Y a pas que l’argent

L’ancienne vedette de Manchester United et de l’Angleterre revient sur l’importance croissante des compétitions européennes interclubs.

B obby Charlton :  » L’histoire des grands clubs remonte avant tout au lancement de la Coupe des Clubs Champions d’Europe en 1955. La Coupe des Villes de Foire avait été lancée à peu près en même temps, mais n’a pas du tout eu le même impact. Il n’y avait qu’un seul grand tournoi pour les clubs européens, c’était La Coupe d’Europe ! Bien sûr, la compétition s’est développée et est devenue la Ligue des Champions mais quelle que soit sa dénomination, elle reste la compétition que tout club un tant soit peu ambitieux souhaite remporter.

Les autorités du football anglaises avaient refusé d’inscrire Chelsea la première saison et avaient essayé de dissuader Manchester United d’y participer après sa victoire en championnat en 1956. Une des objections de la Ligue anglaise était que jouer en Eu-rope signifierait disputer trop de matches. Eh bien, qu’a fait la Ligue quelques années plus tard ? Elle a lancé sa propre Coupe de la Ligue û ce qui a bien sûr entraîné un plus grand nombre de matches !

Le manager de United, Matt Busby, était d’un autre avis. Visionnaire, il pensait que la Coupe des Champions représentait l’avenir du football et que c’était la bonne direction à prendre. Il a donc voulu que United soit présent dès le départ. C’est ainsi que nous avons participé à l’épreuve et, bien sûr, le reste fait partie de l’histoire.

Prenez les noms des autres clubs qui ont participé aux premières éditions : Real Madrid, Milan, Inter, Juventus, Benfica, Barcelone… c’étaient les plus grands clubs de l’époque et ce sont les plus grands encore aujourd’hui. Parce qu’ils étaient présents aux débuts de la compétition, comme United, ils en ont aussi récolté les bénéfices.

Bien sûr, le monde était très différent à l’époque. La télévision n’offrait pas de couverture planétaire et la seule retransmission de football télévisée en direct en Angleterre était la finale de la Coupe d’Angleterre une fois par an. Maintenant, on peut voir des matches en direct pratiquement chaque jour.

Je me souviens avoir regardé une rencontre au début des compétitions européennes avec le Real Madrid û c’était la première fois que je les voyais û sur un petit écran noir et blanc et l’image n’arrêtait pas de sauter. C’était plutôt primitif par rapport à aujourd’hui, mais, à l’époque, c’était comme entrer dans un autre univers.

La couverture du football dans le monde est maintenant tellement développée qu’elle en a presque perdu l’esprit d’aventure qu’elle avait dans les années 1950 et 1960. Il n’y a plus de surprises même en ce qui concerne les clubs ou les joueurs d’Amérique du Sud. Le système de matches aller et retour de la Coupe des Champions était un succès en raison du côté dramatique qu’il apportait et, bien sûr, les matches en nocturne étaient encore une nouveauté.

Ces rencontres étaient toujours les plus passionnantes à disputer ou à regarder. Rien ne les égalait. En tant que jeune joueur, vous ne saviez pas très bien où vous alliez ni à quels joueurs, styles ou conditions vous seriez confronté « .

Le jour où le Danube a débordé

 » Je me souviens être allé en Hongrie lorsque le Danube avait débordé et que le terrain était inondé. Nous avions dû rentrer en Angleterre et refaire le voyage la semaine suivante ! Cela n’arriverait pas aujourd’hui. Tout est maintenant si professionnel, non seulement en termes de communication, de conditions et d’organisation, mais également en ce qui concerne l’alimentation et l’entraînement.

Les choses ont également changé pour ce qui est de la longueur de la carrière des joueurs. Lorsque j’ai commencé à jouer, on pouvait espérer jouer jusqu’à 30 ans si on avait la chance d’éviter une blessure grave. Maintenant, si vous avez un problème de cartilage, les techniques chirurgicales vous permettent de rejouer rapidement. A l’époque, vous étiez indisponible pendant au moins six mois, et vous n’aviez que 50 % de chances de rejouer. Si vous jouiez jusqu’à 35 ans, on disait que vous étiez trop vieux. Maintenant, on voit des joueurs qui ont la trentaine évoluer à l’EURO. Les carrières s’allongent et l’expérience est aussi appréciée.

En Angleterre, nous avons beaucoup appris en allant dans les clubs européens et je suis sûr que les cercles et les entraîneurs du continent ont aussi appris des choses de notre part. Nous nous sommes aidés mutuellement à nous améliorer. Et ce ne sont pas seulement les clubs qui en ont bénéficié, mais également les équipes nationales.

