La revanche ultime du 100m à Pékin : la médaille d’or Usain Bolt et les favoris battus Asafa Powell et Tyson Gay seront tous trois présents au Belgacom Mémorial Van Damme.

En athlétisme, il n’y a jamais de choses définitives : un jour, on bat un record et on n’a même pas le temps de se retourner qu’un autre l’améliore à son tour. Dans le futur du triple champion olympique jamaïquain Usain Bolt, il y a quand même quelques certitudes. La première : quel que soit le métier qu’il choisira au terme de sa carrière sportive, il ne cultivera pas le café. Il ne peut même plus en sentir l’odeur : il l’a tant respirée dans les plantations de sa famille dès sa prime enfance, qu’il en a attrapé la nausée. L’autre certitude concerne son pays : la Jamaïque qu’il ne veut jamais abandonner trop longtemps et pas seulement parce qu’elle a un rapport particulier avec la vitesse. Non, c’est là que se trouvent ses racines, qu’il ressent fortement et c’est là qu’il veut vivre au milieu des siens.

La piste sur laquelle il s’entraîne, par exemple, n’a rien d’un laboratoire aseptisé où naissent les champions. Là, l’ambiance est relax, du reggae en fond musical. Sur le bord du terrain, un septuagénaire épluche des oranges et des enfants jouent au centre de l’anneau. Et pourtant, c’est là que ce grand garçon qui était un peu timide mais a été obligé de s’habituer au brouhaha qui l’entoure a jeté les bases de ses records du monde.

Malgré tout, il n’a jamais renoncé à se sentir un garçon de 22 ans comme les autres. La preuve à Pékin où il a fait le fou avant et après ses victoires… même en courant. A un point tel que le président du CIO Jacques Rogge l’a morigéné en estimant qu’il n’était pas sportif vis-à-vis des autres. Bolt a dit : -C’est qui Rogge ? Je suis comme je suis et je m’entends parfaitement bien avec mes adversaires.

Bolt court comme il vit : sans stress, en étant sûr de lui. Son coach devient fou quand il entend qu’il mange des hamburgers et du poulet frit, mais c’est comme ça. D’ailleurs avant de battre pour la première fois le record du monde du 100 m à New York, il a demandé aux personnes qui l’accompagnaient à Times Square de passer par un fast-food. Le bonhomme est un monstre de talent et de précocité. Les gens qui pensent qu’il est dopé comme tant de sprinters avant lui se trompent (jusqu’à présent). Lors de son arrivée à Pékin, Bolt et les autres sprinters jamaïquains ont été contrôlés trois fois en sept jours. On n’avait jamais vu ça…

On pensait bien qu’Usain Bolt était le grandissime favori du 100 et 200 de Pékin. Tyson Gay a payé cher sa vanité. Après avoir réussi le doublé 100-200 aux Mondiaux d’Osaka l’année dernière, l’Américain, qui avait donné tour à tour la leçon à Powell et Bolt, envisageait de faire la même chose à Pékin. Il rêvait de rééditer l’exploit d’un compatriote blanc, Bobby Morrow, médaillé en 100 et 200 à Melbourne en 1956. Mais lors des qualifications olympiques, Gay a voulu trop vite répondre à Bolt, qui venait de lui souffler de manière inattendue le record du monde du 100 m le 31 mai à New York. Gay voulait prouver à tout le monde qu’il restait le meilleur malgré tout et, aidé par un vent supérieur à la limite autorisée, réussissait 9 »68. Mais sa prétention lui a joué un mauvais tour lors des quarts de finale du 200 où dans un virage il a sauté en l’air comme s’il avait marché sur une mine. Ce qui semblait au départ une crampe s’est révélé être une élongation très sérieuse et il était arrivé sous-entraîné à Pékin.

La malédiction a aussi frappé Asafa Powell et une vieille blessure à l’aine s’est réveillée au printemps, ce qui a retardé sa préparation olympique. Sans ses rivaux directs en super forme, Bolt devait se promener à Pékin et c’est ce qu’il a fait.

 » Je suis comme je suis « 

Vous êtes un fervent supporteur des Boston Celtics dont Kevin Garnett a déclaré que la victoire du titre NBA représentait pour lui une revanche sur la vie. Vos victoires ont-elle un quelconque goût de revanche ?

