VOICI CE QUI LES ATTEND EN PO2

Retour en 2009-2010 et à la première expérience rouche en PO2. Des acteurs se souviennent et préfacent le petit enfer qui attend l’équipe actuelle lors des prochaines semaines.

« Le responsable du matériel a débarqué dans le bureau de Dominique D’Onofrio et lui a lancé : – J’en ai marre. Il n’y a plus de maillots. Arrête de mettre des nouveaux joueurs à chaque match, fais jouer ceux qui ont déjà un maillot avec leur nom derrière. Je te dis qu’on tombe à court.  »

L’anecdote est racontée par Jean-François Lecomte, qui était préparateur des gardiens du Standard en fin de saison 2009-2010. La saison où le Standard, déjà, a dû disputer les play-offs 2. Et c’est clair que DD faisait énormément tourner pour ces matches. Kristof Van Hout, Rami Gershon, Moussa Traoré, Gheorghe Grozav, Andrea Mbuyi-Mutombo, Jonathan Buatu, Franco Zennaro, Christopher Verbist : ils ont tous eu du temps de jeu dans ces PO.

Et donc, sur le banc ou même en tribune, on trouvait du très lourd : Sinan Bolat, Sébastien Pocognoli, Eliaquim Mangala, Steven Defour, Axel Witsel, Igor de Camargo, Mehdi Carcela, Milan Jovanovic, Dieumerci Mbokani… Oui, pour rappel, le Standard n’avait pas réussi à se figer dans le Top 6 avec autant de beau monde !  » On avait un noyau d’extra-terrestres « , se souvient Jean-François Lecomte.

 » Les souvenirs que j’ai gardés de ces matches ? Je vais être honnête avec toi : aucun. Il faut que tu me rappelles contre qui on a joué. C’est comme s’il y avait eu, chez moi, un effacement naturel de ces soirées dans ma mémoire.  » C’est Jova qui parle. Pocognoli abonde :  » Ah ça, c’est clair que ça n’a pas été la période la plus folichonne de ma carrière.  »

Le Standard avait tiré Charleroi, Genk et le Germinal Beerschot. Bilan : 8 points sur 18. A l’image de son parcours en phase classique. Cette année-là, déjà, les Rouches avaient échoué dans leur course pour les PO1 lors de la dernière journée.  » Ce match, par contre, je m’en souviens très bien « , dit Jovanovic.  » C’était chez nous contre Gand, on avait perdu 0-2. J’avais raté une grosse occasion à 0-1, j’étais sorti avant la fin, le public ne m’avait pas épargné.  »

L’INCOMPRÉHENSION DE POCO

Parmi les non-titulaires habituels qui ont reçu du temps de jeu dans ces play-offs 2, il y avait Grégory Dufer.  » C’était un peu le même cas de figure que cette saison, l’équipe avait abandonné beaucoup de points contre des petits et avait su se sublimer contre des grands. Evidemment, il y avait largement assez de qualités pour finir dans les six premiers, puis pour faire un gros parcours en play-offs. Se retrouver dans l’anonymat des PO2 après deux titres consécutifs, ça a été assez dur à vivre pour pas mal de joueurs. L’ambiance est restée bonne mais c’était compliqué de s’entraîner sérieusement.  »

Il y avait encore une carotte en début de PO : le Standard était toujours en Europa League et préparait son quart de finale contre Hambourg. Après l’élimination, la démobilisation fut totale.  » J’avais débarqué en janvier, à une période délicate « , se souvient Poco.  » Quelques jours après mon arrivée, Laszlo Bölöni était viré et Dominique D’Onofrio reprenait l’équipe. J’ai vite compris que l’Europe était le seul moteur pour une bonne partie du noyau. La seule source de motivation. Mais comprendre qu’un groupe pareil n’arrive pas à se qualifier pour les play-offs, non, ça je n’y arrivais pas !  »

LA FATIGUE DE JOVA

Milan Jovanovic a son explication.  » Je confirme que tous les joueurs étaient focalisés sur la Coupe d’Europe. On avait d’abord joué six matches de Ligue des Champions, des grosses affiches, contre Arsenal notamment. Après ça, on avait eu deux chocs contre le Panathinaikos en Europa League. Et dans la dernière ligne droite de la phase classique, on pensait surtout à notre quart de finale contre Hambourg. Je sentais clairement un manque de motivation pour le championnat. Moi, par exemple, j’avais aussi été appelé plusieurs fois par l’équipe nationale serbe, ça ne faisait qu’ajouter à ma fatigue physique et mentale. Pour plusieurs cadres de l’équipe, ça faisait trop de choses à gérer et ça s’est payé en championnat.  »

 » Dès que je suis arrivé, j’ai remarqué que certains joueurs avaient la tête ailleurs « , embraie Pocognoli.  » C’était la fin d’une ère, la fin de l’équipe des deux titres. Plusieurs gars savaient qu’ils allaient quitter le club en fin de saison et ça a certainement joué sur leur motivation. En début de play-offs 2, elle n’était pas top non plus, évidemment. Tu viens d’être champion deux fois, tu as joué en Ligue des Champions devant toute l’Europe, puis tu dois préparer des matches contre Charleroi et le Beerschot alors qu’il y aussi Hambourg au programme. Tu tries tes priorités…  »