Le football est passé d’un des sports les plus populaires au sport le plus populaire dans le monde. Cela a entraîné d’autres responsabilités, bien sûr. On le voit avec tous les grands clubs et les championnats en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne ou en Angleterre : le football professionnel doit maintenant être géré comme une véritable entreprise.

Ce changement est dû en grande partie à la télévision et aux sponsors, dont l’investissement dans le football contribue à maintenir les billets à un prix abordable pour les supporters. Les gens se plaignent parfois de l’aspect commercial du football, mais ils devraient replacer tout cela dans son contexte « .

Les rois du merchandising

 » En Angleterre, nous pensons avoir montré le chemin dans le merchandising. Les clubs d’autres pays envoient toujours des gens chez nous pour voir comment nous travaillons. Mais ce n’est pas seulement une question d’argent. Cela me lasse d’entendre les gens parler ainsi. Ils ignorent une des raisons humaines pour lesquelles cela est très important pour des clubs tels que Manchester United. Nous avons des millions de supporters qui seraient ravis de voir jouer l’équipe à Old Trafford chaque semaine, mais qui vivent à l’autre bout du monde, en Chine, en Extrême-Orient ou en Amérique. La meilleure chose que nous puissions leur offrir est de faire partie du club par l’intermédiaire du merchandising, afin qu’ils aient le sentiment d’appartenir à la famille de Man U.

Nous avons développé des relations dans le monde entier pour augmenter notre popularité au maximum. Mais cela signifie que nous avons aussi la responsabilité d’aligner une équipe et de réaliser des résultats qui feront la fierté de nos supporters. Pour tout manager û de Matt Busby jusqu’à Alex Ferguson û cela a toujours signifié faire venir les meilleurs footballeurs.

Cela pose régulièrement des problèmes lors de la mise à disposition de joueurs pour leur équipe nationale, et c’est une question qui préoccupe le G-14, dont nous faisons partie. Cela a toujours été un problème pour les managers, déjà lorsque j’étais joueur. Mais il s’est accentué aujourd’hui en raison de la cherté des joueurs en termes d’indemnités de transfert et de salaires. Il arrive parfois qu’un international qui a disputé un match de qualification pour la Coupe du Monde en Amérique du Sud ou à l’autre bout de l’Europe ne rentre pas avant le matin du match de championnat suivant. Dans ces conditions, il n’est pas à même de courir immédiatement sur un terrain. Si vous tenez compte du décalage horaire, vous ne souhaitez pas jouer !

Il doit y avoir de la place pour les clubs et pour les équipes nationales. Sepp Blatter et Michel Platini à la FIFA ont eu une bonne idée avec la mise au point d’un calendrier international unifié, mais cela apporte d’autres problèmes. De nos jours, chaque pays souhaite participer à la Coupe du Monde et il y a une explosion du nombre de pays présents. Cela signifie davantage de matches…

La manière dont le G-14 a soulevé certains problèmes en a irrité plus d’un, mais cela est dû aux dimensions prises par le football. La FIFA est importante, l’UEFA est importante, les autres confédérations sont importantes û mais les clubs le sont aussi.

Cela dit, nous sommes toujours très fiers dans notre club lorsqu’un de nos joueurs est sélectionné pour son équipe nationale, même s’il nous semble qu’il y a toujours un absent pour un match ou l’autre. Il est évident que les clubs doivent défendre leurs intérêts. C’est pourquoi nous essayons de maintenir une bonne communication avec toutes les fédérations nationales de nos joueurs en ce qui concerne leurs matches, en particulier ceux qui ne servent pas de qualification pour la Coupe du Monde ou le Championnat d’Europe.

Je peux voir les choses des deux côtés. J’ai eu le bonheur de remporter la Coupe du Monde avec l’Angleterre en 66 et la Coupe des Champions avec Manchester United en 68. Honnêtement, je ne pourrais pas choisir entre les deux.

Mais mon match le plus dramatique demeure le retour de notre demi-finale cette saison-là face au Real à Madrid. Nous les avions battus 1-0 chez nous, mais nous perdions 3-1 à la mi-temps au retour. Le monde semblait s’écrouler parce que nous désirions ardemment cette victoire. Mais, c’est bien connu, les joueurs anglais ne renoncent jamais et nous avons réussi à ramener le score à 3-2 puis à 3-3 et à nous qualifier pour la finale.

Keir Radnedge, ESM

 » La Ligue des Champions RESTE LA COMPETITION que tout club ambitieux souhaite remporter « 

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