Voyage d’étude

Les entraîneurs de la Pro Licence ont été les hôtes du Racing pendant deux jours.

Le car des entraîneurs belges arrive au complexe La Gaillette, où s’entraîne le RC Lens, champion de France en 1998 avec Daniel Leclerq. Un déplacement prévu dans le cadre des 240 heures de cours et de stages prévues pour l’obtention de la Pro Licence.

Il s’agit du plus haut niveau de qualification des entraîneurs octroyé par l’Union Belge (un diplôme reconnu par l’UEFA). Pour pouvoir participer à ces cours et présenter l’examen final, il faut d’abord satisfaire à un examen d’entrée basé sur quatre critères et obtenir un total de 70% des points.

Critères:

1. la carrière d’un joueur (calculée sur base de tableaux; exemple: un international A peut avoir 90% tandis qu’un joueur ayant évolué en Promotion ou en 1ère Provinciale n’en recevra que 30),

2. l’expérience en tant qu’entraîneur (même système d’évaluation),

3. la connaissance du football européen (test écrit et oral, les candidats visionnent une mi-temps d’un match de Ligue des Champions et répondent à des questions, notamment, sur l’occupation du terrain et l’animation défensive),

4. la communication et la compréhension de la deuxième langue du pays et de l’anglais (les candidats écoutent trois interviews d’une dizaine de minutes – une dans chaque langue – et doivent les résumer).

Aujourd’hui, le voyage d’étude s’arrête à Lens, une ville de 32.000 âmes qui se réjouit d’attirer plus de spectateurs qu’elle n’a d’habitants. Evidemment, de Lens à Paris au Sud et de Sedan à Metz à l’Est, il n’y a plus de grand club. Même des Belges sont attirés par l’ambiance du stade Bollaert.

Le complexe a coûté 14 millions d’euros et est en service depuis novembre 2002. Philippe Saint-Jean, entraîneur de Tubize (D3), a effectué son stage à Lille. « Là, on trouve ceci trop chic. Je suis aussi allé à Auxerre mais Lens doit avoir le plus beau centre de formation de France ».

Six terrains

La Gaillette est impressionnante. Six terrains, dont trois synthétiques, qui ont tous la même superficie que la pelouse du stade. Il y a aussi un terrain de 42 mètres sur 42, entourée d’un boarding. On peut s’y exercer à quatre contre quatre ou cinq contre cinq. La salle fait 18 mètres de hauteur, pour permettre au gardien de dégager. La superficie du terrain représente les trois quarts d’une pelouse normale. Lorenzo Staelens constate que, contrairement à Mouscron, les murs sont écartés des lignes de touche. La délégation du Standard examine la surface, mélange de pelouse artificielle et de caoutchouc. Michel Preud’homme, le directeur technique, planche actuellement sur un nouveau complexe d’entraînement à Ans. L’Académie Robert Louis-Dreyfus dit être prête dans les trois ans. « Ce sera moins chic qu’ici », commente Preud’homme.

Tous les terrains lensois portent un nom: Wembley, Camp Nou, San Siro, Old Trafford, Santiago Bernabeu et Maracana. Ce dernier est particulier: sa surface est deux fois et demie celle d’un terrain de football, sans ligne ni but. Quand Joël Muller, entraîneur en chef de Lens depuis un an et demi après de nombreuses saisons à Metz, veut utiliser ce terrain, il fait tracer les lignes comme il le souhaite.

Patrice Bergues reçoit les Belges dans un hall où un gros bloc de charbon rappelle d’où vient la région. Bergues, ancien entraîneur, a secondé Gérard Houllier à Liverpool. Il est maintenant directeur du département technique de Lens. Le bâtiment est la perle du complexe. On y trouve l’administration, le staff, des salles de fitness, une piscine, un sauna, des vestiaires, une grande salle TV et des chambres pour loger les joueurs. C’est ici que s’installe la délégation belge, à deux par chambre. Preud’homme avec Dominique D’Onofrio, René Verheyen avec Hans Galjé, Willy Wellens avec Franky Van der Elst, ou encore Emilio Ferrera avec Marc Grosjean, HenkHouwaart avec Jan Ceulemans. Stéphane Demol est seul: il dort mal et ronfle.

Guy Thys est là. Il garde de bons souvenirs de Lens. Pendant l’EURO 1984, sous sa direction, la Belgique y a battu la Yougoslavie 2-0. Thys supervise la formation. Il fait partie du conseil des sages, avec RobertGoethals et Raymond Goethals, qui est absent.

Cette saison, les entraîneurs belges visitent trois clubs étrangers. Ils se sont rendus à la Juventus, par l’entremise de Preud’homme et de son patron, Luciano D’Onofrio. L’amitié qui unit Frans Masson, le responsable de la formation, à Bergues, a permis cette visite à Lens et bientôt, grâce à Laszlo Boloni, l’entraîneur roumain du Sporting Lisbonne, le groupe se rendra au Portugal.

