« Wilmots sera un bon sénateur »

Le coach liégeois cote des événements et des hommes de son année 2002 pas comme les autres.

Sous le sapin de la famille Waseige, le Père Noël a rangé beaucoup de cadeaux pour les petits-enfants d’une maison qui sent bon l’amitié et les petits bonheurs de la vie de tous les jours.

Entre deux lettres de bons voeux, Robert Waseige a déjà déballé ou remballé les souvenirs d’une période doublement exceptionnelle. Elle fut glorieuse sur les terrains de la Coupe du Monde mais les saintsde Sclessin ne lui laissèrent pas le temps de s’installer au paradis liégeois.

L’homme en a vu d’autres et son destin le mènera, tôt ou tard, vers d’autres défis. Avec, dans ses bagages, les cotes qui, de janvier à décembre, ont rythmé son 2002 à lui: du dix qu’on aime au zéro de conduite.

10/10: Ronaldo et Wilmots

Robert Waseige: « La Coupe du Monde a d’abord été un festival de belles émotions. Les grands observateurs internationaux ont régulièrement souligné nos mérites au Japon, notre unité, la qualité du jeu belge. Lors d’un entretien accordé à son ami Leonardo, à l’occasion de l’inauguration de Sport+,Ronaldo a déclaré que la Belgique avait posé le plus de problèmes à son équipe. Selon lui, les Diables Rouges ont bloqué le trio offensif brésilien, ont été parfaits tactiquement et dangereux à la conclusion. Le Ballon d’Or a dit cela à un compatriote, pas pour faire plaisir à journalistebelge : c’était le vrai reflet de sa pensée. Ailleurs, de tels compliments auraient fait la Une de la presse. Chez nous, c’est passé inaperçu. Dommage que les Belges ne soient pas plus chauvins.

J’accorde aussi un 10 sur 10 à Marc Wilmots. Je ne dirai qu’une chose à son propos: il est l’exemple vivant de ce qu’est un honnête homme fort. Je suis persuadé que Marc Wilmots sera un bon sénateur. Louis Michel a eu une excellente idée en faisant appel à lui. Marc ira au bout de ses idées comme il l’a fait durant sa carrière sportive. Je n’oublie pas non plus le Trophée du Fair-Play que la Belgique a obtenu lors de cette Coupe du Monde: une magnifique récompense, elle aussi un peu snobée chez nous, qui montre que l’équipe a été aussi solide sportivement que mentalement, physiquement et tactiquement.

Enfin, et c’est le plus important: il y a ma famille. Sans elle, sans ma femme, mes enfants et mes petits-enfants, sans ce bloc, rien n’aurait été possible « .

9/10: Brésil-Belgique

« Rencontrer le Brésil lors d’une Coupe du Monde, c’est, je crois, le rêve de tous les footballeurs. Dans la cadre de la préparation de notre rendez-vous russe, j’avais évidemment misé sur la possibilité de mériter et de vivre ce bonheur. Mais j’ai évidemment fait la différence entre l’envie et la réalité du terrain afin de ne pas négliger l’immense obstacle qu’était la Russie.

La Belgique a négocié le défi en prouvant qu’elle avait des richesses sur tous les plans. Elle a impressionné. Tout le monde a retenu son calme et sa dignité quand Marc Wilmots a été privé d’un but valable. Malgré ce coup du sort, les Diables Rouges ont secoué le Brésil. La sentence est tombée sur un exploit personnel de Rivaldo. La Belgique a quitté la Coupe du Monde la tête haute, en laissant une trace positive ».

8/10: l’Union Belge, Gert Verheyen

« Les Diables Rouges ont été vertement critiquéspar une partie de la presse: incompréhensible car on a visé les hommes, pas la réalité des événements. Je n’ai pas été épargné par les chacals d’une certaine presse. Mais il faut croire qu’il y avait assez de viande sur la carcasse car ils ne sont pas arrivés au bout.

