© MATTHIAS STOCKMANS

 » WEMBLEY NOUS APPARTIENT « 

 » On ne peut pas nous prendre ça « , entendait-on avant le coup d’envoi de Tottenham-Gand. Récit d’une soirée historique.

L’histoire s’écrit en lettres capitales. 8.000 supporters ont accompagné La Gantoise à Londres. Celle-ci devait défendre son avantage d’un but en seizièmes de finale d’Europa League dans le stade mythique de Wembley. Un moment unique, tout le monde était d’accord, même Hein Vanhaezebrouck. L’exploit réalisé en Angleterre ajoute un point d’exclamation aux lettres.

Doris a privé certains Gantois de leur nirvana : la tempête a contraint certains ferries à rester au port. Le trafic ferroviaire a été perturbé aux alentours de Londres. Certains ne sont donc arrivés qu’à un quart d’heure du terme du match. Or, ce qu’ils ont raté les heures précédentes rappelait le délire collectif déclenché par le titre il y a deux ans.

RENDEZ-VOUS À STOCKHOLM

The Green Man Hotel et The Arch sont les deux points de rendez-vous officiels à Wembley. Au centre, l’impact des supporters gantois s’est limité à quelques cafés proches de la gare internationale de King’s Cross. Aux alentours de la station de métro du Wembley Stadium, les Gantois étaient très nombreux. Pour trouver l’hôtel, il suffisait de suivre la masse bleue et blanche. La boisson l’a désinhibée :  » Il ne faut pas attendre trop longtemps pour réserver son hôtel à Stockholm « , ou encore :  » Bloquez le 24 mai dans vos agendas !  » La finale se dispute à cette date dans la capitale suédoise.

La première halte, The Green Man, est chaotique, comme on pouvait s’y attendre. Il peut accueillir 3.000 personnes mais les Buffalos sont bien plus nombreux. En plus des 8.000 qui ont acheté leur ticket à La Gantoise, un millier en a obtenu via le site de Tottenham. Plus personne ne peut entrer au Green Man avant que d’autres en sortent. Mission impossible. Il n’y a pas beaucoup de pubs dans les environs de Wembley : les supermarchés locaux réalisent une fameuse recette. Même une Heineken tiède est la bienvenue. D’autres, mieux préparés, ont emmené leurs stocks. On chante et on fraternise en rue. Le gérant d’une librairie, le paysan, les représentants des medias… On dirait que tout Gand a émigré.

Au-delà, l’Arch, un bistrot typiquement anglais avec vue sur Wembley. Les pints commencent à faire leur oeuvre.  » Ien, twee, dra, vier : lo-lo-lo, lo-lo-lo-lo… Alléééé Gantoiseeeeee !  » et  » Come on blue-white !  » retentissent en canon des deux salles du pub. Ses exploitants rient et participent parfois à la fête, même s’il est difficile de danser en servant des bières.

VIVE NICO CLAESEN !

Les Buffalos forment un cortège à 18 heures, à deux heures du coup d’envoi (il y a une heure de décalage avec le continent) et mettent le cap sur Wembley, à un quart d’heure de marche. Sans susciter d’émoi. Les Gantois se forgent une excellente réputation en Europe. Le lendemain du match, la direction a reçu un courriel de félicitations de Tottenham.

A 19 heures, un quart du stade est rempli. Par les Belges. Un premier contingent s’est installé dans un angle, le deuxième au centre de l’anneau supérieur et le troisième est réparti dans des blocs dévolus aux fans des Spurs. Les stewards conseillent gentiment à ceux-ci de dissimuler leurs couleurs et de se maîtriser si Gand marque. Mais les supporters de Tottenham, qui prennent place quelques minutes avant le coup d’envoi, ne sont pas dangereux et les deux clubs entretiennent des relations amicales : Gand compte quelques fanclubs des Spurs et les deux clubs collaborent, pour le projet européen de football pour les seniors, entre autres. Une délégation de la fédération officielle des supporters gantois a été invitée à visiter un des projets sociaux de Tottenham.

Les fans des Spurs qui se sont rendus à Gand ont été impressionnés par la ville et le stade.  » Un des plus beaux que j’ai jamais vu « , dit un vieil homme derrière nous.  » Et une ambiance formidable.  » L’équipe les impressionne moins : 3-0 au terme d’une balade, c’est le pronostic avant que Manuel De Sousa ne donne le coup d’envoi.

La première demi-heure confirme le pronostic. Gand est balayé. A cause de Doris ou des nerfs ? Wembley, c’est quatre fois la Ghelamco Arena. L’exclusion de Dele Alli peu avant la mi-temps renverse le match. On parlera plus de ce tacle horrible que du résultat.

Au repos, un visage connu envahit les écrans géants : Nico Claesen ! L’ancien Diable Rouge s’est produit pour les Spurs de 1986 à 1988. Dans le tunnel des joueurs, il évoque ses souvenirs pendant que les supporters cherchent frénétiquement des bières. En vain : lors des joutes européennes, l’alcool est interdit dans les tribunes. On sert du café et du thé. À la 52e, il ne faut pas avoir bu pour chanter avec Luc De Vos et sa Mia. Depuis trois ans, c’est un must en mémoire du chanteur de Gorki, décédé à 52 ans.

L’AGENDA DE VOYAGE LA GANTOISE

La deuxième mi-temps est un véritable thriller, avec Jérémy Perbet dans le rôle du killer : 2-2 ! À dix minutes de la fin, les tribunes se vident. On réalise alors à quel point les supporters de Gand sont éparpillés dans le stade car ceux qui restent peuvent enfin exhiber leurs couleurs. Les Buffalos chantent et dansent encore vingt minutes après le coup de sifflet final et les joueurs se risquent à un plongeon devant eux.  » Wembley nous appartient.  »

La sérénité des Gantois à leur départ est stupéfiante. Est-ce dû à une abstinence de deux heures ? Ne saisissent-ils pas encore ce qui vient de se produire ou veulent-ils tout simplement prendre le dernier métro vers le centre ? Un peu de tout, sans doute. Les supporters adverses haussent les épaules. L’Europa League n’est qu’un trophée annexe pour eux : la Premier League et la Coupe sont plus importantes. Et, une fois de plus, Wembley, où ils vont jouer la saison prochaine en attendant leur nouveau stade, leur a porté malheur : ils n’ont gagné qu’un des sept matches joués ici durant cette campagne.

Enfin, les Buffalos applaudissent en apprenant la qualification d’Anderlecht et de Genk. Ils prennent même des photos des écrans affichant les résultats, avant de recommencer à rêver : Rome, Athènes, Manchester… Ils discutent de city-trips. Ce sera à Genk.

PAR MATTHIAS STOCKMANS À LONDRES – PHOTOS MATTHIAS STOCKMANS

On dirait que tout Gand a émigré à Londres

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