Vincent Kompany:  » J’essayerai d’être le meilleur du monde « 

Et si le véritable taulier du foot belge était un golden boy de pas encore 25 ans ? Rencontre exceptionnelle à Manchester avec le n°1 de notre Top100.

Campagne, manoir 18e à la fois club de golf et hôtel, immenses canapés Chesterfield, cake, tea, et pourtant aucun inspecteur Barnaby à l’horizon. C’est dans ce décor so british que Vincent Kompany a décidé de nous recevoir. A Macclesfield, précisément, dans le neighbourhood de Manchester, où habite la moitié de la Premier League et où les immenses villas se succèdent ; contraste saisissant avec Manchester l’industrielle.

Vinnie (son surnom outre-Manche) y a également déposé les valises familiales. Son laissez-passer star de Premier League, il l’a obtenu cette saison. Rares sont les tops ou équipes types de mi-saison en Angleterre où son nom n’apparaît pas. Que ce soit sur ou en dehors des terrains, Kompany est désormais une marque de référence pour le billionaire club de City.

Un petit tour dans le fan shop des Citizens suffira à nous convaincre de sa grande popularité.  » I hope he’ll be a City legend « , nous lance un de ses supporters. Au beau milieu d’une exceptionnelle semaine light – un seul match au programme – la personnalité de l’année reçoit Sport/Foot Mag et Pierre Deprez de la RTBF, accompagné de son gang (deux caméramans, un preneur de son et un réalisateur). Deux heures pour un premier bilan d’une carrière déjà très dense.

Tu as été élu notre Personnalité n°1 de l’Année. Quel effet cela te fait ?

Vincent Kompany : Cela sonne lourd comme titre et ça fait évidemment plaisir. Savoir qu’en Belgique on ne m’a pas oublié alors que j’évolue à l’étranger me motive tout particulièrement.

Tu as eu le sentiment qu’à une période, la presse belge ne t’a pas assez suivi ?

Non, pas du tout. Mais il est arrivé à d’autres joueurs d’être un peu oubliés. Et inversement, quand on vit à l’étranger, on n’est pas toujours au fait de ce qui se passe.

Ta situation à Manchester City n’a jamais été aussi florissante. Tu as le respect du public, de tes équipiers, on parle même de toi comme futur capitaine régulier. Tout baigne, non ?

J’évolue, tout simplement. Ma première saison à Manchester s’était déjà très bien passée. Et puis au fil du temps, j’ai rencontré de meilleurs joueurs, et j’ai voulu apprendre de cet environnement. C’est vrai que je n’ai peut-être jamais atteint un tel niveau mais ce n’est pas pour autant que je suis arrivé à mon top. J’espère que d’ici deux ou trois ans il y aura encore plus à voir.

Mais tu es quand même conscient d’avoir une cote assez importante ?

Oui, mais elle peut très vite basculer. J’en ai toujours été conscient et je prends les louanges avec du recul, et je ferai de même si des critiques négatives s’abattent sur moi.

 » City représente le futur « 

Depuis quelques années, City anime le mercato en attirant de nombreux joueurs. Comment vis-tu une telle situation où la concurrence est féroce ?

C’est peut-être de ce genre de challenge que j’avais besoin pour ma carrière ; d’une situation où c’est tout ou rien. Au club, chaque joueur sait parfaitement qu’une courte période d’absence peut laisser la voie à d’autres joueurs. Il faut savoir vivre avec cette pression.

Des joueurs comme Stephen Ireland ou Shay Given ont vu leur statut de joueurs cadres très vite basculer pour devenir des éléments dont on veut se débarrasser. C’est ça la règle du jeu dans un club du top ?

La situation à City est particulière. Je ne pense pas, par exemple, qu’Arsenal ou Barcelone puisse se séparer d’un joueur parce qu’il a connu une période moins bonne ; ces clubs ne peuvent pas acheter qui ils veulent. Ici, par contre, il faut prester tout le temps. Mais cette situation ne me pose aucun problème.

As-tu le sentiment d’avoir une emprise grandissante sur tes coéquipiers ?

Il faut savoir mériter ses galons. Aujourd’hui, je me fais respecter parce que sur le terrain j’ai prouvé que je méritais ma place.