Pendant tout ce temps-là, j’ai pu compter sur le soutien de Michel D’Hooghe, le courage du président Jan Peeters qui est monté au feu tel un vrai patron (il a expliqué que la démocratie passait aussi par le droit de ne pas s’exprimer), la présence de Karel Vertongen. J’accorde aussi la cote de grande satisfaction à GertVerheyen. La définition des mérites de Marc Wilmots s’adresse aussi à lui. C’est tout simplement un homme intègre ».

7/10: un journaliste…

« A ce niveau, je retiens absolument le nom d’un journaliste du Soir: Jean-Louis Donnay. Au Japon, il a été le seul à assister à une conférence de presse du staff technique boycottée par ses confrères. Les joueurs avaient décidé de bouder la presse. Je n’étais pas intervenu dans leur décision.

Ce furent des moments folkloriques, quasiment hilarants avec des caméras qui se glissaient partout pour fixer cette conférence de presse avec… un seul journaliste. Jean-Louis Donnay a été le seul à braver la presse à sensation.Son courage est toujours présent sur ma rétine comme ces moments quand même assez fous, surréalistes à la belge »…

6/10: Tchéquie-Belgique

« Sur la route du Mondial, il y a évidemment eu les deux duels de barrage face à la Tchéquie. Pas rien car l’équipe nationale de Jan Koller représente quelque chose de très fort dans le paysage européen. Les Diables Rouges ont signé deux matches parfaits et mérité, sans discussion, de prendre part à la Coupe du Monde.

En Tchéquie, ce fut fort et je compare le souvenir de ce match aux joies de Hollande-Belgique (5-5: on avait regardé l’adversaire dans les yeux et il nous a félicité, ce que les Néerlandais ne font pas souvent), au 2-2 d’Ecosse-Belgique, à la victoire en match amical en Italie, au succès en France avant de nous envoler pour la Coupe du Monde. Beaucoup de grands moments, donc ».

5/10: le retour au Standard

« Soyons clairs, je ne regrette pas d’avoir pris la décision de quitter les Diables Rouges. Je l’ai déjà dit: j’avais fait le tour de l’équipe nationale. Je revenais dans ma ville avec un défi difficile mais très intéressant. On ne m’a pas permis de jouir longtemps de ce bonheur et de tout ce que cela avait provoqué à Liège. Je n’oublierai pas l’accueil du public et nous devions vivre beaucoup plus ensemble. Mais je ne pouvais pas deviner ce qui m’attendait en optant pour le Standard. Quand j’ai pris cette décision, ce fut donc un bon moment même si je le cote sèchement ».

4/10: quelques joueurs que je ne citerai pas…

« Après la Coupe du Monde, quelques joueurs ont boudé, me semble-t-il, l’honneur d’avoir participé à cette fête du football. Tout le monde n’a pas joué, c’était impossible, mais n’était-ce déjà pas fabuleux de faire partie des 22et d’avoir la joie, au cours de sa carrière, de vivre cela? Comment peut-on faire la fine bouche en vivant un tel bonheur? Ils se reconnaîtront. L’âme du footballeur est parfois compliquée à comprendre.

Je suis triste en constatant que l’ingratitude est un des défauts majeurs dans la famille du football. La reconnaissance, c’est rare. Or, il suffit parfois de pas grand-chose: un sourire franc suffit comme récompense. Ailleurs, au Standard, AliLukunku a dit à Canal + et répété à la presse écrite que les joueurs devraient s’excuser auprès de Robert Waseige pour leurs manquements du début de saison. J’ai apprécié ce courage, cet esprit d’autocritique positive: cela tranche par rapport à d’autres ».

