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Yari Verschaeren à coeur ouvert : « Le foot est un monde très dur et je ne le suis pas »

Dans cette rubrique, partons à la découverte de l’homme derrière le footballeur ou l’entraîneur. Qui est-il? Comment est-il devenu ce qu’il est? Que veut-il? Notre invité: Yari Verschaeren.

Y ari Verschaeren et sa petite amie Zoë Ghaïlani, tous deux vingt ans, se sont installés à deux pas du ring de Bruxelles. Dans un environnement très vert. « C’est surtout pour ça qu’on est venus ici », dit le joueur d’Anderlecht. « On cherchait le calme. »

Zoë participe à cet entretien perso. Devant elle, un gros syllabus et un carnet de notes. Elle étudie le droit et est, à cette période de l’année, en plein rush. Elle va juste faire une pause parce qu’elle a envie de participer à cette discussion. Pas de souci pour nous. Elle s’installe donc à côté de sa moitié sur le grand sofa gris.

Et donc, elle se retrouve un peu sous les spots. Alors que ce n’est pas son truc, elle le dit directement. « Je ne veux pas juste être une femme de footballeur. Je fais attention à ça, je garde mes distances. Je ne veux pas que tout le monde soit au courant de ce que je fais à tout moment, de ce que je mange, de ce qu’on fait ensemble. » Alors, elle va décliner quand on lui proposera de participer au shooting photo. Par contre, intervenir dans la conversation, ça oui. Pour une fois. « Histoire de raconter comment on vit les choses, comment je vois Yari. »

Départ à 6 heures, retour à 21h30

Yari et Zoë se fréquentent depuis huit ans déjà. Ils se sont rencontrés à l’école à Anderlecht. Jusqu’à l’âge de neuf ans, il est allé à l’école à Kruibeke, où il habitait. Quand il avait huit ans, Anderlecht aurait déjà voulu le recruter, mais son père estimait que c’était trop tôt. « Les gens du Sporting n’ont pas lâché le morceau, ils ont continué à me relancer, et un an plus tard, on a décidé de foncer. Au début, ça n’a pas été facile. D’ailleurs, c’est compliqué pour n’importe quel gamin qu’on déracine aussi tôt. Je ne connaissais personne, tout était nouveau pour moi. »

Pour cette raison, il a dans un premier temps continué sa scolarité à Kruibeke. « Je n’ai pas osé changer d’école au même moment, le bouleversement aurait été trop important. » Mais quand il a commencé à se faire des potes au club, son raisonnement a changé. « Au bout du compte, je n’ai pas énormément de souvenirs de Kruibeke. C’est à Anderlecht que j’ai passé le plus clair de ma jeunesse. » Pendant le temps où il étudiait à Anvers et s’entraînait à Bruxelles, il prenait le bus à Kruibeke sur le coup de six heures du matin, il enchaînait les cours et le foot, puis rentrait à la maison vers 21h30. « Je mangeais un petit truc puis je filais au lit. Le lendemain, ça recommençait. C’était lourd. »

À l’école, au début, je ne calculais que mes copains du foot. » Yari Verschaeren

C’est encore pesant pendant ses deux dernières années d’humanités. Il a intégré le noyau pro d’Anderlecht et doit boucler sa formation en option maths-économie. « Je ratais beaucoup d’heures de cours, j’étudiais pendant mes temps libres et je suivais des cours particuliers. Zoë m’a été d’une aide précieuse à ce moment-là. Elle prenait des notes pour moi. Je suis content de m’être accroché, de ne pas avoir lâché. Ce diplôme d’humanités, personne ne me le reprendra. J’en suis fier. »

Difficile de décrypter ses propres sentiments à douze ans

Faire des études correctes, c’était carrément une priorité pour lui. Dès l’âge de neuf ans, quand il a signé chez les Mauves. « Je voulais absolument suivre une bonne formation et je me suis retrouvé dans l’une des meilleures écoles. Et puis c’était une condition sine qua non pour mes parents. Je pouvais venir à Anderlecht, à condition de continuer des études du même niveau qu’à Anvers. Ils n’ont pas dû se forcer pour me convaincre, je pensais exactement la même chose. De toute façon, quand on est aussi jeune, ça n’a pas de sens de dire qu’on mise d’abord sur le foot. À neuf ou dix ans, je ne pensais pas du tout à faire carrière. »