Avec comme statut celui d’un des plus anciens du noyau alors que tu n’es là que depuis deux ans et demi…

( Il rit) Il n’en reste plus beaucoup c’est vrai. Mais je n’ai jamais douté. Même quand j’ai été blessé, la saison dernière, à une période où les arrivées étaient massives. Je me suis dit :- Je vais revenir, travailler et récupérer ma place. Et ça s’est vérifié plus vite que prévu.

Cet été, la presse anglaise te citait notamment à Arsenal suite à l’arrivée de nombreux joueurs dans l’entrejeu ou en défense. De simples rumeurs de journalistes ?

De grosses rumeurs. Et elles sont encore plus importantes ici qu’en Belgique.

Même chose donc pour ce qui est du Barça, Inter, un échange avec Ronaldinho époque Milan ?

Que des rumeurs. Une grosse erreur serait de sous-estimer Manchester City et l’avenir de ce club. City représente le futur. Tout ce que les gros clubs de ce monde veulent atteindre, Manchester City veut l’atteindre. Et d’après moi, le gain de trophées ne prendra pas plus longtemps que pour les autres clubs.

Quelle proposition pourrait te faire quitter City ?

Je ne sais pas… J’ai plutôt l’impression qu’aujourd’hui ce sont les joueurs des tout gros clubs qui viennent chez nous que l’inverse.

City, c’est le nouveau Chelsea ?

C’est le nouveau Manchester City.

Quel regard portes-tu sur tout cet argent qui circule autour du club, dont on dit qu’il est le plus riche au monde désormais ?

Ce qui m’impressionne en Angleterre, c’est l’honnêteté. Les gens n’ont pas de complexe par rapport à ce qu’ils gagnent. Et ils n’ont pas peur de le montrer, un peu comme aux Etats-Unis. Si un joueur gagne pas mal d’argent, il aura les voitures qui vont avec. Ce n’est pas négatif selon moi, c’est juste un mode de vie qui est différent de celui qu’on peut connaître en Allemagne ou en Belgique.

Ce modèle financier ne te choque pas ?

Non, au contraire, j’essaie de faire comprendre aux gens, notamment aux Anglais qui vivent la crise comme partout, que le président ( NDLR, l’Emirati Khaldoon Al Mubarak) est quelqu’un qui investit dans leur pays. Les joueurs gagnent beaucoup d’argent mais sont taxés à 50 % ; c’est donc pas mal d’argent qui rentre dans les caisses du gouvernement. Enfin, je me dis aussi qu’il vaut mieux qu’un joueur dépense son argent dans les voitures, dans les diamants, que ces dépenses fassent tourner l’économie, plutôt que de garder toutes ses économies sur son compte et les cacher à tous. J’ai rencontré pas mal de personnes extrêmement fortunées qui n’ont jamais versé le moindre sou à des £uvres caritatives, mais qu’on applaudissait en Belgique parce que soi-disant, ils étaient  » humbles « . Ici, j’ai vu des moins riches qui n’hésitaient pas à dépenser leur argent dans des voitures mais aussi à aider des associations caritatives. Ceux-là sont pour moi les vraies bonnes personnes.

Quand tu reviens en Belgique, tu n’as pas peur d’exhiber ta fortune ?

Je n’ai aucune peur. Je sais d’où je viens. J’ai commencé avec rien. La première chose que j’ai réalisée avec mon argent, c’est payer les dettes de mes parents et puis leur acheter une maison. Je suis très à l’aise avec l’argent que je gagne et le mode de vie que je peux avoir….

 » A 17 ans, je voulais trop en faire « 

Et ta place de prédilection ? Où en est-on dans ce débat sans fin ?

Lors de ma première saison en Angleterre, j’ai presté en tant que milieu défensif. A mon retour de blessure en janvier dernier, je suis passé en défense centrale et je n’ai plus lâché ce poste. Je pense toutefois que j’aurais connu la même progression au milieu défensif. Mon objectif, ça reste d’être le meilleur, quelle que soit la place.

Jouer arrière central, n’est-ce pas du gâchis vu la qualité de ton jeu, de tes relances ?

