Vu de Varsovie

Que pense-t-on des Diables Rouges au pays de Jean-Paul II?

Un Belge se distingue sur les terres de la Pologne, en visite amicale durant les dernières heures d’avril à Bruxelles. Manager général de Slask Wroclaw après avoir exercé les mêmes responsabilités au Gornik Zabrze, Michel Thiry connaît le football polonais sur le bout des doigts. De Tilleur à la Hollande, cet ancien attaquant roula sa bosse en France, en Irlande et aux Etats-Unis avant de se fixer en Pologne, le pays de son épouse.

Pour lui, la Belgique et la Pologne doivent se redéfinir d’urgence sous peine de devenir, pour la nuit des temps, des vassaux des grandes puissances du ballon rond. « Il y a un manque d’argent évident dans les deux pays », affirme Michel Thiry. « En Pologne, il faut sans cesse tirer le diable par la queue. Mais je constate, à distance, qu’il en va de même dans un pays aussi développé économiquement que la Belgique. Les problèmes de Lommel ont franchi les frontières belges. Quand on constate qu’un club est à sec en pleine saison, joue un match, déclare forfait quand bon lui semble, cela fait tout de même sourire. Ce n’est pas sérieux. Pour le moment, la D1 belge n’est pas crédible à l’étranger. C’est peut-être un mal passager mais les dégâts sont palpables. La présence des clubs belges sur la scène internationale, surtout la Ligue des Champions, est fugitive. C’est le jour et la nuit par rapport aux années 70 et 80.

Ce recul est dû, en partie, au manque d’intérêt pour ce qui se passait dans les pays étrangers, principalement la France. Là, les clubs ont compris, avant tout le monde, que la formation était garante d’avenir. La Belgique n’a pas eu la volonté d’imiter tout de suite cet exemple. Marc Wilmots a conquis l’estime de tous via Schalke et une grande Coupe du Monde. En Pologne, j’ai bombé le torse en le suivant durant sa campagne asiatique. Maintenant, ici, on a l’impression que c’était un peu l’arbre qui cachait la forêt des problèmes belges. Au Japon, un grand collectif a permis ce beau parcours. Marc Wilmots affirme que la Belgique n’a jamais eu une levée aussi prometteuse que celle qui se trouve sous le commandement d’ Aimé Anthuenis. J’espère qu’il a raison mais cela reste à prouver. Thomas Buffel a encore du chemin à parcourir avant de devenir l’égal du dernier grand technicien belge: Enzo Scifo.Ce dernier était un créatif connu dans le monde entier, une griffe, un style, une marque de référence « .

Cap sur la jeunesse

Pour Michel Thiry, l’équipe nationale est désormais la dernière locomotive du football belge. « Aimé Anthuenis a une bonne cote à l’étranger « , affirme-t-il. « En Pologne, il est connu pour la qualité de son travail à Genk et à Anderlecht. Il n’a pas le choix et doit à tout prix rajeunir les cadres. C’est difficile et cela ne se fait pas sans casse. La Belgique passe généralement par cette étape quand elle est obligée de le faire comme ce fut le cas pour Guy Thys en 1984 et en 1986. A l’époque, cela lui avait permis de lancer Georges Grün et Enzo Scifo en équipe nationale et de vivre une grande campagne mexicaine. Aimé Anthuenis a opté aussi pour la jeunesse. A 20 ans, au plus tard, on sait si un joueur a le niveau suffisant ou pas. Le défi du sélectionneur des Diables n’est pas simple car c’est tout le football belge qui se cherche. Honnêtement, l’équipe nationale a épaté en Asie. Vu le recul des clubs, la mission des sélectionnés semble de plus en plus délicate. L’attente des gens est immense. Le moindre faux pas est une catastrophe car il ne reste que l’équipe nationale. Et le jour où les Diables Rouges rentreront dans le rang, ce que je ne souhaite pas, on parlera encore moins du football belge à l’étranger. Il en va de même pour la Pologne qui, d’après moi, s’est séparée trop vite de Zbigniew Boniek. Si quelqu’un peut rendre des services au football polonais, c’est bien lui. C’est un ambassadeur idéal, une vraie star, car il a des relations au plus haut niveau, dont Michel Platini avec qui il forma un duo offensif de rêve à la Juventus « .

Adam Godlewski, journaliste en vue du magazine Pilka Nozna, partage un peu le même point de vue que Michel Thiry. « Je crains un peu que la Belgique et la Pologne ne vivent la tête dans les souvenirs « , précise-t-il. « La Pologne a notamment vécu une grande Coupe du Monde en 1982. Cela ne date pas d’aujourd’hui. Il y a 25 ans, de petits clubs belges, comme Beveren, Winsterslag ou Waregem parvenaient à éliminer des géants en Coupe d’Europe. C’était le cas en Pologne aussi. Nous suivions la D1 belge. Les aventures d’ Alex Czerniatynski, fils d’émigrés d’origine polonaise, étaient connues chez nous. Maintenant, on ne reçoit plus d’image du championnat belge à la télévision: les grands pays et la Ligue des Champions ont attiré tous les regards vers eux. Les stars belges jouent à l’étranger. Si on connaît Emile Mpenza et DanielVan Buyten, c’est parce qu’on les voit à Schalke et à Marseille « .

Michal Karpinski suit le football pour la Gazetta Wroclawska: « Même si cela tourne un peu au ralenti pour le moment, la Belgique n’en compte pas moins de bons joueurs très sérieux. Je constate cependant que les meilleurs éléments de l’équipe nationale sont à l’apogée de leur carrière respective quand ils travaillent à l’étranger. Marc Wilmots n’a jamais été aussi bon qu’à Schalke 04. Il y a donné la pleine mesure de son talent. J’estime que Wesley Sonck est un excellent attaquant. Mais pour franchir d’autres paliers, il doit désormais partir au plus vite vers un bon club étranger. Il en va de même en Pologne: les meilleurs sont dans l’obligation, financière évidemment, mais surtout sportive, de quitter leur pays afin de progresser et de réaliser leurs ambitions « .

Pierre Bilic

« La D1 belge n’est pas crédible à l’étranger « 

« Sonck doit partir au plus vite vers un bon club étranger « 

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