Usain Bolt : Je dédie mes victoires à ma famille. Maintenant que je peux le faire, je lui viens en aide grâce à mon travail comme elle l’a toujours fait depuis que je suis petit. C’est ma façon de lui rendre les sacrifices qu’elle a consenti pour moi. C’est la famille qui me pousse à me dépasser.

De là à battre deux records…

De manière plus générale, j’ai toujours déclaré que je n’accordais pas trop d’emphase à ces records. Mon objectif était une médaille à Pékin. D’or, évidemment.

Vous donnez l’impression de ne pas vouloir renoncer à vivre votre vie. Jusqu’à quel point estimez-vous que votre job peut limiter votre liberté ?

Tant que l’athlétisme m’amusera, je continuerai à concourir et à m’appliquer à fond. Mais mon sport n’est pas tout : je suis inscrit à l’université en business administration même si l’entraînement en vue des Jeux m’a obligé à sauter une année.

Certaines personnes soutiennent que vous êtes un peu fainéant ?

Fainéant, moi ? Sachez que de nombreuses fois les entraînements débutent à 6 h 30 du matin en raison de la chaleur. Bien sûr que comme tous les jeunes de mon âge, j’aime dormir, surtout pendant le week-end, quand je suis sorti tard avec les amis.

A propos d’heures tardives, les casques avec lesquels on vous voit en disent long sur votre passion pour la musique.

C’est vrai. Dans le futur, je voudrais ouvrir une discothèque. Et pourquoi pas être DJ, ce serait amusant, non ? En attendant, je vais m’acheter une console pour m’entraîner.

Y a-t-il eu un moment précis où vous avez décidé que l’athlétisme allait être votre métier ?

J’ai commencé l’athlétisme à 9 ans. A ce moment-là, je ne m’imaginais pas qu’il deviendrait mon métier. Puis, j’ai commencé à gagner toutes les courses auxquelles je prenais part, y compris le championnat du monde Juniors de 2002. A ce moment-là, j’ai réalisé que je devais prendre les choses au sérieux. Courir est un métier mais qui me plaît beaucoup et c’est pour cette raison que quand je gagne, je veux que le public s’amuse aussi.

D’un point de vue psychologique, qu’est-ce qui fait croître un athlète au point d’en faire un champion également mentalement ?

On mûrit piano, piano. On acquiert de l’expérience et on s’améliore d’année en année et course après course. C’est tout.

Votre entraîneur, Glen Mills, semble avoir un rôle important dans votre progression. Comment est née votre complicité ?

Une grande confiance existe entre nous. Je le respecte en tant que coach mais aussi en tant qu’homme. Je crois que le secret réside dans la parfaite combinaison de ces deux composantes et dans la considération que chacun éprouve à l’égard de l’autre.

On prétend que vous avez beaucoup travaillé la technique de course ?

C’est exact et principalement le départ qui est, sans aucun doute, mon talon d’Achille ! Jusqu’à présent le problème résidait dans le fait que je faisais trop de pas avant de vraiment commencer ma course. Et j’ai travaillé pour m’améliorer précisément dans cette phase.

Avez-vous une fiancée ?

( Il rit) No comment.

Le problème des droits de l’Homme en Chine vous a-t-il incité à réfléchir sur l’attitude d’un sportif ? Doit-il ou non se poser des questions de nature politique ?

Je ne parle pas de politique. Je préfère m’exprimer sur les questions sportives. Il était juste de participer à la compétition ne fut-ce que par respect pour tous les efforts et sacrifices que les athlètes ont consentis pendant les quatre ans.

Vos records du monde sont tombés à un moment où l’athlétisme et tant d’autres sports ont perdu une bonne partie de leur crédibilité. Cela ne vous dérange pas que l’on doute de la légitimité de vos résultats ?

Chacun peut penser ce qu’il veut. Je respecte les opinions de tout le monde mais je n’ai pas peur d’aborder la question du doping. Je n’élude pas le sujet tout comme je n’évite pas les contrôles. Je l’ai été quatre fois (sang et urine) pendant les Jeux sans oublier tous ceux effectués dans les meetings. Je suis conscient d’une chose : si l’on travaille durement, avec en plus des coaches expérimentés, on peut obtenir des résultats. Et en ce qui me concerne, je n’ai pas le moindre doute. Quiconque désire me contrôler est le bienvenu.

Mises à part les médailles, à quoi vous attendiez-vous aux Jeux ?

Je voulais savoir jusqu’à quel point je pouvais supporter la cuisine chinoise (il rit).

par enrico aiello (ESM)

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