Non. A 17 ans, je voulais trop en faire. Avec le temps, on apprend qu’il y a des gestes qui à ce poste n’en valent pas la peine. Aujourd’hui, je pense pouvoir dire que je sais faire la part des choses. Si on exige seulement de moi que je sois dur sur l’homme et que je sois un leader, je le ferai. S’il faut que je joue dix ans derrière, je le ferai et essaierai d’être le meilleur du monde à ce poste. Et si on me remet au milieu, j’essaierai d’être le meilleur défensif au monde. Je ne dis pas que c’est réaliste mais c’est la bonne manière d’aborder les événements.

En Belgique, beaucoup ont gardé l’image de toi d’un défenseur flamboyant. Il est frappant de voir que, désormais, tu n’hésites pas à balancer dans la tribune quand ça chauffe. Tu as simplifié ton jeu ?

C’est normal. Il y a un temps pour tout, un temps pour s’amuser, et puis un temps pour faire son boulot. Ce que je veux, c’est gagner des matches. Si je ne peux pas les gagner, je ne monte même pas sur le terrain.

Cette mentalité tu l’as acquise en Angleterre ?

En Allemagne. A Anderlecht, on m’a aussi appris à tout faire pour gagner mais j’étais trop jeune. Quand Romelu aura 24, 26 ans, il vous répondra la même chose aux questions que vous me posez. Il ne le sait pas encore aujourd’hui mais il y a une énorme évolution qui va se faire chez lui.

 » Boring City « … comment réagis-tu à ce surnom chanté par les supporters adverses ?

C’est super. Ça veut dire qu’on les énerve et c’est exceptionnel ( il rit). Nous on se régale, on prend des points, on avance tranquillement, c’est parfait.

Tu ne préférerais pas que City développe un jeu plus chatoyant ?

Prenons l’exemple de l’Inter et de Mourinho. D’après moi, on les a trop souvent critiqués pour le jeu défensif, rigoureux alors qu’ils ont fait de bons matches. C’est la même chose pour nous : si on tombe contre un adversaire plus fort, comme Barcelone, pourquoi aller donner le match quand on sait qu’ils vont alors nous détruire. Il faut être intelligent dans le football si on veut gagner chaque match. Contre Arsenal, on était moins forts ce soir-là. Notre unique option était de défendre et faire le boulot.

Vous êtes troisième, vous pouvez encore jouer le titre ?

Oui, comme on peut tomber cinquième, c’est très serré en haut de tableau. Au niveau de la qualité, les équipes se valent.

Tout va très vite à City…

Le club a évolué à une vitesse foudroyante et j’ai la chance de pouvoir vivre cette évolution et de moi-même progresser.

On entend souvent que la Premier League est la NBA du foot, que c’est la meilleure ligue au monde, etc. Qu’est-ce que ce championnat a de si particulier ?

C’est le plus compétitif au monde. En Angleterre, on trouve de la vitesse, de la puissance, et surtout de l’honnêteté dans le jeu. Il reste encore pas mal de valeurs traditionnelles. Les joueurs qui simulent, les attitudes de triche récompensées, c’est rare, plus rare qu’ailleurs. Et si jamais c’est le cas, le joueur se fait lyncher dans les médias. C’est un championnat honnête, un duel peut être dur sans être méchant, et même s’il est douloureux. J’apprécie ce jeu.

Tu te vois faire toute ta carrière en Premier League ?

Je ne sais pas. J’aime voyager, découvrir d’autres pays. J’ai un souvenir très positif de l’Allemagne et si un jour je quitte City ce sera pour un autre pays.

On est aussi frappé par l’évolution de ta masse musculaire.

C’est logique. J’ai débuté à 17 ans. Si mon corps n’avait pas évolué, ce serait dommage.

Question pépins physiques, ton corps tient le coup ?

J’ai travaillé très fort physiquement quand j’étais blessé, notamment afin de me prémunir contre d’autres blessures. Et c’est toujours le cas aujourd’hui. Par rapport au bonheur que cette masse de travail m’apporte, il n’y a pas photo…

La presse anglaise a abondamment parlé des 128 infiltrations que tu as endurées lors de ta première saison. C’est aussi ça le foot de haut niveau ?

