WHISKY RIFIFI INTRIGUES bosses émotions à gogo…

Les Rouches s’apprêtent à relever leur 197e défi sur la scène continentale : drames et triomphes y animent un parcours entamé en 1958.

« Je m’appelle Roger Claessen, et j’ai failli être un grand joueur « , a déclaré un jour le plus illustre numéro 9 de l’histoire du Standard. Immortalisé sur une des colonnes de la tribune principale de Sclessin, ce baroudeur des années 60 y a le sourire confiant de celui qui ne craint pas la visite de Séville, Feyenoord et Rijeka. L’Europe a été la fusée de lancement du Standard. En 1958, alors que Bruxelles fête son Exposition universelle, les Liégeois décrochent le titre et le premier triomphe d’un club belge en CE1. La province prend sa revanche sur la capitale. Des débuts européens aux rendez-vous de 2014, voici pêle-mêle une brochettes d’émotions diverses en  » rouche  » vif.

Born to be wild

Saison 1961-62, 11e match européendu Standard contre les Glasgow Rangers. Les historiens estiment souvent que le mythe Standard est né le 3 septembre 1958 quand les Liégeois s’offrent le scalp des Ecossais de Heart of Midlothian pour ses débuts en CE1 : 5-1. Ce résultat fait sensation et est suivi par d’autres succès, comme au Sporting Portugal (2-3) ou deux matches extraordinaires contre le prestigieux Stade de Reims (2-0 à Liège, 3-0 au Parc des Princes de Paris envahi par des milliers de supporters belges chantant la Brabançonne).

Pourtant, c’est le 7 février 1962 que tout bascule définitivement dans un stade ivre du bonheur de ses 35.891 spectateurs qui font plus de bruit que toutes les usines de la région. Il y a même du monde sur le toit des tribunes. Adversaires des Liégeois en match aller des quarts de finale de la CE1, les Glasgow Rangers sont babas devant ce public chaud boulette. Léon Semmeling, acteur en vue de ce match, est toujours ému quand il évoque ce match de légende :  » Ce 4-1, c’est la vraie naissance de la légende européenne des Rouches, du mythe Standard. Une rencontre pareille serait impensable aujourd’hui. A chaque coup de coin que je tirais, et il y en a eu pas mal, je devais repousser les gens qui avaient pris place sur la ligne de touche.  »

 » J’ai souvent dit : -s‘il vous plait, monsieur, reculez encore un peu, autrement, je ne pourrai pas shooter ! Les supporters s’exécutaient et le match continuait. Plus j’y repense, plus j’ai du mal à y croire, et pourtant, cela s’est bien passé comme ça. II est vrai qu’aucun incident n’entachait les rencontres à cette époque. L’arbitre espagnol Caballero avait pris ses responsabilités et les événements lui ont donné raison puisque tout s’est finalement bien passé. Surtout pour nous, Johnny Crossan en tête, et une légende : Claesssen.  »

Trahison à Milan

Saison 1967-68, 37e choc européen, test match contre l’AC Milan après le 1-1 à Liège et en Lombardie. La belle de ce quart de finale de la CE2 a lieu le 20 mars 1968 à San Siro : 2-0. Le choix du stade, par tirage au sort, sans témoins des médias, fait hurler certains joueurs de Michel Pavic :  » C’est honteux, le tirage au sort a été truqué ! Les papiers portaient uniquement le nom de San Siro.  » Claessen crie à la trahison. Semmeling tempère la colère de ses équipiers. Roger Petit se mure dans le silence. Mais il sait que 80.000 spectateurs garniront San Siro : une belle recette partagée…

