VIEILLE CANAILLE

Le football n’est pas toujours en de bonnes mains. On le constate tous les jours. Récemment, il y a eu la traite de ces jeunes joueurs étrangers en Europe, assortie de corruption, de scandales, de faux passeports et de nationalités acquises illégalement.

Les coupables sont rarement attrapés et quand c’est le cas, ils poursuivent quand même leurs activités louches. Lorsque Bernard Tapie, qui avait connu le succès en cyclisme puis en football, remportant même la C1 avec l’Olympique Marseille, grâce à des pratiques douteuses, s’est fait prendre il y a trois ans, on a cru le football débarrassé du personnage pour de bon. Tapie a perdu son mandat ministériel, il a été banni du football et a même moisi quelques mois en prison. Mais sa figure charismatique de salaud aux traits d’ange n’a jamais complètement disparu de la scène médiatique. Il a récolté quelques succès comme acteur au cinéma et sur les planches parisiennes, il a déménagé à Bruxelles pour y échapper au fisc français et il s’est rebâti lentement mais sûrement une image de playboy irrésistible et d’animateur du sport. Il ne lui a pas fallu longtemps pour réintégrer le milieu (du football).

C’est l’homme qui lui a succédé à la tête d’Adidas qui l’a appelé à la rescousse pour extirper l’Olympique Marseille de la mouise. Robert Louis-Dreyfus a déjà injecté en vain quelques milliards dans un club qui ne fait que s’enfoncer dans son marasme et au classement. Nulle part ailleurs le football n’est aussi proche du petit peuple que sur la Canebière. Là, les sides n’hésitent pas à réclamer des cotisations supplémentaires à leurs membres et ils disposent d’une caisse qui permettrait à bon nombre de petits clubs de vivre sainement. Ils ont accueilli le retour de leur ancien patron avec soulagement: pour eux, pas de doute, c’est la solution entre toutes et l’assurance de nouveaux succès.

Tapie veut ramener les anciennes gloires du club, Papin, Blanc et Deschamps, au Vieux Port. Il a immédiatement demandé à Raymond Goethals de devenir conseiller et dénicheur de talents. Il a promis de grands moments à l’OM et à ses supporters et déclaré que la Ligue des Champions lui plaisait, mais « à la sauce Tapie ». Marseille est dans la dernière partie du tableau en championnat, l’Espagnol Clemente est son troisième entraîneur de la saison mais c’est comme si l’OM se trouvait sur le même pied que Barcelone, le Bayern Munich ou Manchester United.

Ce ne sera pas aussi facile qu’avant. Beaucoup de gens connaissent maintenant le personnage, tout ce qu’il a dégoisé sur le sport et le football en particulier. Il y a tous ceux qu’il a humiliés, comme Fernand Declercq, l’ancien président du Club Brugeois, lors d’un banquet officiel à Marseille, ou menacé, comme l’arbitre néerlandais Mario Van der Ende, durant la mi-temps d’un match de Ligue des Champions contre les Glasgow Rangers. Ceux-là n’oublieront jamais, ils ne pardonneront jamais.

Tapie se comporte comme s’il avait inventé le football. Il se pose en expert, esthète et visionnaire. Sans jamais en avoir appris la base, si ce n’est en titi parisien qui a tout saisi en vitesse pour escalader à grands pas les marches du succès en sport et en politique, les deux plate-formes les plus accessibles du monde des affaires actuel, à coups de salades.

On objectera que Bernard Tapie a payé pour ses fautes. Qu’il a été puni, avec une peine de prison, des amendes, la saisie de sa demeure patricienne à Paris et du luxueux mobilier de celle-ci, sans oublier le luxueux Phocéa, le yacht sur lequel il permettait à ses hôtes de parader à Marseille. Toutefois, le monde du football ne doit pas oublier la façon dont Bernard Tapie a récolté ses premiers triomphes. La canaille ne s’est quand même pas subitement amendée?

Mick Michels

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