Vinnie, Vidic, Vichy

C’est dommage pour Jonathan Legear, c’est tombé sur lui, mais bon, ça devait arriver : avec tous ces poinçonnés, fallait bien qu’un drame finisse par se produire dans notre petit monde de tapés du tattoo : plus moyen de voir un footballeur sans qu’un bout de tatouage lui dépasse de la manche, du col, du slip ou des trous de nez ! Au point que le gamin d’un de mes potes, six ans et Diablotin, a piqué sa crise parce que son père lui refusait de pérenniser un aigle et une femme nue sur chacun de ses petits bras : le petiot croyait mordicus que ça lui garantirait de marquer des buts à chaque match !

Evidemment, des pas gentils moquent en ce moment l’orthographe de Legear au point d’affirmer que Jona n’a pas perdu son latin, qu’il n’en a d’ailleurs jamais eu, mais qu’il voulait simplement écrire Vinnie, Vidic, Vichy parce qu’il s’est juré trois choses dans la vie : devenir comme Vinnie Jones acteur après footballeur, acquérir le même superbe jeu de tête que Nemanja Vidic, et ne plus boire que de l’eau pour faire taire d’autres mauvaises langues ! Tout cela est faux. Jona voulait bien sûr se graver du latin sur le derme. A savoir le célébrissime Veni, Vidi, Vici de Jules César, le caïd romain d’hier (à ne pas confondre avec Julio Cesar, le caïd brésilien d’aujourd’hui) qui se la pétait facile quand il gagnait, et qui a dit si l’on traduit :  » Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu « . Mais le tatoueur s’est gouré, Jona ne l’a pas vu tout de suite parce qu’il crevait de mal, et ça a donné Vini : génitif gênant pour un sportif sobre, vu qu’on peut traduire par  » du vin « … et rebelote pour jaser de Jona le sorteur ! C’est doublement injuste.

D’abord parce que se tromper en latin (d’un seul tout petit i au lieu d’un petit e) quand on n’est pas né en Latine mais en Belgique, et que le belge est la langue maternelle, c’est infiniment dérisoire et pardonnable. Surtout que je connais des footballeurs belges qui se trompent en belge quand ils causent à la télé publique, qui nous y offrent des liaisons linguistiquement dangereuses, et l’on passe l’éponge, et personne ne hurle ! Ensuite, pour une fois qu’un footballeur tente de relever le niveau de la tatouagie, pour une fois qu’il s’imprime sur la couenne de la culture classique plutôt que des serpents ou des nichons, des citations latines plutôt que des épées ou des dragons, on devrait le remercier au lieu d’en rire, on devrait l’encourager à persévérer !

Alors voilà, Jona. Ne te borne pas à un avant-bras ! T’as aussi un torse, un dos, deux fesses, un second bras, j’en passe et des meilleures : utilise tout ton corps, la saillance de tous tes muscles, pour porter haut la langue latine, elle en a besoin, elle est moribonde ! Si l’on ricane de ton bras droit, tends ton bras gauche, tatouez-y un autre truc dans la langue de Jules ! Evidemment pas In vino veritas, n’aggrave pas ton cas ! Mais par exemple Errare humanum est, ça veut dire que tout le monde peut se gourer, ce sera modeste et ça aura du répondant : Errare, hein ! Pas Herrera, ne choisis pas un tatoueur ignare qui n’a que le foot en tête ! A l’interview, quand un journaleux te dira que tu as confondu vitesse et précipitation, tu acquiesceras humblement en découvrant ton torse où sera tatouée ta devise Festina lente : ça veut dire  » Hâte-toi lentement  » et ça lui en bouchera un coin. Et quand tu sens trop qu’il te cherche noise, tends-lui simplement ton majeur où il lira en tout petit Homo homini lupus,  » L’homme est un loup pour l’homme « . Si tu ramasses un carton rouge, fais pas le con, montre pas tes deux fesses au ref, même si tu crois lui faire plaisir parce que tu y as fait tatouer Dura lex sur la gauche et Sed lex sur la droite : pour info, c’est pas une histoire de Durex ou de sexe, ça signifie seulement  » La loi est dure, mais c’est la loi « …

Je te laisse tripoter les pages roses du Larousse, les citations pullulent, y’a pour remplir toute ta surface ! Allez, t’as du dribble donc de l’humour, sans rancune, joyeux Noël, et une dernière chose puisque tu rêves encore de Russie. Je lis en ce moment le bouquin de Declan Hill, Comment truquer un match de foot ?, il y parle de Moscou et c’est pas jojo, Jona ! Les sportifs s’y font flinguer comme des mouches aux alentours de la page 150 ! Réfléchis bien, ce serait con d’aller bouffer là-bas les pissenlits par la racine. Même si le croque-mort russe, qui connaît mal le belge, tatoue sur ta tombe  » Je suis venu, j’ai vu, j’ai mouru. « 

par bernard jeunejean

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