Rififi à Madrid

Saison 1969-70, 43e match européen du Standard qui se rend au Real Madrid après le 1-0 à Sclessin. René Hauss a un plan pour ce huitième de finale de la CE1 et écarte sa star, Milan Galic, qui prend place sur le banc. Galic encaisse mal la décision, se referme sur lui-même car cet attaquant de grande classe internationale formé au Partizan de Belgrade, sait que la rencontre serait suivie par les médias yougoslaves. Pour lui, qui avait été cité au Real avant de signer à Sclessin, cela constitue un affront. Sa brouille avec Hauss a été tenace. Galic nous a affirmé un jour à Belgrade :  » Je ne comprenais pas cette décision. Quand je suis monté au jeu à la place d’Erwin Kostedde à la 64e minute, j’ai tout de suite hérité d’un bon ballon, de contre venant des pieds de Sylvestre Takac qui me connaissait comme sa poche. Je l’ai propulsé dans les filets du Real : but, victoire 2-3, qualification du Standard dans le plus beau stade du monde. Une soirée noire s’était muée en plus beau souvenir sportif de ma carrière. J’ai connu de très grandes heures de gloire, mais ce succès-là me tient beaucoup à coeur. Gagner de la sorte au Real a secoué l’Europe et notre équipe. Quand je suis arrivé, le Standard a disputé une demi-finale de Coupe d’Europe contre le grand Bayern Munich de Sepp Maier, Franz Beckenbauer, Gerd Müller, etc. Ce n’était pas mal en soi, mais on n’élimine pas tous les soirs le Real Madrid. Le Standard venait de passer un cap important avec l’apport de joueurs de classe comme Wilfried Van Moer, Henri Depireux, Kostedde, etc.  » Galic estimait Hauss mais les deux hommes ne se parlèrent plus beaucoup. Pourtant, c’est en risquant le rififi que Hauss a jeté les bases de ce 2-3 au Real.

Le bras de fer

Saison 1980-81, 82e match européen du Standard, seizièmes de finale de la CE3 à Kaiserslautern. Ce 22 octobre 1980, Michel Renquin défie le maître absolu de Sclessin : Roger Petit que tout le monde redoute. L’Ardennais adore les grandes soirées européennes mais décide de ne pas prendre part au match aller en Allemagne. La lune de miel entre le Standard et son arrière gauche n’est plus qu’un souvenir depuis que le finaliste de l’Euro 80 (Allemagne – Belgique : 2-1), pisté par de grands clubs étrangers, sait que son salaire n’est pas comparable à celui des cadors de son club. Comme le secrétaire général ne veut rien entendre, Renquin refuse de poser pour la photo officielle du début de saison. Plus tard, il invente une blessure au genou à Kaiserslautern. Petit n’est pas dupe : c’est une partie de poker européen, du jamais vu. Ernst Happel, le coach autrichien confie la place de l’Ardennais au tout jeune Tony Englebert.

La version de Renquin n’a jamais changé :  » Je n’ai pas cédé à toutes les menaces : pas question d’entamer la rencontre mais j’ai accepté de prendre place sur le banc des réservistes. Englebert hérita d’une carte jaune et, craignant du rouge dans la foulée, Happel expédia notre délégué Henri Marko dans la tribune d’honneur, où Petit avait pris place, afin de trouver une solution. Moi, je ne me sentais  » pas assez bien  » pour monter au jeu à la place de Tony. Petit était pris au piège et il me promit que je pourrais quitter le Standard pour 370.000 euros en fin de saison si je remplaçais Englebert. J’avais sa parole, mon genou ne me faisait soudain plus mal. J’ai joué, nous avons gagné : 1-2 « .

La légende raconte que Renquin a glissé le petit mot de Petit (avec le montant du transfert !) dans une de ses chaussettes avant d’entrer au jeu à Kaiserslautern. Petit est tombé sur plus fort que lui ce soir-là. Sur cette lancée Renquin est exclu le 18 mars 1981 à Cologne (quarts de finale de la CE3) suite au salut hitlérien adressé à l’arbitre.

 » Une bourde. Il ne cessait pas de me parler en… allemand et nous a défavorisé tout au long de la rencontre. Mon père passa cinq ans dans les camps de concentration nazis. I1 ne jurait que par la liberté. En fin de match, alors que la foule hurlait, j’ai pensé à ses souffrances. Le salut hitlérien après mon exclusion me coûta une suspension de six matches européens.  » L’Europe a joué un énorme rôle dans sa carrière. Le Standard a gagné à Kaiserlautern, Renquin, lui, y a célébré deux succès..

Rendez-vous au Barça

Saison 1981-82, 96e match européen du Standard, finale de la CE2 contre le Barça au Camp Nou. Les Liégeois possèdent une de leurs meilleures équipes de tous les temps. Elle a balayé Floriana de Malte, Vasas Budapest, Porto et le Dinamo Tbilissi. Mais le Barça, soutenu par l’arbitrage partisan de l’Allemand WalterEschweiler, c’est autre chose. Guy Vandermissen a toujours déclaré :  » Raymond Goethals répétait que nous n’avions pas l’ombre d’une chance en Catalogne La direction était contente d’être là. Il y avait 120.000 spectateurs avec un tiers de la recette pour Roger Petit. J’ai pourtant ouvert la marque dès la 8e minute de jeu, suite à une phase de jeu orchestrée par Arie Haan et BennyWendt. L »explosion a été totale quand Barcelone a égalisé par Alan Simonsen. Nous n’avons pas été ridicules et à la 63e minute, l’arbitre accorda un coup franc que Quini botta très vite, avant que le mur liégeois ne soit formé. Personne n’entendit le coup de sifflet d’Eschweiler, Quini non plus mais il fit 2-1, score final.  »

