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Encore un petit Poucet en D1, un de plus, qui irrite déjà pas mal de clubs. Trop loin, trop petit ?

Des esprits chagrins du nord de pays trouvent déjà Eupen trop loin et parlent avec effroi de… quatre heures de bus ! Mais les Eupenois sont habitués : depuis cette saison, et leur organisation àl’italienne, ils partent la veille de leurs matches et vont en mise au vert. IvanDeWitte, le président de la Ligue pro (et de La Gantoise), avait aussi émis des craintes en cours de saison. L’exemple de Tubize, mal vécu par les grands, est encore dans toutes les mémoires…

 » Je sais qu’on n’est pas nécessairement accueillis à bras ouverts par tous les membres de la Ligue pro « , reconnaît ManfredTheissen, le directeur général d’Eupen.  » Les grands, ce qu’ils veulent, c’est jouer entre eux. Des play-offs I avec Anderlecht, le Standard, Bruges, Gand, Genk et éventuellement un seul invité surprise, mais pas trois comme cette saison. Moi, je pars du principe que c’est la confrontation entre les grands et les petits qui fait la beauté du sport. Anderlecht ne doit pas oublier que, l’an passé, ce n’est pas lors des test-matches contre le Standard qu’il a perdu le titre, mais à Tubize lors de l’avant-dernière journée, lorsqu’il avait été incapable de s’imposer !  »

Theissen, ancien commissaire de police en congé sans solde, n’est pas vexé lorsqu’on qualifie Eupen de petit Poucet :  » J’envie mon ami AlainLommers lorsqu’il m’explique qu’à Mons, il dispose de 16 employés à temps plein. Ici, je dispose d’une secrétaire à mi-temps et de… moi-même. Mais cette étiquette nous a peut-être servi : on ne nous a peut-être pas pris au sérieux dès le début.  »

Et maintenant, que faut-il faire ?

Theissen :  » Il y a trois aspects : le sportif, les structures et les infrastructures. Des trois, c’est le sportif qui m’effraie le moins. Je nous crois en mesure de bâtir une équipe qui tiendra la route. Beaucoup de nos joueurs sont actuellement cités à gauche et à droite. Une montée les incitera peut-être à rester, pour tenter l’aventure de la D1 dans un environnement familier. Et, s’ils s’en vont malgré tout, nos partenaires italiens ont suffisamment de relations pour attirer d’autres bons joueurs, qu’ils proviennent de la Botte ou… de Belgique. Ce devrait même être plus facile en D1 qu’en D2. En ce qui concerne les structures, il faudra évidemment étoffer et revoir une bonne partie de l’organigramme. Enfin, le stade du Kehrweg ne répond forcément pas aux normes avec ses 4.250 places (dont seulement 1.000 assises). Pour la D1, un minimum de 8.000 places est requis, dont 5.000 assises. On dispose d’un délai jusqu’au 15 octobre pour y parvenir. Les plans sont prêts. La tribune debout serait transformée en une tribune assise de 4.000 places. Ajoutées aux 1.000 déjà disponibles, on serait aux normes. Il faudra aussi renforcer l’éclairage. Les propriétaires du stade, à savoir la Ville d’Eupen et la Communauté germanophone, ont promis de nous aider. Et si on n’est pas prêts dans les délais, on pourrait trouver refuge ailleurs en certaines occasions. Pourquoi pas à Sclessin ? »

Eupen n’attirera pas un public de masse dans un premier temps. Dans cette Communauté germanophone de 75.000 habitants (pour 18.000 à Eupen), les amateurs du football sont d’abord attirés par la Bundesliga. C’est aussi une manière de retrouver leurs racines, puisqu’il y a un siècle, cette partie du pays était allemande. Et puis, Cologne et Mönchengladbach ne sont jamais qu’à une heure de route. Peut-on leur reprocher de préférer un Cologne-Dortmund ou un Mönchengladbach-Bayern qu’un Eupen-Waasland ?

