Vus de près

10 mai 2007/demi-finale de l’Euro -17 ans à Tournai/Belgique-Espagne 1-1/ Buts : Eden Hazard et Bojan Krkic. Les Belges d’alors témoignent.

Cela peut paraître incroyable aujourd’hui, mais il y a deux ans à peine, BojanKrkic jouait à Tournai une demi-finale, puis une finale du Championnat d’Europe des -17 ans. Dans les rangs espagnols, il y avait aussi IgnacioCamacho, qui a déjà goûté à la Liga avec l’Atletico Madrid. Et dans les rangs belges, il y avait un certain EdenHazard, alors âgé de 16 ans, et à qui le stade Luc Varenne réussit bien, puisque c’est là également qu’il a inscrit son tout premier but avec Lille, lors d’un match amical contre Bruges la saison dernière. A l’Euro -17, les Diablotins avaient partagé 1-1 en demi-finales avec la Selección de JuanSantisteban, et s’étaient inclinés aux tirs au but, face aux futurs vainqueurs ibériques. Les dix titulaires de l’époque comparent les deux stars du tournoi.

Jo Coppens, gardien, Cercle Bruges (ex-Genk)

Eden :  » C’est un joueur phénoménal. Chez les jeunes, il surclassait tout le monde de la tête et des épaules. Je me mesurais à lui à l’entraînement. Ses feintes et ses passements de jambes sont totalement imprévisibles. Notre force, en 2007, c’était le collectif plus Eden. On acceptait facilement qu’il accapare la vedette car c’est lui qui nous a permis d’atteindre la demi-finale.  »

Bojan :  » Par rapport à Eden, Bojan est plus attiré vers le but adverse. Il ne dribble pas autant, ses actions sont presque toujours verticales. Il était annoncé comme la grande vedette du tournoi 2007, avec l’Allemand ToniKroos qui jouait au Bayern Munich à l’époque mais est passé à Leverkusen depuis lors. Bojan n’a pas réellement ébloui l’assistance de sa classe, mais c’est tout de même lui qui a fait la différence. Il m’a planté un but en demi-finale. Lorsqu’on voit ce qu’il est devenu, c’est presque un honneur.  »

Dimitri Daeseleire, arrière droit, Genk

Eden :  » Comme j’étais le capitaine de l’équipe en 2007, l’entraîneur m’avait placé dans la même chambre qu’Eden pour que je veille un peu sur lui. BobBrowaeys savait qu’il était le joueur le plus important de l’équipe et il fallait donc qu’il soit en pleine possession de ses moyens. Il ne pouvait pas se coucher après 23 heures la veille d’un match, par exemple. Eden était un peu jouette mais restait à l’écoute des conseils qu’on lui prodiguait. Il donnait son avis aussi, mais sans avoir l’impression de ne vouloir en faire qu’à sa tête. Il dormait toujours à poings fermés. Cela ne m’étonne pas qu’il ait été l’un des seuls à ne pas être réveillé par le tremblement de terre en Bosnie, le mois passé : il est vacciné contre le stress.  »

Bojan :  » Pour essayer de le contenir, c’était une prise à deux perpétuelle. J’ai gardé une photo qui montre Bojan entouré par deux Diablotins, c’est exactement ce que l’entraîneur demandait. Le voir aujourd’hui en Ligue des Champions doit être une motivation pour tout un chacun : c’est la preuve que le chemin n’est pas aussi difficile que d’aucuns veulent bien le dire. Car on l’avait muselé relativement facilement.  »

Rudy Ngombo, arrière central, Standard

Eden :  » On a parfois fait chambre commune lors des tournois, notamment en début de saison avec les -19. On passait le temps comme tous les jeunes de notre âge : en jouant à la Playstation, en regardant le foot à la télé. On se chambrait un peu aussi, bien sûr. Eden m’interpellait en disant :- Et alors, grand dadais ? Je lui rétorquais : – Tais-toi, le nain !  »

Bojan :  » En tant que grand gabarit, ce n’est pas le type d’adversaire que j’apprécie le plus, mais je pense m’être bien débrouillé face à lui. Il fallait le serrer de près, l’empêcher de se retourner.  »

Maxim Geurden, arrière central, Genk

Eden :  » C’est un joueur incroyable : tellement rapide, tellement technique ! J’avais parfois l’impression que c’était un extra-terrestre. Je me doutais qu’un jour, il deviendrait Diable Rouge, mais je ne pensais pas que cela irait aussi vite.  »

Bojan :  » Je l’avais déjà affronté en -16, un an avant le Championnat d’Europe des -17. Lorsqu’on est monté sur le terrain pour la demi-finale, il s’est souvenu de moi et est venu me serrer la main. Cela m’a fait plaisir. De là à pouvoir lui demander des places pour un match de Barcelone en Ligue des Champions…  » ( Ilrit)

Niels Ringoot, arrière gauche, Anderlecht

Eden :  » Beaucoup de gens se demandent pourquoi il n’a pas atterri à Anderlecht. Je pense que le Sporting s’est intéressé à lui, mais qu’il a préféré le projet sportif et éducationnel que le LOSC lui a proposé. La formation qui est dispensée à Neerpede est très bonne, mais je dois admettre qu’au niveau des infrastructures et de la combinaison sport/études, Anderlecht accuse un retard par rapport à d’autres clubs européens.  »