Tapie est là

Saison1986-87, 112e match européen du Standard, retour des 32èmes de finale de le CE3 contre le FC Swarovki Tirol après le 2-1 de la première manche. Cité comme éventuel investisseur ou repreneur, Bernard Tapie, au top de sa gloire, est accueilli comme un héros par Sclessin. Le stade explose et le Standard bouscule les Autrichiens de la première à la dernière minute mais ratent de nombreuses occasions : 3-2 score final après avoir été menés 0-2. Un drame qui annonce une longue traversée du désert.

Bölöni défie Benitez

Saison 2008-09, 146e match européen du Standard qui affronte Liverpool au troisième tour qualificatif de la Ligue des Champions. Après le 0-0 de Sclessin, tout se joue à Anfield Road. Les Rouches chez les Reds. Laszlo Bölöni insuffle un moral d’acier et organise son équipe dans un 4-5-1 variable qui pose mille problèmes à Liverpool. Le Roumain n’a pas froid aux yeux, n’hésite pas à se disputer avec Rafael Benitez, vocifère :  » Les Anglais évoquent le fair-play seulement quand cela les arrange.  »

Bölöni veut gagner à Liverpool point final. Milan Jovanovic :  » C’était fort, très fort comme émotion. Liverpool a émergé au bout des prolongations, 1-0, mais on a prouvé que cet effectif avait du coffre.  » Le Standard de LucienD’Onofrio se paye ensuite le scalp d’Everton en Europa League. Les talents de cette génération ne tardent pas à être pistés et recrutés par de grands clubs étrangers.

Tout dans la tête

Saison 2009-10, 160e match européen du Standard qui reçoit AZ Alkmaar en poule H de la Ligue des Champions. A la 94e minute, c’est 0-1 pour les Néerlandais et si le score ne change pas, le Standard sera quatrième de sa poule et son aventure européenne se terminera ce 9 décembre 2009. Dernier coup franc pour le Standard, le gardien Sinan Bolat monte dans le grand rectangle néerlandais. BenjaminNicaise expédie un ballon parfait que Bolat propulse de la tête dans la cage de son collègue adverse.

C’est du jamais vu à Sclessin. Tout se mélange, le bruit, les émotions, les larmes, la peur, le bonheur, un moment unique de l’histoire du Standard, troisième de son groupe, qui se qualifie pour l’Europa League. Bolat sauve son club et la tête de son coach Le gardien est très humble après cet exploit et Bölöni précise sur le ton de la plaisanterie :  » Nous avons préparé cette phase de jeu à l’entraînement. Et, trois jours après la Saint-Nicolas, Sinan a gardé un beau cadeau pour nous.  »

Pas au Zénith

Saison 2014-15, 196e match européen du Standard, après le 0-1 de l’aller, les Liégeois trop courts, pas prêts collectivement à cause des nombreux départs et arrivées de joueurs, sombrent au Zenit Saint-Pétersbourg (3-0) et ne se qualifie pas pour les poules de la Ligue des Champions. La suite passe par l’Europa League. Guy Luzon a une revanche à prendre Le Standard a connu des revers européens : 0-7 contre Arsenal, 1-7 face à l’Athletic Bilbao. Mais aucun autre coach n’a abordé les rendez-vous européens avec le manque d’ambition de Luzon la saison passée. Sa tournante dégoûta même des stars qui entendaient se montrer avec la meilleure équipe possible sur les scènes européennes, pas cirer le banc. C’est aussi pour cela que des piliers sont partis. Le public n’admettra plus que les joueurs et le staff ne respectent pas l’héritage des 196 matches européens (216 si on tient compte de la Coupe Intertoto) du Standard. ?

PAR PIERRE BILIC – PHOTOS : BELGAIMAGE

 » A chaque coup de coin, je devais repousser les gens qui avaient pris place sur la ligne de touche.  » Léon Semmeling

Bernard Tapie, au top de sa gloire, est accueilli comme un héros par Sclessin.

 » Trois jours après la Saint-Nicolas, Sinan Bolat a gardé un beau cadeau pour nous.  » Laszlo Bölöni

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