Yari Verschaeren:
Yari Verschaeren: « J’ai un instinct aventurier. C’est aussi pour ça qu’on joue au football. Pour aller le plus haut possible. »© INGE KINNET

À cet âge, il comprend qu’il a plus de chances de faire un boulot classique que du foot à temps plein. « Beaucoup de jeunes ne pensaient qu’au football, probablement, et c’est tentant quand tu joues dans un club du niveau d’Anderlecht. Mais moi, je raisonnais autrement. C’était mon rêve, oui, mais j’étais bien conscient de tous les obstacles qui allaient se dresser sur ma route. Et donc, je voulais un beau diplôme. Mes parents me le répétaient à l’occasion, mais encore une fois, ce n’était même pas nécessaire parce qu’on était sur la même longueur d’onde. »

Yari et Zoë sont dans la même école mais ils ne se remarquent mutuellement qu’à l’âge de douze ans. Pendant les premières années, ça se limite à un bonjour et éventuellement un sourire. « On était des gosses », lâche le joueur. « En plus, on n’était pas dans la même classe. » Elle avance plus loin sur le thème de la rencontre: « Je vais être sincère, je le sentais bien dès le début. Directement, il m’a attirée, j’ai eu des sentiments pour lui. Mais à douze ans, c’est difficile de décrypter tes propres sentiments. Aujourd’hui, je comprends mieux. Il y avait aussi le fait qu’il n’était pas spécialement accessible. »

« J’étais un garçon assez fermé », embraie Yari Verschaeren. « J’étais nouveau dans l’école, je venais d’un environnement fort différent, alors je côtoyais plutôt des copains du foot. Je ne calculais pas trop les autres. Je ne m’ouvrais pas aux inconnus. » Un trait de caractère qui a fait craquer Zoë. « J’aimais bien sa timidité. »

Impossible de le rendre dingue

À partir de la fin de leur cinquième année, ça devient sérieux entre eux. Yari Verschaeren s’ouvre, et la spontanéité de sa petite amie y est pour quelque chose. « Elle m’a bien aidé à devenir moins timide. Elle provoquait des conversations, je n’avais plus qu’à suivre. Je suis resté un gars très calme et discret, je ne suis pas le plus grand bavard. Mais je peux m’ouvrir complètement aux gens que je connais très bien et qui m’apprécient. Je ne suis plus un grand timide. »

Il n’est pas trop sûr de lui à ses débuts, mais plus on le regarde, plus on commente ses matches, plus il se relaxe. « C’est impossible de me rendre dingue, je garde toujours les pieds sur terre et je suis toujours très calme à l’intérieur. »

« Tu maîtrises très bien tes émotions », lance Zoë. « Je suis impressionnée. Il y a eu une période où tes matches étaient moins bons, et donc les commentaires aussi, mais tu ne t’es jamais laissé démonter. »

Le joueur explique que c’est une seconde nature chez lui. « C’est en moi. Je ne dois pas me forcer pour être comme ça. J’essaie de ne pas me laisser emporter par mes émotions. Quand on a perdu un match, ça se voit à mon attitude, ça me touche, surtout s’il y a des critiques personnelles, mais j’essaie de faire la part des choses. Évidemment, je lis ce qu’on écrit sur moi. Je ne cherche pas les articles de journaux, mais on y est automatiquement confronté. Et puis, quand je n’ai pas été bon, je le sais mieux que personne. Les supporters s’expriment, ils disent plein de choses, ils sortent leurs émotions. On finit par s’y habituer et par ne plus trop y faire attention. »

Pour moi, c’est clair qu’il y a un dieu, mais je n’y pense pas tous les jours. » Yari Verschaeren

Ils sont faits l’un pour l’autre…

Zoë est originaire de Ruisbroek, tout près de Bruxelles. Son père a des origines marocaines et espagnoles, sa mère est flamande. Elle est officiellement avec Yari depuis trois ans. La première année, c’était simplement une amourette d’école. Ils ne se voient pas pendant les vacances. Yari s’entraîne tous les jours puis rentre à Anvers le soir. Leur relation évolue quand il prend un appartement à Anderlecht. Ils passent trois ou quatre jours par semaine ensemble, le reste du temps chacun chez ses parents. « Pour moi, ça a été un changement radical de commencer à habiter seul », explique-t-il. « Je n’avais quand même que 17 ans. Pareil pour Zoë. »