C’étaient des antidouleurs au pied. J’avais été out tellement longtemps que pour rien au monde je n’allais passer à côté du bonheur de jouer. Si le docteur me disait tu peux jouer mais ça va faire très, très mal, je jouais.

 » Je ne me suis jamais senti aussi bien chez les Diables « 

Tu te sens aussi bien chez les Diables qu’à City ?

Je pense ne m’être jamais aussi bien senti en équipe nationale. Comme je le dis souvent, on est une génération avec du talent. Mais les autres petites nations ont aussi évolué et pour passer les qualifications, il faut quelques joueurs spéciaux. Je pense que certains Diables entrent dans cette catégorie.

Cela fait quand même un petit temps qu’on parle de génération dorée…

Il y a le fait de le dire et puis les faits. Aujourd’hui, les faits me font dire qu’il y a de bons joueurs. Quand j’avais 17 ans, on parlait déjà de génération dorée mais prester à haut niveau à Anderlecht, ce n’est pas prester à haut niveau à Barcelone. Et pour avoir une forte génération, il faut des joueurs qui soient stabilisés dans des gros clubs et qui jouent régulièrement. Ce n’est pas encore le cas mais ça devrait venir. Un gars comme Romelu pourra y arriver, pas seulement par rapport à ce qu’il a montré sur le terrain, surtout par rapport à ce qu’il a montré en dehors : c’est quelqu’un qui aime apprendre, qui écoute et qui aime l’entraînement. Mais il serait injuste d’attendre de Romelu ou d’Eden qu’ils qualifient la nation.

L’ambiance est-elle meilleure aujourd’hui ? Il y a quelques années tu stigmatisais les problèmes communautaires au sein des Diables ?

Après réflexion, je parlerais davantage de problèmes générationnels et non communautaires. Certains joueurs arrivaient en bout de course, des dinosaures – qui ont fait énormément de bonnes choses dans leur carrière – mais qui voulaient par n’importe quel moyen s’accrocher. Ça a fini par créer des tensions.

Tu avais du mal à accepter les remarques de ces  » dinosaures  » ?

Non. Je dirais même que cette situation était normale. On vivait tout simplement une période de transition durant laquelle les résultats n’étaient pas positifs et où tout le monde se renvoyait la faute.

En attendait-on trop de toi et trop vite en équipe nationale ?

Personne n’attend plus de moi que moi-même. Maintenant, je suis plus âgé ; j’ai 24 ans. Mais plus je grandis, plus je trouve inconcevable qu’on puisse critiquer un petit jeune. Un jeune peut faire ce qu’il veut sur le terrain, jamais je n’irai le critiquer en public.

En privé oui ?

En privé, je vais l’attraper ( il rit).

Donc tu as attrapé Hazard dans les vestiaires après sa perte de balle face à l’Autriche ?

…. ( il rit) Ce qui est bien en équipe nationale, c’est qu’avant que je ne doive faire quoi que ce soit, il y a déjà Marc Wilmots qui a sauté dessus. Donc, ça aide…

Ton rôle dans l’équipe a changé ?

Il a évolué. Si vous parlez à mes entraîneurs de l’époque où j’avais 10 ans, je ne suis, sur le terrain, pas différent aujourd’hui. Forcément à 17 ans, on n’est pas autant écouté qu’à 24 ans et quand on joue dans un bon club.

L’attente de Leekens vis-à-vis de toi n’est-elle pas trop forte ? Car quand il tire un joueur du lot, c’est toujours Kompany.

J’ai passé l’âge. Enfin dans le sens où ça fait pas mal d’années que je suis dans le circuit. Je connais les rouages.

Tu ne préférerais pas te concentrer davantage sur ton jeu et moins t’investir dans le leadership de l’équipe ?

Non car ce n’est pas nouveau pour moi. Ce n’est pas non plus différent de ce que je vis à City où je prends aussi mes responsabilités. Et puis c’est quelque chose de naturel chez moi. Je n’ai jamais demandé à Monsieur Leekens : – Donnez-moi de l’importance.

A City, ton rôle est sensiblement le même que chez les Diables ?

Bien sûr, même si ce n’est pas aussi médiatisé qu’en Belgique. Vu ma position, il est normal que je m’affirme sur un terrain.

