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Week-end entre deux chaises

Il est un peu plus de 20 heures ce samedi et alors que tout le monde se prépare pour sa sortie hebdomadaire, je reçois un simple message de mon père.  » Quel match ! « , balance-t-il sobrement, au cas où j’avais décidé de blasphémer et de faire autre chose de mon début de soirée que de poser les yeux sur Liverpool-Leeds, plat de résistance de la reprise du sacro-saint football anglais. Ce n’est qu’à moitié faux. Certes, mes yeux se fatiguent sur mon téléviseur, à suivre les courses incessantes des joueurs de Marcelo Bielsa, qui affrontent les Reds les yeux dans les yeux, et ont visiblement rappelé à mon paternel, supporter de l’OM, d’agréables souvenirs. Sauf qu’à l’heure du journal télévisé, c’est sur mon ordinateur que tombe mon regard. Fossilisé dans un canapé peu confortable depuis un nombre d’heures inavouable, la faute, notamment, au Tour de France, je me délecte d’un assist parfait de Xavier Mercier pour Kamal Sowah, qui ouvre le score pour OHL face au Standard. Si on m’avait averti, il y a quelques mois, de la possible existence de ce double écran, je n’y aurais pas cru. Je ne pensais prononcer cette phrase que le jour où j’aurais des enfants, mais c’est déjà une réalité : mes week-ends ont changé.

Trebel, c’est le genre de joueur sur lequel vous pouvez compter, quelque part entre talent et combat, besogne et vista.

Loin des yeux, près du coeur. Privé de stade mais pas de Wi-Fi, j’ai mangé, ou plutôt bu, de la Jupiler Pro League tout le week-end. Au fond, le seul Belge que je n’ai pas pu suivre est Wout Van Aert, qui m’a lâché, comme le reste du peloton, dans le col du Grand Colombier ce dimanche. Habitué à pouvoir suivre tranquillement mon championnat domestique d’adoption, j’ai été perturbé dans ma quiétude samedi, à l’heure du goûter. Pas du genre à me solliciter pour me parler d’un but de Jelle Vossen, amis et connaissances ont rivalisé d’imagination pour évoquer l’improbable loupé d’ Aster Vranckx face à Ostende. J’ai beau leur répondre que le gamin aura bien d’autres occasions de faire la Une des journaux de France, de Navarre et d’ailleurs, je suis presque content de constater qu’une image de Jupiler Pro League peut faire le tour du monde. Comme le disent les spécialistes du marketing, a bad buzz is still a buzz.

Plus habitué à avoir sa tête placardée sur les réseaux sociaux et autres sites internet, Vincent Kompany était, avec Tadej Pogacar, l’homme de mon début de dimanche. D’abord parce qu’il éveille la curiosité de mes compatriotes français, qui ne savent pas s’ils doivent voir en lui un  » autre Thierry Henry  » ou un futur top manager en devenir. Ensuite, car la réception du Cercle Bruges avait la gueule de la première victoire du Prince sur le banc des Mauves. Un 2-0 plus tard, je me suis rappelé à quel point Adrien Trebel, formé à Nantes avec l’un de mes meilleurs amis, Vincent Sasso, était un joueur formidable. Son histoire de la saison passée à beau être celle qu’elle a été, son départ du Standard aussi, celui dont les jeunes du centre de formation nantais aimaient taquiner les narines n’en demeure pas moins un taulier. Le genre de joueur sur lequel vous pouvez compter, quelque part entre talent et combat, besogne et vista.

D’ailleurs, je l’imaginais, peut-être pas autant, mais la castagne – bravo à Timothy pour son premier goal – allait rythmer ma soirée. 24 heures après son message, mon père débarquait chez moi pour un rituel familial douloureux depuis neuf ans. Ce soir, c’est PSG-OM et je vous le dis tout net : avant la rencontre, ça m’ennuyait pour vous que vous ne puissiez pas voir ce match par voie  » légale « . Après la rencontre, je me dis que si vous avez choisi Coutrai-Mouscron, je ne peux pas tellement vous en vouloir. Mais puisque vous me donnez quotidiennement une dose d’amour belge, je vous rends un peu de romantisme français : depuis qu’Opta analyse les matches de ma belle Ligue 1, il n’y a jamais eu autant de cartes distribuées lors d’une rencontre que lors du Classique de dimanche dernier. Au total, 17 biscottes brandies, dont cinq rouges, suite à une bagarre finale qui fera sans doute plus le tour du monde que le loupé d’Aster Vranckx. Mais il n’y a sincèrement pas de quoi être fier. Cela dit, pour la première fois depuis neuf ans, je vis une semaine dans la peau d’un vainqueur du Classique. Et j’ai les yeux rivés vers le Charleroi-Beerschot de ce vendredi soir. Il faut croire que mes semaines aussi, ont changé.

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