Pendant les périodes où ils sont ensemble, ils apprennent à s’assumer. La cuisine, la lessive, les courses. Ils font tout à deux. Ils disent qu’ils sont faits l’un pour l’autre. « Zoë est très naturelle, elle n’aime pas être dans la lumière, elle aime le calme. Comme moi. »

Elle enchaîne: « On provient de deux milieux totalement différents, mais on est sur la même ligne. La seule différence, c’est que j’ai plus de convictions religieuses. Je suis chrétienne, et pour moi, c’est la première source de bonheur. » Il avoue: « Je suis aussi chrétien, mais moins pratiquant. Pour moi, c’est clair qu’il y a un dieu, mais je n’y pense pas tous les jours. On n’en parle pas beaucoup, je trouve que ce n’est pas nécessaire. C’est quelque chose pour Zoë et je trouve ça beau. » Elle ne s’épanche pas sur la question: « Je n’en ai pas besoin non plus. C’est une question personnelle et je préfère ne pas en parler. »

Leurs soirées favorites? Ensemble sur le canapé devant Netflix. Pour Yari Verschaeren, c’est une façon de décompresser après un entraînement ou un match. Pour Zoë, une bonne manière de faire le vide après une journée d’étude. Il raconte: « On aime bien aller manger un bout. Aussi faire un city-trip quand le programme du foot me le permet. Mais sortir, être sous les spots… non, ce n’est pas pour moi et pas pour elle. Je pense que ça vient de l’éducation que j’ai reçue. Mes parents se protègent, eux aussi. Ils ne donnent pas d’interview et ils nous ont élevés, mon frère Matthias et moi, dans la sobriété. Un comportement normal, un bon bulletin à l’école, faire de son mieux, rester naturel, ne pas se sentir meilleur que les autres, c’est tout ça chez nous. C’est important d’avoir des valeurs pareilles dans le monde du football, où on est fort regardé. Je ne vais pas changer sous prétexte que je joue en équipe première d’Anderlecht. Mes parents, mon frère et mes copains d’école pourraient confirmer que je suis toujours le même Yari. Ça doit être comme ça. Et ça va dans les deux sens. Si eux changeaient, moi je serais choqué. »

Yari Verschaeren à coeur ouvert :
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Fier d’être sur la même liste que Tielemans, Praet et Dendoncker

Il a parfois du mal avec le milieu du foot, il le reconnaît. « C’est un monde très dur et je ne le suis pas. Beaucoup de choses tournent autour de l’argent et on le ressent. Et il y a de la pression, ce qui est inévitable dans un grand club. C’est un truc qui n’existe pas quand tu joues chez les jeunes. Là, c’est du pur plaisir. Quand ça va mal, les joueurs sont les premiers à l’entendre et à le ressentir, encore plus les joueurs formés par le club. Ça, c’est difficile. Mais j’ai appris ça très tôt. Tu dois décider toi-même à quoi tu vas prêter attention et ce que tu vas laisser glisser sur ta carapace. La conclusion, c’est que ça peut-être très dur et que c’est parfois compliqué quand on n’est pas comme ça. »

Verschaeren célèbre un but en début de saison face à l'Union. Yari a inscrit sept goals durant la phase classique.
Verschaeren célèbre un but en début de saison face à l’Union. Yari a inscrit sept goals durant la phase classique.© INGE KINNET

Même si le football est aujourd’hui son métier, il a toujours su sauvegarder l’aspect plaisir. Il trouve le jeu toujours aussi amusant que quand il s’éclatait avec ses copains sur des petites places. « À l’entraînement, tu ne penses pas à la pression, à l’obligation de résultats. Tu ressens plus ça en match et en voyant ce qui est publié dans la presse. Mais si tu réussis à faire correctement abstraction de tout ça, le foot reste aussi chouette qu’avant. »

À l’approche d’un match, il ne ressent pas la pression, en tout cas pas trop. « Mon jeu n’est jamais influencé par ce que je ressens. Je ne souffre pas trop du stress, et surtout pas avant les gros matches ou dans les grands stades. Depuis que je suis tout petit, je joue contre des grandes équipes, des géants étrangers. Ça te forme. »