Et en dehors ?

Je suis relax, je rigole même si de temps en temps il faut parler des prochaines échéances. Je suis comme ça depuis tout petit. Demandez à Tihinen : il a dû se demander mais c’est qui ce gamin qui n’arrête pas de me casser les oreilles ( il rit).

Tu le replaçais souvent ?

Bien sûr. Et ce qui était exceptionnel, c’est qu’il m’écoutait. C’est pour ça que ça fonctionnait bien. Je n’ai jamais joué aussi bien qu’avec quelqu’un qui m’écoutait.

Ce côté directif ne t’a pas posé de problèmes avec d’autres joueurs plus expérimentés ?

Sur le terrain, c’est normal. Je préfère quelqu’un qui a une opinion que l’inverse. Après si j’ai tort, j’ai tort et je m’incline.

Comment expliques-tu, après coup, tes deux cartes jaunes en Turquie ?

L’émotion. Même si je reste d’avis qu’on m’a fait une faute en premier lieu. Soit. Ce sont des moments qui arrivent dans une carrière. Je le regrette pour l’équipe mais il faut aussi savoir mettre ça derrière soi. J’ai fait une erreur, je l’assume et j’essaierai de ne plus en commettre. C’est stupide mais ce n’est pas non plus une faute où j’ai perdu la tête et tapé quelqu’un. Quoi qu’il se soit passé, plus rien n’aura d’influence sur ma façon de me comporter sur le terrain. Ce que je veux c’est gagner, c’est tout.

Pour 2012, c’est plutôt mal embarqué….

On m’avait demandé si je mettrais la main au feu que les Diables se qualifieraient pour un prochain grand événement ? J’avais répondu :- Pour 2014, j’en suis quasiment sûr à 100 %. Et cette prédiction remonte à quatre ans. Aujourd’hui, j’en suis encore plus convaincu. Cependant, c’est 2012 qui nous occupe et j’ai la conviction qu’on va se qualifier.

Quels sont les trois éléments qui manquent à ce groupe ?

Maturité, maturité, et maturité.

Tu avais aussi déclaré il n’y a pas si longtemps :  » La meilleure chose qui puisse arriver aux Diables, c’est l’engagement d’un entraîneur étranger « . Qu’en penses-tu désormais ?

Ce que j’avais déclaré visait plutôt les médias. Je ne sais pour quelle raison la presse belge veut mêler la politique et le foot mais elle crée un climat pesant pour n’importe quel entraîneur. Je me suis alors dit qu’un coach qui puisse faire abstraction de tout ça ne viendrait que de l’étranger.

En Angleterre, les tabloïds sont toutefois d’un autre niveau question presse à scandales ?

Evidemment. Mais les journalistes dégotent eux-mêmes leurs informations. Ce ne sont jamais les joueurs qui viennent balancer sur un équipier. Il n’y a pas de fuites, ce qui est très important pour l’unité d’un groupe. Je ne dis surtout pas que la presse ne peut pas critiquer, au contraire quand ça ne va pas, il faut le faire, mais ce qui est dangereux, c’est quand elle oppose un joueur à un autre.

 » Les gens disaient : Kompany, c’est fini  »

Tes passages dans les médias sont très rares. Pourquoi ?

Je ne crois pas faire partie des gens qui prennent un énorme plaisir à se voir dans les journaux. Et puis quand on en fait trop, le risque c’est de lire des passages qui n’ont plus grand-chose à voir avec le message véritable.

Est-ce que tu as été blessé par certaines déclarations ?

Non. Je prends ça avec beaucoup de recul. C’est davantage ma famille qui en souffre.

Quand un journal néerlandophone te place dans son top 10 des bad boys du football belge, tu réagis comment ?

Ce n’est pas grave. Et puis c’est possible… En tant que défenseur central, Bad Boy je prends, ce n’est pas une insulte. Après quand on vise le privé, c’est plus dérangeant. Mais au final, je ne me formalise pas de ce qui est écrit ou raconté.

