Y’a plus de recoins sur coup de coin !

Chaque semaine, revient la remarque selon laquelle  » on ne soulignera jamais assez l’importance des phases arrêtées dans le football moderne « . Il me semble ouïr cela depuis des lustres, ce qui impliquerait que le foot moderne ne date pas d’hier ! Soit : c’est affirmer que, davantage que dans un passé relativement flou et pour lequel manquent les comparaisons statistiques, pas mal de buts découlent de coups francs ou coups de coin, voire de rentrées en touche. Possible, j’ai moi une autre impression prépondérante – et tout aussi invérifiable – par rapport au foot d’hier : c’est l’augmentation des buts sur frappes déviées, plus ou moins légèrement, par un défenseur sur la trajectoire. Ce qui serait d’ailleurs justice pour les uns, davantage que malchance pour les autres : puisque cela récompense ceux qui assiègent le camp adverse et tentent leur chance au but, plutôt que ceux qui défendent très bas, ainsi qu’on le jargonne souvent comme s’il s’agissait d’un choix tactique. Mouais. Pas toujours : il arrive aussi que l’équipe qui défend bas y soit tout bêtement contrainte parce qu’elle en a plein les pattes…

Revenons à nos phases arrêtées, plus particulièrement aux coups de coin. S’ils sont susceptibles d’amener des buts aux uns, me chuchote La Palice, les autres vont forcément se les ramasser ! A l’échelle d’une saison, l’équipe efficace sur corner sera donc celle qui fait bingo davantage qu’elle n’est crucifiée. On fait toutefois rarement la balance. Match par match, le surgissement du buteur est admiré quand l’équipe qu’on soutient plante ainsi un but… et le manque de rigueur défensive est stigmatisé si elle encaisse sur surgissement similaire adverse : remember le Standard à Zulte Waregem, les bottés de Franck Berrier, les surgissements de Mbaye Leye… Mais fallait-il tant accabler la défense liégeoise ? Davantage qu’un déficit objectif d’organisation, n’était-ce pas d’abord le jour d’un bingo défavorable ? Car les corners sont avant tout devenus des jackpots !

Sur corner, le basique n’est plus ce qu’il était, et les critiques qu’on formule encore n’ont plus toujours raison d’être. Anthony Moris s’est vu reprocher une certaine passivité à Zulte, selon l’adage voulant que  » sur corner, le gardien doit toujours être maître dans son petit rectangle « . Défendons Moris et ses confrères, l’adage est éculé : quand un corner est botté tendu dans ton petit rectangle mais que celui-ci est squatté par une dizaine de gars qui s’y sont rués en bondissant, tu as beau avoir des mains pleines de doigts au bout de tes bras tendus, la moitié des gars ont beau être tes potes, tu n’as plus toujours le loisir de te déplacer en propriétaire terrien, pour cueillir joliment chez toi les ballons aériens ! Jadis, c’était  » ne botte pas trop sur le keeper, sinon il va la prendre « . Aujourd’hui, c’est  » botte dans le petit rectangle, et rentrons dans la viande « .

Ce surencombrement favorise la défense en zone sur corner, critiquée dès qu’elle génère un but, mais souvent la seule possible : car coller/culotte un adversaire en mouvement entraîne le risque de se cogner au premier venu et de se faire semer… ou à tenter le Diable en trichant des bras pour ne pas se faire semer ! Alors, défensivement, s’organiser un tant soit peu, c’est se répartir la zone à protéger : et tenter chacun d’être concentré dans son p’tit coin en y sautant du mieux qu’on peut. Souvent ça marche, et parfois pas.

Preuve supplémentaire du bordélisme des corners d’aujourd’hui : toutes les variantes au(x) piquet(s) sont tentées, changent selon les matches et même en cours de match ! Parfois un défenseur à chaque poteau. Parfois un seul défenseur au premier poteau, que le botté soit rentrant ou sortant. Parfois un seul défenseur au second poteau,… que le botté soit rentrant ou sortant ! Et parfois aucun défenseur à aucun poteau ! Tout est tenté, il n’y a plus de normes, les gardiens ne savent plus à quel poteau se vouer ! A tailles équivalentes évidemment, le botté de corner est le royaume de l’aléatoire : épisodiquement, tu en plantes un sans t’y attendre comme André Ayew face à l’Inter et Julio Cesar se le ramasse sans réelle culpabilité…

J’ai souvent rêvé qu’outre le gardien, seuls soient alors admis dans le grand rectangle deux défenseurs et trois attaquants, en reléguant tous les autres à la mi-terrain : pensés, construits, les duels aériens sur coup de coin pourraient alors friser l’épure…

 » Sur corner, le gardien doit toujours être maître dans son petit rectangle : l’adage est éculé ! « 

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