Même quand il a fait ses débuts en équipe première, à seulement 17 ans, il est resté parfaitement calme alors que l’entourage lui mettait une grosse pression. « Tout le monde ne se retrouve pas en équipe A aussi jeune. J’étais super content. Quand tu vois les autres joueurs qui ont fait la même chose… Youri Tielemans, Dennis Praet, Leander Dendoncker. C’est une fameuse liste et je suis dedans. »

Le point sur son futur après la saison

Très vite, son nom a été associé à différents clubs. Et ça n’a pas changé entre-temps. Le carrousel des rumeurs ne s’arrête jamais. « Dès que tu sais jouer au foot, on te cite à droite et à gauche. Là aussi, je reste calme, je ne m’emballe pas. J’ai grandi avec ces rumeurs. » Les bruits sur son futur, il les évite. Pour résumer: il joue à Anderlecht, il est heureux au Sporting et il ne réfléchira que quand la saison sera terminée. « Je ne peux pas me permettre de penser à autre chose qu’à Anderlecht. Si je le faisais, ça pourrait avoir une incidence sur mes prestations. Et ça, je n’en veux pas. En tant que joueur du club, j’ai le devoir de me concentrer à 100% pour mon employeur. Je réfléchirai à mon futur après la saison et il y a sûrement des chances que je reste. Je suis super heureux à Anderlecht. »

Un comportement normal, un bon bulletin à l’école, faire de son mieux, rester naturel, ne pas se sentir meilleur que les autres: c’est tout ça chez nous. » Yari Verschaeren

Et s’il doit choisir une nouvelle équipe, il impliquera sa petite amie dans sa réflexion. « Évidemment. Il faut que ça nous convienne à tous les deux. » Elle intervient: « Tu ne dois pas tenir compte de moi. Vraiment. Même si tu reçois à la limite une proposition pour aller jouer en Chine. Le plus important, c’est ta carrière et je te suivrai. Une fois que j’aurai terminé mes études, je pourrai travailler n’importe où. » On comprend en tout cas qu’elle aussi veut faire carrière. « Pour moi, peu importe où ce sera, mais c’est important que j’aie ma vie, mon monde. Je ne veux pas vivre uniquement dans le monde de Yari. Tout le monde me parle de lui, je trouve ça chouette, mais après je veux penser à moi, à qui je suis, m’occuper des gens qui s’intéressent à moi pour ce que je suis et pas parce que je suis la compagne d’un footballeur. L’université, par exemple, c’est mon monde. Il y a des gens qui savent que je suis avec Yari, mais ils ne me voient pas autrement pour autant. Ils me connaissent en tant que Zoë et on est tous dans le même bateau, on doit bosser dur pour y arriver. » Il valide: « Je trouve bien que Zoë soit aussi passionnée et qu’elle ait aussi ses objectifs. Pour moi, il n’y a rien de plus normal. »

Même si ce n’est pas ce qui le préoccupe pour le moment, on l’a compris, il envisage une aventure à deux, où que ce soit. « J’ai un instinct aventurier. C’est aussi pour ça qu’on joue au football. Pour aller le plus haut possible, pour relever d’autres défis. Des défis sur le plan privé aussi. Que nous réserve l’avenir? Je suis très, très confiant. »

« La finale de la Coupe est la plus grosse tache de ma carrière »

Yari Verschaeren fait un retour sur son début de carrière et ne peut s’empêcher de reconnaître qu’il est fier du chemin déjà parcouru. « Je ne peux pas me plaindre de la façon dont les choses ont évolué jusqu’à présent. Tout s’est assez bien passé, aussi bien dans le foot qu’à l’école. Je n’ai jamais eu de problème. Mais j’ai beaucoup travaillé, sur les deux terrains. »

Il n’a pas encore connu de véritable coup dur, mais la défaite face à Gand en finale de la Coupe de Belgique est une grosse tache sur son parcours. « La plus grosse depuis que je joue au foot. J’ai du mal à passer au-dessus, encore aujourd’hui. Perdre une finale de Coupe, ce n’est pas comme perdre un match normal. Ça procure des sensations complètement différentes. Surtout quand tu joues à Anderlecht. Pour nous, c’était important de gagner à nouveau un trophée, j’avais remarqué ça chez mes coéquipiers aussi. »

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Yari Verschaeren: « Je ne suis pas le plus grand bavard, mais je ne suis plus un grand timide. »© INGE KINNET

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