3/10: la tournure de Tunisie-Belgique

« J’avais dit, et je le maintiens, qu’ouvrir le bal face au pays organisateur de la Coupe du Monde, le Japon, n’était pas une mince affaire. Le problème fut ensuite de se retrouver face à une Tunisie qui organisa bien sa défense et misa sur une ligne médiane de très bonne valeur technique. L’histoire a déjà servi le plat et retrouvera sans cesse la recette: la Belgique souffre toujours quand elle doit résoudre ce genre de problèmes face à des outsiders par rapport à elle.

Je m’attendais à mieux et la tournure prise par cette rencontre aura finalement constitué une des mes rares déceptions par rapport à l’équipe nationale. Ce n’était, malgré tout, pas une raison pour nous ensevelir sous les critiques après cette rencontre. Certains en ont déduit que tout était perdu alors que tout restait à gagner. Et le sport a finalement été le vainqueur ».

2/10: mon excès de confiance

 » En prenant ma décision d’opter pour le Standard, j’ai commis l’erreur, pour la première et la dernière fois de ma carrière, de ne pas faire personnellement une analyse du groupe. J’avais occasionnellement suivi le Standard via mon travail de scouting en tant que sélectionneur fédéral. Un entraîneur est un leader,un meneur d’hommes qui gère un groupe, mais je ne suis pas l’inspecteur Columbo.

Lui, il mène des enquêtes pour résoudre des énigmes ultra compliquées. J’ai écouté des amis, je leur ai dit oui sans réfléchir et cet excès de confiance m’a finalement coûté cher. C’est la vie mais j’avais envie de revenir au Standard. Je n’ai jamais fait de plan de carrière. On me dit que j’aurais pu rester tranquillement à la tête des Diables Rouges. Oui, c’est sûr, mais c’est cela faire des plans, calculer, etc. Mon coeur a parlé ».

1/10: le départ du Standard

« Pour moi, cela reste un gag. Une conclusion absurde. Il y a eu des tas de scénarios pour expliquer une fin de collaboration aussi rapide. Je ne veux rien savoir et j’ai vite mis tout cela, qui n’avait ni queue ni tête, dans le rétro. Le Standard revenait de loin et le but était de lui rendre une âme ardente. La baisse de régime avait commencé plus de six mois avant que je n’arrive. Il convenait de beaucoup parler aux joueurs. Je savais que la roue finirait par tourner.

La malchance, un penalty raté, des buts manqués et un programme assez rude ont compliqué le réveil. C’était une affaire de temps et de patience. Il a suffi de quatre matches: j’étais condamné. On a mis un terme à mon travail au Standard après la… cinquième journée de championnat. Ridicule, vraiment. La campagne de préparation, avait été prometteuse: le déclic a hélas tardé en championnat.Une lourde fatigue mentale et physique m’a assailli après mon départ du Standard: crevé, vidé. Je n’avais plus pris de vraies vacances depuis trois ou quatre ans. Mais j’ai vite remonté la pente: je suis d’attaque ».

0/10: une certaine presse

« La façon dont j’ai annoncé mon départ de l’équipe nationale était logique. J’ai pris ma décision la veille du départ pour le Japon. Le Standard est alors venu à la maison. J’ai prévenu Jan Peeters et Karel Vertongen, et un communiqué a été préparé et diffusé au moment où nous prenions l’autocar pour Paris et l’Asie. Je tenais à annoncer moi-même aux joueurs la décision que j’avais prise. Je l’ai fait dans le bus. A l’aéroport Charles de Gaulle, j’ai été agressé par une certaine presse qui voulait de la sensation, de la fausse émotion, du sang.

C’était indigne, honteux, mais le public belge a bien compris la valeur de notre Coupe du Monde. L’accueil qu’il nous a réservé à notre retour à Bruxelles prouve qu’il n’était pas dupe. Zéro pointé, oui zéro pointé, rien de plus ».

Pierre Bilic

« L’ingratitude est un des défauts majeurs dans la famille du football »

« Au Standard, j’ai écouté des amis, je leur ai dit oui sans réfléchir »

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