Y avait pas photo

La préparation des Spirous, trois jours avant la première manche.

Samedi 19 mai : David Desy, blessé, n’a pas joué Charleroi-Ostende. Cette absence n’explique pas la dégelée subie par les Spirous. Un départ catastrophique (4-19 après quelques minutes) n’a jamais pu être compensé. Score final: 70-98. La deuxième manche avait lieu hier soir à l’Arena Mister V.

Flash-back : mercredi 16 mai. La veille, Charleroi s’est qualifié au forceps pour la finale des playoffs. Une prolongation a été nécessaire pour venir à bout de Mons (107-100). Le match a laissé des traces. Rendez-vous a été fixé dès 10h30. Plus tôt pour ceux qui doivent passer par le cabinet du kiné Dominique Eloy, juste en face de la Coupole. Daniel Goethals souffle: -On a eu chaud, hier soir! »

Petite femme énergique et joviale, Dominique Eloy fait partie intégrante dans l’univers des Spirous. Elle a beaucoup de travail : « Lorsque le temps de récupération est court entre les matches, les joueurs effectuent souvent leur décrassage dès la fin de la rencontre. Hier soir, dès le coup de sifflet final, ils sont venus chez moi pour aller au jacuzzi et se faire masser. J’ai travaillé jusqu’à 23h30. Eric Lambert, le préparateur physique, m’a aidé dans ma tâche, sinon j’étais encore là à 4 heures du matin. En saison, je suis à la disposition des joueurs avant et après l’entraînement, lorsqu’il y a eu des bobos. La plage horaire de 12 à 15 heures est également réservée aux Spirous. Mon cabinet est ouvert à tous, mais ce sont principalement des sportifs qui le fréquentent: des judokas, l’équipe nationale masculine et féminine de gymnastique… ».

Giovanni Bozzi vient aux nouvelles: « J’espère qu’en rentrant chez eux, hier soir après le match, les joueurs ont bien mangé un plat de pâtes, comme conseillé. L’alimentation est très importante en période de playoffs, lorsque les matches se suivent à un rythme soutenu. Et les premières heures après l’effort sont décisives pour la récupération. Après un match intense, je donne souvent rendez-vous le lendemain matin. Je préfère que les joueurs fassent un peu d’exercice, plutôt que de rester cloués au lit. Cela ennuie un peu Lenny Brown, qui préférerait dormir, mais il doit s’en accommoder ».

La matinée commence à la… salle de musculation. « Cela peut paraître étonnant », admet le préparateur physique Eric Lambert. « Mais c’est un travail d’entretien et de tonification, léger, de 45 minutes. Avant, on a fait 20 minutes de souplesse, pour éliminer les crampes et les contractures. Le travail de shoot qui suivra, en trottinant légèrement, sert à faire de l’aérobie et à éliminer les toxines. L’après-midi, il y aura un petit travail d’électro-stimulation sur certains muscles. Le lendemain d’un match, récupération est le maître-mot. Mais pour récupérer, il faut bouger, afin d’avoir une légère activation cardio-vasculaire. Le système sanguin, lorsqu’il est activé, va comprimer et relâcher le muscle, et ainsi permettre un drainage des toxines. C’est pour la même raison qu’il est important de boire. Hier soir, en rentrant au vestiaire après le match, les joueurs ont bu un… coca. Là aussi, cela peut surprendre. Mais cette boisson est fort glucidique. Avec la chaleur et les prolongations, ils ont puisé dans leurs réserves de sucre et le coca donne un apport immédiat. A la mi-temps, ils avaient reçu une boisson énergétique. Le jacuzzi, très chaud, permettait une certaine vaso-dilatation et donc un relâchement musculaire. La douche froide qui suivait apporte une vaso-constriction: sous l’effet du froid, le muscle a tendance à se recontracturer. L’idéal, pour terminer, est un massage avec les jambes surélevées ».

« On a la chance d’avoir tout à portée de main », se réjouit Bozzi. « Dans un bâtiment jouxtant la Coupole. Au niveau de la musculation, ce n’est pas le top mais les équipements sont largement suffisants pour les exercices d’entretien ».

L’objectif du préparateur physique était d’amener les joueurs au sommet de leur condition pour avril-mai, un peu comme les athlètes dans l’optique des Jeux Olympiques : « Cela nous avait très bien réussi les quatre années où nous avons été champions. Beaucoup moins la saison dernière. Cette saison-ci, l’état de forme global est relativement moyen, je dois l’avouer ».

A 11h15, direction la Coupole pour une courte séance de shoot. David Desy (contracture aux ischio-jambiers encourue la veille), Jacques Stas (doigt retourné) et Daniel Goethals (mollet) sont exemptés: ils vont passer une échographie. La séance est placée sous la direction de Fulvio Bastianini, l’entraîneur-adjoint qui est également le coach principal de Gilly -l’équipe filiale qui évolue en D2- et le responsable technique de l’école des jeunes : « Ma tâche consiste à aider Gio pour les entraînements sur le terrain. J’assure également le lien avec les jeunes de Gilly qui viennent compléter l’équipe Première. Souvent, Gilly sert de sparring-partner. Cette fois-ci, par exemple, je leur demande de jouer de la même manière qu’Ostende ».

