« Witsel est le patron technique des Diables »

Notre consultantanalyse les points forts de ces éliminatoires.

Après le formidable parcours des Belges (22 points sur 24 !) et alors qu’il ne leur reste plus qu’un point à prendre en deux rencontres, Marc Degryse revient sur la dernière année des Diables Rouges.

Comment juges-tu l’évolution de cette équipe en un an ?

MarcDegryse : Le départ a été difficile, notamment le deuxième match contre la Croatie. On a directement vu quel était notre adversaire numéro un. Perdre deux points contre la Croatie, ce n’est pas trop grave mais dans l’absolu, il convient toujours mieux de gagner à domicile. Le tournant se situe à Belgrade : on a eu un peu de chance pendant 20 minutes et on a pu compter sur un Courtois fabuleux, et puis De Bruyne qui ouvre sur Benteke. A partir de là, on était parti et on n’a plus encaissé qu’un but ! On tient là les trois joueurs (Courtois, De Bruyne, Benteke) qui ont lancé la campagne des Diables, emmenant toute l’équipe dans leur sillage. Cela prouve aussi que tous les choix de Wilmots ont été parfaits !

De Bruyne, Courtois, Benteke, les trois joueurs de la campagne, n’étaient pourtant pas titulaires avant celle-ci…

De Bruyne a vraiment pris son envol. Il faut dire que cela ne m’a pas vraiment surpris. Tout le monde avait perçu son talent ; on se demandait simplement quand il allait éclater. Il avait déjà montré lors de ses entrées au Pays de Galles et contre la Croatie qu’il ne se situait pas très loin du onze de base mais son entente avec Benteke a fait la différence. Mais en plus de ces trois joueurs, il ne faut pas oublier Witsel, qui a tout joué !

Peut-on le compter parmi les patrons ?

Oui. Witsel est régulier, jamais mauvais, le liant entre la défense et l’attaque. De Bruyne et Benteke ont excellé par phases mais Witsel est resté constamment à un haut niveau. C’est du talent et de la personnalité. Il n’est jamais blessé, performant, endurant. Je l’aimais particulièrement bien à Benfica au sein d’une équipe très technique, qui développait un football attractif. C’est lui qui dirige cette équipe belge. C’est le patron, pas tant dans ses gestes que dans son jeu. Il est très malin, voit aussi bien le jeu en possession de balle qu’en perte de balle. Il a une technique fabuleuse et trouve toujours la solution proprement. Il est très mûr pour son âge. Lui est capable de faire un match parfait, sans une perte de balle. Il n’est peut-être pas spectaculaire pour le supporter neutre mais pour l’équilibre de l’équipe, c’est un joueur-clé.

 » Le meilleur match ? A domicile, contre l’Ecosse  »

Tout le monde disait, il y a un an, qu’il nous manquait un attaquant de haut niveau. On semble l’avoir trouvé avec Benteke ?

Son transfert à Aston Villa l’a projeté à un niveau international. Il joue en confiance et il a progressé tant dans son jeu aérien que balle au pied.

Que penses-tu du jeu ?

Je trouve qu’on a réalisé notre meilleur match face à l’Ecosse, à domicile. En termes de possession de balle, jeu de position, domination totale même si, à la mi-temps, le score demeurait 0-0. Pour la première fois, j’ai eu l’impression d’avoir affaire à une équipe du top. Dominer, être patient, énerver l’adversaire en gardant le ballon, voilà les caractéristiques d’une grande équipe. On a revu cela en Ecosse. Les Ecossais étaient nulle part, certes, mais la faute en incombe aux Belges.

As-tu l’impression que les Belges ont encore parfois joué en outsiders ?

Oui. Notamment à domicile face aux Serbes. Ce jour-là, on a développé un tout autre jeu. Les Serbes ont mis beaucoup de pression sur le porteur de ballon ; les actions ne partaient pas assez de derrière ; Courtois lançait beaucoup de ballons vers Benteke et on essayait d’obtenir le deuxième ballon. Nous n’avions que 52 % de possession de balle. Je ne vais pas dire que c’était le plus mauvais match de la campagne mais ce jour-là, on n’a pas joué notre style de jeu. Mais il faut aussi savoir jouer de la sorte. Si tu sens que le plan A ne fonctionne pas, il faut penser au plan B. Cependant, le plan B doit en rester un et sur le long terme, je préfère qu’on utilise davantage le style vu face aux Ecossais.

La force de cette équipe, n’est-ce pas qu’elle combine technique et physique ?