LE ZAPPING DE RÉGI

Jean-François Lecomte se souvient que  » les joueurs avaient pris un terrible coup au moral avec la non-qualification pour les PO1. Tu t’es farci une trentaine de matches, puis tu te dis : -Tout ça pour ça. Un footballeur professionnel est censé aborder tous ses rendez-vous avec une envie maximale, mais ça c’est la théorie. Il y a eu un relâchement dans les têtes dès qu’ils ont su qu’ils allaient jouer les play-offs 2. Et dès que l’aventure européenne s’est terminée, certains ont commencé à penser plus aux vacances qu’au foot. Ils se disaient que s’ils terminaient en tête de la poule, ils devraient jouer au moins deux matches en plus et ça aurait allongé leur saison. C’est la dernière chose qu’ils souhaitaient. Pour le staff, le travail était plus psychologique que physique. On devait essayer de garder tous les joueurs concernés. Les joueurs donnaient un peu moins à l’entraînement, c’était inévitable. Mais paradoxalement, l’ambiance est restée excellente jusqu’au bout. On a continué à beaucoup rigoler et Dominique D’Onofrio continuait à inonder l’Académie de sa joie de vivre.  »

Ne demandez pas trop de détails sur ces matches à Réginal Goreux, seul survivant de l’époque et qui se prépare donc à renouveler la triste expérience.  » J’ai complètement zappé ! « , lâche-t-il.  » J’ai seulement conservé le souvenir que tu as l’impression de faire un match de présaison. Tu joues dans des stades où il n’y a pas beaucoup d’ambiance, la télé ne s’intéresse pas à toi. On préparait ces matches-là comme ceux de la phase classique, la seule différence est que les mises au vert étaient allégées. Le pire dans cette histoire, c’était de passer en quelques jours d’un quart de finale d’Europa League contre un bon club comme Hambourg à des matches de play-offs 2. Tu as l’impression d’avoir changé de sport.  »

LE DOUBLE DISCOURS DE DD

 » L’approche des matches restait la même « , se souvient Jean-François Lecomte.  » Il y avait toujours autant de sérieux dans le scouting des adversaires, les mêmes analyses vidéo, et la théorie d’avant-match était toujours aussi détaillée. Pour les matches en déplacement, on partait la veille, comme d’habitude, et on logeait dans un hôtel de la ville où on allait jouer. Il n’y a que pour les matches à domicile que le dispositif était un peu allégé. On ne faisait plus loger les joueurs à l’Académie. Pendant un an et demi avec Bölöni, ils n’avaient fait que des mises au vert et ils en avaient un peu marre.  »

Milan Jovanovic fait partie des stars qui ont eu un temps de jeu XXS dans ces play-offs. Rien d’étonnant :  » Je ne connais pas un footballeur qui n’a pas une envie dingue de jouer des matches de play-offs 1 ou des chocs européens. Par contre, j’en connais pas mal qui se défileraient pour échapper aux play-offs 2. La direction et le staff ont choisi de donner du temps de jeu à plusieurs jeunes et tout le monde était content : ces jeunes et les titulaires habituels.  »

Grégory Dufer :  » C’était la seule façon de tester des jeunes dans des matches officiels. Certains joueurs qui ont reçu du temps de jeu dans ces play-offs n’auraient pas été alignés si on avait disputé les PO1. Le club pouvait ainsi voir ce qu’ils avaient dans le ventre. Dominique D’Onofrio nous avait dit qu’il voulait aller le plus loin possible, il parlait de la possibilité d’une qualification pour les tours préliminaires de l’Europa League en terminant en tête, mais je ne suis pas sûr qu’il y croyait lui-même. En n’alignant pas la meilleure équipe possible, il savait que ça compliquait nos chances. Avec, par exemple, Milan Jovanovic et Axel Witsel dans l’équipe de départ pour tous les matches, on aurait pu faire quelque chose. Mais ils ont peu joué et plusieurs autres cadres ont aussi été préservés.  »

RENDEZ-VOUS À BEVEREN…

 » Il y avait deux profils différents dans ces joueurs qui obtenaient subitement du temps de jeu « , dit Pocognoli.  » Ceux que le Standard voulait tester et ceux qu’il fallait mettre en vitrine.  » Lecomte a vu que  » quelques joueurs ont touché leur rêve dans ces matches. Pour eux, ce n’était pas un souci que les stades ne soient pas remplis, qu’il y ait peu d’intérêt médiatique. Subitement, ils jouaient des matches officiels en équipe Première du Standard !  »

On s’attend à voir plus ou moins la même chose dans les PO2 qui débutent ce week-end par un déplacement si peu sexy à Beveren.  » La qualification déjà acquise pour l’Europa League, c’est tout bon « , conclut Jean-François Lecomte.  » Il n’y a vraiment plus rien à gagner dans ces play-offs, ça doit permettre de faire tous les tests souhaités.  »

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Ah, ça c’est clair, ça n’a pas été la période la plus folichonne de ma carrière.  » SÉBASTIEN POCOGNOLI

 » Tu passes en quelques jours d’un quart de finale d’Europa League contre Hambourg à un match de PO2, tu as l’impression d’avoir changé de sport.  » RÉGINAL GOREUX

 » Les souvenirs que j’ai gardés des matches de PO2 ? Je vais être honnête avec toi : aucun.  » MILAN JOVANOVIC

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