L’un des objectifs de Gilly est de former des jeunes… mais il faut chercher profondément pour trouver trace d’un produit de Gilly dans l’effectif de Charleroi. « L’arrêt Bosman a changé certaines données », admet Bastianini. « Le passage de Gilly vers Charleroi est délicat. La différence de niveau est trop grande. L’idéal serait un stage d’une ou deux saisons dans un club de D1 moins soumis à des impératifs de résultats. Lorsqu’il jouait en équipe nationale Juniors, Julien Defossé était supérieur à Thomas Van de Vondel. Ce dernier s’est révélé parce que les problèmes financiers d’Alost ont obligé le club à faire appel à des jeunes. Si Julien Defossé avait pu jouer dans un club de D1 moyen, style Alost, il se serait également illustré. La saison prochaine, il sera intégré à l’effectif de Charleroi. Après deux bonnes saisons en D2, je pense qu’il est mûr ».

Malgré le titre national récemment conquis en Juniors face à Ostende, l’école de jeunes de Charleroi n’est pas encore le pendant de l’Ajax Team. « Question de budget », estime Fulvio Bastianini. « Ostende consacre 5 millions à l’Ajax Team. A Charleroi, l’argent va en majeure partie à l’équipe Première. L’école des jeunes est ouverte à tous les jeunes de la région, mais on ne va pas chercher des joueurs à l’extérieur. L’Ajax Team recrute des joueurs de 13, 14 ou 15 ans dans tout le pays, puis leur offre trois ou quatre saisons de formation. C’est sans doute la meilleure méthode lorsqu’on veut faire de la formation élitiste, mais nous ne disposons pas des mêmes moyens. Bob Menama, par exemple, était d’abord venu frapper à la porte de Charleroi lorsqu’il était Cadet. Il vivait avec sa maman et voulait que le club prenne ses études en charge. Charleroi n’a pas accédé à sa demande et il est parti à… Ostende. Quelque part, je le regrette, car c’est un investissement. Julien Defossé a aussi été formé à l’Ajax Team. Or, il est originaire de Ciney. C’est anormal. Il est arrivé à Gilly après un détour par Pepinster, où il était parti trop jeune selon moi. En revanche, j’estime qu’Ostende ne dispose pas d’un équivalent de Gilly. Il manque à l’équipe côtière une filiale en D2 où les jeunes peuvent continuer à mûrir après 18 ans ».

Bernard Thiry effectue toute la préparation. Mais il joue peu. Il ne se plaint pas. Lui, précisément, est un produit de Gilly. Mais il a déjà 29 ans. « J’ai fait un choix », explique-t-il. « J’avais déjà connu Charleroi au début de ma carrière. J’étais parti en 1992, alors que les Spirous n’avaient pas encore atteint leur renommée actuelle. Maintenant, après de nombreuses années à Gilly, j’avais envie de revenir pour connaître de grandes sensations: les joies de l’Euroligue, d’un titre éventuellement. Lorsque Giovanni Bozzi m’a proposé de rejoindre l’effectif de Première, j’ai accepté cela comme une récompense. Je savais que mon temps de jeu serait réduit. Je ne n’en formalise pas. Je me rends utile à l’entraînement et en jouant le rôle de dixième homme. Le coach a parfois besoin de moi lorsque les fautes pleuvent. La saison prochaine, je retournerai à Gilly, heureux d’avoir vécu cette expérience. Place aux jeunes. Avec la nouvelle réglementation de la double affiliation, Julien Defossé sera plus à sa place que moi en D1. Il représente l’avenir ».

Giovanni Bozzi se contente d’observer. Il n’entrera en action que le lendemain, pour la préparation tactique : « Ostende et Charleroi se connaissent sur le bout des doigts. Il faut pourtant essayer de surprendre d’une façon ou d’une autre, afin de mettre les Côtiers en difficultés. J’avais déjà profité des deux semaines qui avaient suivi la finale de la Coupe pour mettre certaines choses au point. Je repasserai tout cela en revue, à l’aide de la vidéo notamment. Des choix seront faits pour essayer d’arrêter certains joueurs… peut-être pas tous car il y en a que nous ne sommes pas en mesure d’arrêter ».

Charleroi avait déjà rencontré Ostende à trois reprises avant les playoffs et s’était chaque fois incliné. Bozzi : « Le premier match, nous aurions dû le gagner. Je ne veux pas revenir sur les incidents. Lors des deux autres matches, il n’y a pas eu photo, et pourtant j’ai constaté que les deux fois, nous étions à égalité à 7 minutes de la fin. Il y a là matière à réflexion ».

David Desy revient de l’échographie. On a décelé une élongation. Bozzi grimace: « Si je dois me passer de lui samedi, je devrai revoir une partie de mes plans ».

A 12h30, la matinée se termine au jacuzzi. Les joueurs qui le souhaitent peuvent aller déjeuner au Grill du Zèbre. Pour les autres, c’est rendez-vous le lendemain, à 15h30.

Daniel Devos

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