Comment expliques-tu que ton image en Angleterre soit si positive ? Difficile de trouver un papier qui t’égratigne quelque peu…

Je ne sais pas quoi répondre. Mais je me méfie. En Angleterre, tout peut aller très vite. Il suffit de se faire happer dans un tourbillon médiatique et tout ce que tu as construit disparaît rapidement.

Donner une image de gars engagé, investi, loyal fait partie d’une mission ?

Non. Je ne donne pas d’image de moi-même. Je parle de choses dont j’ai envie de parler, si j’en fâche certains, tant pis, mais l’image que je donne dans une interview est ce que je suis. Quand je me rends au Congo pour SOS Villages d’Enfants, c’est parce que j’ai envie d’y aller, de m’investir, parce que c’est une priorité pour moi et non pour donner une image de moi. Mon but, ce n’est pas d’être à l’avant-plan, mais bien de récolter des fonds.

Peux-tu résumer ton engagement dans l’humanitaire ?

Pour l’instant, je suis très fortement impliqué dans SOS Village d’Enfants. Et puis je devrais lancer dans les mois qui viennent ma propre association, elle s’appellera Vika. Certains points doivent encore être définis mais j’espère que cette organisation sera encore plus spécifique que d’autres, qu’elle permettra notamment d’accorder des bourses universitaires en plus de l’enseignement de base, qu’elle apportera des éducateurs, des entraîneurs en plus des terrains de sport. Si on ajoute ces spécificités à ce que d’autres ONG font, on franchit une étape importante.

Combiner le métier de footballeur, l’humanitaire et ton rôle de jeune père, ça ne te pose pas de problèmes ?

Non. Accueillir Sienna (N DLR, sa fille née en juin dernier) m’a apporté beaucoup de bonheur. Avoir un enfant, c’est la plus grosse responsabilité pour un être humain. Et j’essaie d’être le meilleur père possible.

Est-ce que cela a une influence sur ton jeu ? Tes nuits sont plus courtes…

Beaucoup de joueurs n’aiment pas aller à l’hôtel avant les matches, moi si, ça me permet de me reposer ( il rit). Plus sérieusement, j’ai tendance à penser que cela a eu une influence positive.

Tu te sens plus mûr que d’autres coéquipiers du même âge ?

Je ne pourrais pas le dire. Le hasard veut que mes prestations soient en hausse et le hasard veut que ça corresponde à ma paternité.

Il y a environ trois ans, tu perdais ta mère. Ce fut la période la plus difficile de ta vie ?

De loin. D’autant que sportivement, c’était aussi un moment délicat. Ma mère n’est pas morte du jour au lendemain, la maladie a duré longtemps, elle a donc beaucoup souffert, toute la famille a beaucoup souffert. Ma s£ur, qui est notamment passée quelques fois au Télévie, a été malade au même moment. De mon côté, je vivais ma première expérience à l’étranger, j’étais blessé, j’ai connu une avalanche d’événements qui m’ont plongé dans une période noire.

Comment es-tu sorti de cette période sombre ?

Avec de la volonté et l’aide de ma famille. Cette situation fut très difficile pour moi mais je me dis aussi que tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir sa mère pendant 21 ans. A cette période, pas mal de gens se sont dits :- Kompany, c’est fini. Dans ma famille, tout le monde était énervé de ce type de remarques. Moi, je me disais : – Attendez seulement. J’étais peut-être la seule personne à garder le sourire aux lèvres, personne ne me comprenait. Aujourd’hui, je continue à garder le sourire.

Tu ne t’es jamais dit que cela allait être très difficile de remonter la pente ?

Peut-être avant mon opération au tendon d’Achille en novembre 2006. A cette période, je ne jouais pas bien à cause de la douleur. Quand on m’a annoncé que je devais passer sur le billard, je me suis dit : -Si tu travailles dur, tu vas revenir à ton niveau. Il a fallu le temps qu’il fallait mais je me suis accroché. Aujourd’hui, je ne regrette rien de ce qui s’est passé.

PAR THOMAS BRICMONT

 » Je suis très à l’aise avec l’argent que je gagne et le mode de vie que je peux avoir. « 

 » Boring City ? C’est super ! Ça veut dire qu’on les énerve et c’est exceptionnel. « 

 » En tant que défenseur central, Bad Boy je prends, ce n’est pas une insulte. « 

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