 » Mais en D1, cela peut changer « , estime Theissen.  » Eupen-Anderlecht, Eupen-Standard et Eupen-Bruges feront le plein : 7 ou 8.000 spectateurs. Le Cercle, ou des équipes de ce calibre, en attirera 4.000. J’ai sursauté en entendant, récemment, le leader du Parti Populaire MischaëlModrikamen déclarer qu’il voulait rendre la Belgique trilingue : français, néerlandais et… anglais ! Ignore-t-il qu’il y a déjà une troisième langue en Belgique ? »

 » La D2 n’est pas viable « 

Eupen, fondé en 1945, s’est longtemps calfeutré dans les divisions inférieures. Il avait déjà participé au tour final il y a sept ans.  » Avec Zulte Waregem, Dender et Heusden-Zolder « , se souvient Theissen.  » On avait bien débuté, mais on a faibli progressivement, peut-être parce que nos joueurs étaient encore amateurs et n’étaient pas habitués au rythme de deux matches par semaines.  » C’est la grande différence avec l’équipe actuelle : les joueurs sont pros.  » L’été passé, on s’est même payé un stage de trois semaines en Italie, très inhabituel pour un club belge. Mais cela s’est très bien passé : aucune friction entre les joueurs. Je crois que c’est là qu’on a jeté les bases de la saison actuelle. « 

Eupen a d’ailleurs été en tête durant le premier tour de la saison, avant de subir un creux en février-mars. Theissen :  » Au cours d’une longue saison, chaque équipe connaît un creux. Nous avons des joueurs jeunes qui avaient peut-être besoin de souffler. Les conditions climatiques ont aussi joué en notre défaveur. L’hiver a été rude dans les cantons de l’Est : parfois 30 à 40 centimètres de neige. On a souvent dû s’entraîner en salle. Mais Eupen a retrouvé le bon rythme, juste à temps. Le mérite de DannyOst (qui n’a pas encore sa licence pro), c’est d’avoir su trouver l’alchimie, mais aussi d’avoir su gérer un groupe de 25 ou 26 joueurs, ce qui n’est pas évident. Et encore moins en D2, où l’on ne peut inscrire que quatre remplaçants sur la feuille de match. Certains titulaires potentiels ont donc dû régulièrement prendre place dans la tribune.  »

L’avènement d’Eupen trouve son origine en octobre 2008, lorsque le club s’est retrouvé à la croisée des chemins.  » La D2 est difficilement viable « , poursuit Theissen.  » Actuellement, beaucoup de clubs ont le couteau sur la gorge. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’on agonisait, mais on était obligés de se serrer la ceinture. On s’est posé la question : soit on poursuit sur le même mode, avec le risque très grand de redescendre en D3, soit on trouve des partenaires. Ce dernier cas de figure s’est présenté. C’est le hasard qui a fait qu’on est tombés sur des Italiens, plutôt que sur des… Allemands, ce qui aurait été plus logique vu notre situation géographique. On est entré en contact avec DavidLasaracina, qui nous a présenté à AntoninoImborgia, qui cherchait un club en Belgique où il pouvait aguerrir des joueurs un peu trop courts pour la Serie A italienne, où la plupart des clubs ont 30 ou 40 professionnels sous contrat. De préférence en D2. Comme il ne comprend pas le néerlandais, il s’est d’abord intéressé aux clubs francophones, et a fait à peu près le tour des clubs wallons de D2 avant de tomber sur Eupen. Notre projet lui plaisait. Tout comme notre positionnement à la frontière de l’Allemagne mais aussi des Pays-Bas. Au départ, il y avait les Italiens et nous. Depuis le 1er juillet 2009, on ne forme plus qu’un. On travaille main dans la main. Je sais que ce genre de collaboration n’est pas sans danger. Il faut s’assurer qu’il y aura encore une vie pour le club après le départ des partenaires. Mais on y travaille. « l

par daniel devos – photos: reporters/ gouverneur

En 2008, on avait deux solutions : soit on se laissait descendre en D3, soit on cherchait des partenaires. (Manfred Theissen)

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