Il y a longtemps, en 1976, Hans Croon coachait Anderlecht lors de son premier succès en Coupes des Coupes. Aad de Mos a vécu des succès européens et nationaux à Malines et Anderlecht. Johan Boskamp et Arie Haan sont des experts appréciés en Belgique. Les coaches hollandais réussissent généralement bien en Belgique…

Par Pierre Bilic – Photos: Reporters

« Advocaat et Wilmots partagent le même goût pour un jeu courageux, osé et organisé. »

« J’aimerais que les Diables deviennent plus agressifs et plus virils. (Advocaat) »

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