Emilio Ferrera estime ces visites instructives mais relève: « Ces clubs sont beaucoup plus riches que nous. On ne peut réaliser ça en Belgique ». Hans Galjé compare le budget que consacre Lens à la formation aux deux joueurs du cru seulement qui sont dans le noyau A. A Bruges, avec un budget quatre fois inférieur, il y a plus d’éléments locaux dans le noyau. L’argent n’est pas garant de succès.

Le modèle de la vitesse

Cette visite doit permettre d’analyser le modèle français. Les centres de formation ont poussé comme des champignons à la fin des années ’70. Nantes et Auxerre ont récolté beaucoup de succès. Lens y voit aussi son avenir. Patrice Bergues : « Il y a deux tendances. Les grands clubs cherchent des partenaires et achètent des joueurs comme Bordeaux, Marseille, le PSG et Lyon. Les autres forment des jeunes ».

Après la visite guidée et un repas, Joël Muller s’exprime dans un superbe auditorium. D’un naturel modeste, il est impressionné par la palette d’anciens internationaux qui l’écoute. Il parle des entraînements, pendant la préparation comme en cours de saison. EtienneDelangre assure une traduction simultanée pour ceux qui comprennent mal le français. Si les questions sont précises, les réponses le sont parfois moins. Ainsi, Preud’homme veut-il savoir comment Muller conserve tout son monde affûté, y compris les réserves.

Muller: « La psychologie est importante. Dans une société de plus en plus contestatrice, où chaque joueur rejette les décisions, il faut accorder plus d’attention à ceux qui ne sont pas repris ».

Lens a une philosophie bien différente de celle de la Juventus. Elle accorde la priorité à la vitesse, pas à la puissance. « Mais ce n’est pas la vérité car celle-ci n’existe pas », martèle Muller. « C’est notre vision, mais il y en a d’autres, aussi valables. Seuls les résultats vous donnent raison ». Guy Thys opine du chef: « C’est sur ces mots que je termine chaque cours ».

Après Muller, parole au responsable de la formation. C’est la surprise. On sait que le développement de l’individu prime le résultat de l’équipe, qu’il vaut mieux que les meilleurs de leur catégorie jouent avec de plus âgés, que les séances doivent être articulées autour des meilleurs. Mais les Belges tombent à la renverse en apprenant que chaque entraîneur des jeunes peut choisir son système de jeu. Nul ne partage le point de vue de Lens en France.

Patrice Bergues admet que c’est inhabituel: Auxerre et Nantes imposent une tactique identique dans toutes les équipes. « Mais ensuite, ces joueurs s’imposent plus difficilement dans un autre club. Et puis, on ne sait jamais quel système l’entraîneur principal va adopter ».

Concentration optimale

Lens, qui entame sa seconde séance, comme tous les mardis et mercredis, avec rassemblement à neuf et à 16 heures, une demi-heure avant le début de l’entraînement. Entre-temps, les joueurs sont libres. Ils peuvent manger et se reposer au club ou rentrer chez eux. C’est le système français que Patrick Remy voulait introduire à La Gantoise, se heurtant à la vieille garde, opposée à des séances si tardives, comme s’en souvient Rudy Verkempinck.

Les Belges sont impressionnés par les qualités athlétiques du groupe, formé pour moitié de Noirs. Les exercices sont difficiles, précis et rapides. « Chez nous, deux passes arriveraient, tout au plus », ironise un entraîneur. Ce qui frappe, c’est le respect que se témoignent les joueurs comme l’agressivité avec laquelle entraîneur et adjoint interviennent, arrêtent le jeu et font répéter les phases qui ne leur plaisaient pas. Pas de blagues, pas de perte de concentration. Ici, le football, c’est un travail. Les joueurs ne protestent pas, ne trichent pas. Et, comme le dit Dominique D’Onofrio avec un clin d’oeil: « Il n’y a pas non plus de surcharge pondérale ».

La séance s’achève peu après six heures. Le groupe va rejoindre un hôtel à Arras, qui appartient au président de Lens. Les entraîneurs vont y dîner avant de regarder le match Manchester United-Juventus. Las, le décodeur de Canal + ne fonctionne pas. A l’incitation de Henk Houwaart, ravi de ce voyage qui lui permet de mieux connaître ses collègues, la troupe s’installe au bar. Preud’homme, D’Onofrio, de Sart et Delangre jouent aux cartes, pendant que quelques enthousiastes, comme Ferrera et les Brugeois, regardent quand même un match à la TV. L’ambiance est excellente.

Le lendemain matin, le public est admis à l’entraînement. Ce n’est autorisé qu’une fois par mois, pour que les joueurs ne soient pas assaillis de demandes d’autographes. « Sinon, ils attrapent froid », explique un délégué. De nouveau, pas de tacles, mais du sérieux et de la rapidité. Muller explique que l’équipe part le jour du match, quand elle joue en déplacement, et qu’elle revient immédiatement après. Elle emprunte l’avion, à l’exception des duels régionaux avec le PSG, Lille et Sedan. Pas de mise au vert, même si Lens affronte Ajaccio en Corse. « Une sieste après le lunch suffit ».

Peter T’Kint

« C’est notre vision mais il n’y a pas de vérité » (Joël Muller)

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