Vie privée, vie publique

Du décès de sa mère, en 1995, au retour vers la famille, en 2007, récit de ces années qui ont façonné la championne.

Ce n’est pas le moindre des paradoxes. Justine Henin n’a jamais été très prolixe sur sa vie privée – sauf, à l’époque, pour défendre son ex-mari, souvent maltraité par la presse. Pourtant, les grands moments de son existence n’ont quasiment plus de secret pour le grand public. Justine les a elle-même mis en scène, dans ce théâtre qu’elle adore entre tous, le court central de Roland-Garros. De sa première victoire à Paris, en 2003 – six mois après son mariage -, dédiée à cette mère partie trop tôt, à son dernier triomphe en date dans la capitale parisienne, partagé avec une grande partie de sa famille, retrouvée quelques mois auparavant.

Une famille durement éprouvée par le décès de Françoise, la mère de Justine, emportée en 1995 par le cancer. Mais qui avait déjà été cruellement frappée par le sort, vingt ans plus tôt, lorsque Florence, premier enfant de José et Françoise Henin, avait perdu la vie à l’âge de 4 ans, renversée par un chauffard.

A 17 ans, elle fuit son père et sa famille

Des événements tragiques qui ont en quelque sorte façonné le destin de la championne. Son père, 58 ans, ancien receveur à La Poste aujourd’hui retraité, s’en est expliqué récemment au journal L’Equipe.  » Ça (le décès de Florence) a flingué ma sérénité pour le restant de ma vie. Après cela, je suis devenu extrêmement protecteur avec mes quatre autres enfants. Juju, je ne la rassurais pas, je lui renvoyais beaucoup d’angoisse parce que j’étais tellement inquiet. J’avais tout le temps peur pour elle (…). Ces angoisses, bien sûr, je les lui communiquais lorsqu’elle jouait au tennis. Je n’ai jamais cru en elle. Un jour, alors que tout le monde l’encensait, je lui ai carrément dit : « Est-ce que tu ne ferais pas mieux de faire des études ? » « 

Ce père qui fait peser sur sa fille une pression devenue insupportable, Justine Henin décide de le fuir en 2000. Par besoin de sérénité. Sa famille n’existera plus, pour elle, pendant sept longues années – elle gardera seulement quelques contacts discrets avec sa s£ur Sarah, 21 ans aujourd’hui. C’est pourtant durant cette période qu’elle accède au panthéon du tennis mondial. Histoire d’honorer les promesses faites à sa mère, et en particulier celle de gagner un jour le tournoi de Roland-Garros, auquel elles ont assisté côte à côte, en 1992 – une finale entre Steffi Graf et Monica Seles.

Une mère qui a tout donné à sa fille, jusqu’à ses derniers jours : en 1995, un mois avant sa mort, et alors qu’elle se sait condamnée, elle lance un ultime défi à Justine, engagée dans le Tournoi des Petits As, à Tarbes. Justine, qui n’a pas encore 13 ans, ignore la gravité de sa maladie. Elle lui demande de la rejoindre dans le sud de la France. Sa mère lui répond :  » D’accord, si tu gagnes ton quart de finale  » (NDLR : contre une adversaire en principe nettement supérieure).  » Le match a duré 35 minutes, a raconté son père. Justine l’a gagné 6-0, 6-0. Elle n’a pas pris le temps de saluer le juge de chaise, a couru tout de suite vers la cabine téléphonique pour appeler sa mère, lui dire qu’elle avait gagné et qu’elle pouvait prendre la route.  » Sa mère est donc allée à Tarbes, pour voir jouer sa fille une dernière fois…

Douze ans plus tard, c’est encore le destin qui va réunir le clan Henin. Justine se sent bien seule, au début de l’année 2007. Elle vient d’annoncer son divorce, a renoncé à se rendre en Australie pour les premiers tournois de la saison. Son frère aîné, David, 33 ans, propriétaire du restaurant Le Saint-Paul Gourmand, à Liège, est victime d’un terrible accident de voiture au mois de mars. Pendant plusieurs jours, il est dans le coma, entre la vie et la mort. Sarah avertit sa grande s£ur. Justine se rend au chevet de David et y retrouve Thomas, 32 ans aujourd’hui, le frère dont elle était le plus proche.

David sort du coma et, à son réveil, aperçoit sa championne de s£ur, revenue vers sa famille. Les retrouvailles avec son père auront lieu rapidement. A L’Equipe, José Henin raconte :  » Il y a eu des larmes, bien sûr. Mais j’étais calme. On n’a pas parlé du passé, de ce qui nous avait séparés. Ce fut un moment très étrange. Parce que j’étais, bien sûr, fou de joie de retrouver Justine et qu’en même temps j’avais un fils qui se battait contre la mort. Heureusement, l’état de David s’est vite amélioré (…). J’ai gardé mon fils et j’ai retrouvé ma fille. C’est fou, non ? « 

2007, sa meilleure saison

Dans la foulée, Justine Henin réalisera en 2007 la plus belle saison de sa carrière, gagnant pas moins de 10 titres en tournoi, dont Roland-Garros, l’US Open et les Masters, après une finale épique. Pour Patrick Haumont, journaliste qui suit la joueuse depuis qu’elle a 6 ans et qui s’apprête à publier une nouvelle version de sa biographie, Justine, la reine de Roland-Garros, ses exploits de 2007 ne sont pas dus au hasard.  » Consciemment ou inconsciemment, tout ce qui se passe dans la vie privée de Justine Henin sert à la faire avancer vers ce qui est son but : être toujours meilleure sur un terrain et se maintenir le plus longtemps possible au sommet du tennis mondial. Dans les événements tragiques comme dans les moments heureux de son existence, elle a puisé de nouvelles ressources pour faire progresser encore son jeu et sa carrière. En ce sens, la vie privée et la vie sportive de cette championne sont intimement liées. « 

Et le prochain épisode de la saga est programmé en mai 2008, quand s’ouvrira le prochain tournoi de Roland-Garros. Son père, pour la première fois, pourrait être dans les tribunes pour y assister à un match de sa fille sur la brique pilée parisienne. L’homme, pourtant, n’est pas encore sûr de vouloir défier le destin :  » Je ne sais pas si j’oserai aller la voir. Elle a gagné les trois dernières éditions et je ne voudrais pas qu’elle perde alors que je suis là.  » Fin du suspense dans quatre mois, lors du prochain épisode de la saga Henin, à Paris…

N. Gh.

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