Vitupérer, mais pas toucher!

Le footeux s’estimant grugé par l’arbitrage n’a pas droit à la colère mais il peut y succomber: plus ou moins, selon son tempérament et sa capacité à accepter la vanité des choses. Ariel Jacobs ne s’excitera jamais autant que Luis Fernandez! Il existe deux grandes catégories de colères qui explosent. Soit tu ouvres seulement toute grande ta bouche pour en éructer tous les noms d’oiseaux qui te tiennent à coeur. Soit tu en viens aux mains, ce qui ne t’empêche d’ailleurs pas de poursuivre parallèlement tes éructations. Personnellement, si j’avais ce courage doublé d’inconscience qui permet d’arbitrer, je mettrais un point d’honneur à supporter stoïquement les noms d’oiseaux les plus exotiques. Je m’entraînerais même avec assiduité pour pouvoir en supporter davantage à chaque match: conscient que mes décisions les plus impartiales puissent être jugées foireuses par d’aucuns, je tolérerais le pétage de plombs verbal au maximum de mes capacités nerveuses. Par contre, si quelqu’un s’avisait d’OSER TOUCHER MON CORPS, je verrais illico rouge dans ma poche à cartons!

Dès lors, soit parce que les avocats belges sont meilleurs, soit parce que les instances fédérales françaises sont moins laxistes, notre Scifo s’en sort bien si l’on compare ses 4 semaines de suspension aux 6 mois de Luis Fernandez: même si son attitude habituelle en bord de terrain n’a rien de comparable avec l’hystérie chronique du clown parisien. Tant mieux pour Enzo, sa mesure habituelle et sa notoriété ont limité les dégâts, on ne peut pas tout dominer du jour au lendemain. Ceci est un apprentissage de plus dans la fonction… à condition de vouloir apprendre: et là, j’ai quelque angoisse si j’en crois ses réactions d’après-sentence.

Envisager l’appel parce que même une suspension d’un match eût été injuste, ou parce que sanctionner pareille attitude implique de sanctionner tous les entraîneurs (dixit Scifo), là, j’en reste plus baba que si Enzo me faisait subir 36 petits ponts sur un seul match!

Je suis persuadé que la poussée d’Enzo était légère, quasi déliée comme l’était son jeu, n’ayant rien d’une attaque sauvage pour réduire l’opposant en purée de méduse. Ce devait être une repoussée, du bout des doigts comme celle du passeur au volley, avec ce zeste d’arrogance signifiant paradoxalement à l’opposant: « Toi surtout, ne me touche pas! ». Eh bien, quand l’opposant est un arbitre, pareille repoussette mérite sanction, Enzo, faut l’admettre: en face de ton honneur, y’a l’honneur d’un autre brave mec à mettre dans la balance.

Je propose donc le type de sanction suivant: durant le match, le quatrième arbitre et le coach suspendu sont enfermés dans le vestiaire, l’un s’assurant bien que l’autre ne puisse rien voir. Ça, ce sera une punition punissante.

Bernard Jeunejean

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