Tout à fait. Nos joueurs évoluent dans de grandes compétitions et sont capables de remporter tous leurs duels. C’est pour cette raison que je dis qu’on dispose toujours d’un plan B. S’il faut utiliser nos qualités physiques, on ne doit pas non plus s’en priver.

Qu’est-ce qui a fait la différence durant cette campagne ?

Précédemment, on jouait aussi parfois de bons matches mais il y avait toujours des petites fautes individuelles, qui se payaient cash. Et en attaque, on ratait beaucoup d’occasions. Tant sur le plan défensif qu’offensif, on n’était pas assez efficace. Sur ce point-là, le groupe a acquis beaucoup de maturité. Il était temps car il ne faut pas oublier qu’un garçon comme Vincent Kompany a maintenant 27 ans ! Il a déjà fait quatre campagnes qualificatives.

 » On a deux gardiens de grande classe  »

Comment juges-tu le discours de Wilmots ?

On voit qu’il a fait quatre tournois. Il prépare déjà le Brésil. Quand il dit que son banc est très important, c’est pour motiver tout le monde et éviter les jalousies. Même s’il y aura toujours des vedettes.

Parlons un peu des postes : comme gardien, on a découvert un gardien de classe mondiale qui s’ajoute à un autre de haut niveau aussi.

On a deux gardiens exceptionnels. Avec ces deux-là, tu ne risques pas de faire un mauvais choix. Mignolet montre une super mentalité. Il accepte le choix de Wilmots mais se bat et donne tout ce qu’il a. Il est prêt, en cas de mauvais match de Courtois, pour prendre sa place. Wilmots a bien fait de faire un choix ; il n’aurait pas pu prôner l’alternance. Courtois a la classe mondiale, depuis trois ans maintenant. Et puis, ce que j’apprécie chez les deux gardiens, c’est leur discours. Ils sont critiques vis-à-vis de leurs propres prestations.

Qu’est-ce qui te surprend le plus chez Courtois ?

Sa maturité. A 21 ans, il a une présence imposante. Avec lui, l’attaquant a l’impression que le but est très petit. Et puis, je ne me rappelle pas qu’il ait commis une faute.

En défense, on partait avec deux certitudes, Vermaelen et Kompany, mais le statut de Vermaelen à Arsenal ne risque-t-il pas de lui jouer des tours ?

Je pense que s’il est à 100 %, Vermaelen reprend sa place. Mais il a du travail. Son statut de capitaine le protégeait quelque peu mais si tu perds ta position dans ton club, cela devient compliqué.

Est-ce que Vertonghen et Van Buyten ont pris le dessus sur lui ?

Je pense que oui. Cependant, comme Vertonghen fait de bonnes choses à l’arrière gauche et qu’il évolue bien à cette position, je ne crois pas que Wilmots va le changer de place. Il ne faut pas non plus oublier Lombaerts. Il a réalisé une bonne prestation en Ecosse, avant sa blessure. Le fait que Pocognoli évolue désormais en Allemagne offre plus de possibilités à Wilmots qu’en début de qualifications. Même à l’arrière droit, je trouve qu’on a évolué de manière positive. Alderweireld et Gillet peuvent tirer leur épingle du jeu.

Cependant, les deux backs (Vertonghen et Alderweireld) restent des arrières centraux de formation…

C’est vrai. C’est un fait mais je ne trouve pas que cela ait posé problème lors de cette campagne. Vertonghen, après avoir souffert face à Gareth Bale au Pays de Galles, a réalisé de grosses prestations et Gillet a même marqué contre la Croatie ! il faudra voir face à de vrais ailiers.

 » Van Buyten a fait taire les critiques  »

Van Buyten que l’on voyait comme un guide, au même titre que Simons, a pris plus d’ampleur…

C’est clair. Si Kompany est disponible, il joue. Sinon, c’est Van Buyten. Les critiques qui l’ont suivi pendant de nombreuses années, ne sont plus fondées. Quand il joue, toute la défense a confiance. Il se présente comme un grand joueur du Bayern, qui a gagné la Ligue des Champions. Personne ne doute de lui. Et puis, il a une très grande mentalité. Il accepte de prendre place sur le banc alors qu’il évolue au Bayern ! C’est la preuve que le groupe est bien équilibré. Comment voulez-vous que les jeunes fassent des vagues quand ils voient des joueurs comme Van Buyten, Simons ou Mignolet accepter leur situation ?

Est-ce que Gillet, Van Damme ou Ciman peuvent disparaître du groupe d’ici la Coupe du Monde ?