Bojan :  » Comme j’étais un débutant à l’arrière gauche, ce n’était pas un cadeau de devoir l’affronter. Il a inscrit le but égalisateur en demi-finale, d’une frappe des 30 mètres alors que l’Espagne était réduite à dix. C’est lui qui nous a éliminés.  »

Sébastien Phiri, milieu de terrain, Gand (ex-Brussels)

Eden :  » Ce qui m’impressionne chez lui, c’est son audace. Ce mec est fou ! Il ose tout, il n’a peur de rien. Cette saison, lors du quart de finale de Coupe de France à Toulouse, il a tenté – et réussi – une Panenka. Pas lorsque le score était de 4-0, mais durant la séance de tirs au but décisive. Il n’en était pas à son coup d’essai. Avec les -19, en début de saison, il avait tiré deux penalties contre la Croatie. Le premier d’une façon normale, le second – déjà – d’une Panenka. Et il les a tous les deux réussis !  »

Bojan :  » Il était annoncé comme la grande vedette du tournoi en 2007. Mais, sur le terrain, Eden lui a volé la vedette. Le meilleur, c’était lui. C’est sûr, lorsqu’on voit que Bojan joue parfois aux côtés de LionelMessi, ThierryHenry et SamuelEto’o devant 90.000 spectateurs, cela donne à réfléchir. Mais à Tournai, il n’avait pas donné une très bonne image de lui-même. Le public l’avait un peu sifflé lorsqu’il avait égalisé en demi-finale et il avait répondu par l’un ou l’autre geste déplacé. Durant la séance des tirs au but, il nous a insultés. J’espérais mieux d’un joueur de son calibre.  »

Nill De Pauw, milieu de terrain, Lokeren

Eden :  » Je continue à suivre ses prestations, mais j’ai peu de contact avec lui. Je constate qu’il commence à percer à Lille, et dès lors, ses convocations chez les Diables Rouges n’ont été qu’une suite logique.  »

Bojan :  » Il joue par à-coups. Parfois, il demeure invisible pendant un bon bout de temps, puis sur une action d’éclat, il est capable de faire la différence. Quand je pense qu’il y a deux ans, j’étais avec lui sur le même terrain, et qu’aujourd’hui il joue la Ligue des Champions, cela fait rêver. Moi aussi, je rêve de la coupe d’Europe. Comme n’importe quel joueur. Mais il faut rester réaliste. Si un jour je la dispute, ce ne sera sans doute pas avec Lokeren.  » ( Ilrit)

Guillaume François, flanc droit, Mouscron

Eden :  » Sa classe était d’autant plus impressionnante qu’il avait un an de moins que tous les autres joueurs. Son toucher de balle est exceptionnel. Le geste qui me reste en mémoire, c’est le coup du sombrero qu’il a réalisé contre l’Angleterre au CE-17. On lui avait adressé le ballon alors qu’il avait un homme dans son dos. En une touche, il a fait monter le ballon par-dessus son opposant et est passé par l’autre côté. Génial !  »

Bojan :  » Je confirme : il n’a pas toujours été très sympa avec nous. Lorsqu’il a égalisé en demi-finale, il nous a nargués en utilisant l’expression que tout le monde connaît : Hijo de p… Cela se traduit par fils de péripatéticienne, je crois.  » ( Ilrit)

Kevin Kis, flanc gauche, Genk

Eden :  » Il a quelque chose en plus que les autres. A commencer par la vitesse d’exécution. Il est capable de changer le fil d’un match à lui tout seul. Cette saison, je retiens surtout un match de sa part : le huitième de finale de Coupe de France contre Lyon. Il a inscrit un but et délivré deux assists. Contre le septuple champion de France, s.v.p. Tout est dit.  »

Bojan :  » Eden avait déclaré, il y a deux ans, que Bojan n’était pas plus fort que lui. Certains avaient rigolé. Mais je pense qu’il avait raison. Aujourd’hui, il est en train de rattraper le petit Espagnol. Il devient décisif avec Lille alors que Bojan doit souvent cirer le banc. D’accord, c’est à Barcelone, la meilleure équipe d’Europe, mais tout de même. Bojan est devenu international en début de saison, Eden l’a suivi peu de temps après également.  »

Christian Benteke, centre-avant, Standard (ex-Genk)

Eden :  » On est resté en contact, on se téléphone encore régulièrement. Forcément, comme j’étais le n°9 et lui le n°10, on était condamné à s’entendre sur le terrain et cette complicité s’est poursuivie en dehors. J’ai inscrit de nombreux buts sur des services de sa part… même si parfois, il avait tendance à un peu trop garder le ballon. Son gros problème était qu’il ne défendait jamais. Il avait horreur de cela. Depuis lors, il a bien été obligé d’apprendre : son entraîneur, à Lille, tape continuellement sur le même clou.  »

Bojan :  » Le voir aujourd’hui en équipe Première du Barça doit être une motivation pour tous ceux qui l’ont affronté à l’époque. C’est la preuve qu’à force de travail, on peut arriver. Car, même si Bojan est très doué, il n’a que deux pieds. Et il doit bien avoir quelques défauts également… même si, je l’admets, j’ai du mal à en trouver.  »

par daniel devos

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