Le fait qu’ils évoluent tous les trois en Belgique en fait déjà des exceptions. Tout dépendra de leurs prestations. Heureusement, ils disputent la Coupe d’Europe et donc, notamment pour Van Damme et Ciman qui ne la jouaient pas la saison passée, cela les rapproche de l’équipe nationale. Mais plus que les autres, ils doivent réaliser une bonne saison.

Dans l’entrejeu, Fellaini est-il un des perdants de cette campagne ?

C’est spécial. C’est peut-être un de ceux dont on attendait le plus dans ces qualifications. Or, il est moins décisif que dans son club. On sent que Wilmots cherche encore où le placer. Faut-il jouer un jeu de combinaisons ou utiliser les qualités de Fellaini (notamment le jeu aérien) ? Est-il meilleur en numéro six ou en soutien d’attaque ?

S’il est titulaire à Manchester United, devient-il incontournable ?

Je ne pense même pas. A Manchester, son entraîneur, David Moyes, va l’utiliser comme il avait l’habitude de le faire à Everton, près de l’attaquant.

Tu es un grand partisan de Dembélé dans ce triangle de l’entrejeu. Pourquoi ?

Car je trouve que cela apporte davantage de technique et qu’il forme un bon équilibre avec Witsel : d’un côté, le droitier, de l’autre le gaucher. Il sait tenir un ballon dans l’équipe, éliminer un adversaire. Et puis, le problème qui se pose avec Fellaini dans une position avancée, c’est que ses coéquipiers ont davantage tendance à envoyer des ballons aériens. Or, il faut éviter d’utiliser cette possibilité trop rapidement.

 » De Bruyne et Hazard sont incontournables  »

Sur les flancs, De Bruyne a définitivement pris le pas sur Mertens…

De Bruyne et Hazard sont des titulaires à part entière. De Bruyne voit très vite les choses, a une bonne frappe de balle, un bon centre. Si tu le mets dans l’axe, Benteke sera moins bien servi. Sur les deux buts de Benteke, à chaque fois, on a un assist parfait de De Bruyne. Quant à Hazard, il doit être plus décisif en équipe nationale. Pour moi, il s’agit sans doute du joueur qui a le plus de talent pour arriver un jour à Barcelone mais il doit être encore plus efficace. Cependant, il faut avouer qu’il attire deux, trois défenseurs et que les autres joueurs peuvent alors profiter de davantage d’espace. A un moment, on lui a reproché son absence de travail défensif, moi, j’aurais tendance à dire – Augmente tes assists et tes buts et on oubliera alors très vite cette remarque de travail défensif.

On a également d’autres alternatives…

Il y a toujours Mertens, qui doit encore s’adapter à Naples ou Mirallas, dans un autre style, mais avec sa vitesse et son jeu en profondeur, il peut faire mal. Il a aussi les sensations d’un buteur.

En attaque, Benteke et Lukaku ont émergé. Penses-tu que Benteke a pris un peu d’avance ?

Il reste sur une grosse saison à Aston Villa. Je trouve que le jeu de Lukaku manque encore un peu de maturité. Contrairement à Benteke, qui sait maintenant comment il doit bouger, utiliser son corps, bref comment il doit mettre en avant toutes ses qualités. Lukaku doit encore être plus malin pour trouver de la liberté et de l’espace dans le jeu.

Si on parle en termes d’équipe, Benteke convient-il mieux que Lukaku ?

Oui. Le match contre la France l’a prouvé. Lukaku n’a pas réalisé une grosse première mi-temps et même s’il s’est mis en évidence dans le premier quart d’heure de la seconde mi-temps, il a pâti de la comparaison avec Benteke qui a montré plus de maturité en une demi-heure. Mais c’est normal : il ne faut pas oublier que Benteke a deux ans de plus.

Derrière ces deux-là, penses-tu qu’il y a encore de la place pour d’autres ?

Le système ne convient pas vraiment à Vossen. Pour moi, c’est davantage un deuxième attaquant. Il ne peut pas être seul devant avec deux ailiers. Pelé Mboyo a joué dans ce système à Gand même si, longtemps, on l’a vu comme ailier. Il peut devenir le numéro trois. Tout dépend de sa saison et c’est un peu bizarre mais ces deux collègues peuvent être concurrents pour le Brésil.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Les 4 joueurs-clés de cette campagne sont Courtois, Witsel, De Bruyne et Benteke.  »

 » On sent que Wilmots cherche encore où placer Fellaini.  »

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