Veut-on que je reste?

L’entraîneur des Hurlus voudrait voir des signes de réelles ambitions sportives chez ses dirigeants.

L’Excelsior Mouscron a raté l’occasion de monter sur la troisième marche du podium en s’inclinant à l’Antwerp, mercredi passé. Les Hurlus, cette saison, figurent aussi parmi les rois du gaspi. On se souvient de nombreuses unités perdues en fin de rencontre, alors qu’ils avaient pris l’avantage : à Mons, au Standard, au Lierse, Cercle Bruges, à St-Trond… Au Bosuil, c’est plutôt dans la première demi-heure qu’ils ont été piégés, sur des contre-attaques découlant d’autant d’erreurs défensives.

En réalité, si les hommes de Georges Leekens se montrent intransigeants en championnat dans leur Canonnier fétiche, ils s’exportent très mal.  » C’est vrai qu’on joue moins bien à l’extérieur « , reconnaît LongCouteau.  » Mais, plutôt que de comptabiliser les points perdus, je préfère comptabiliser les points… gagnés. En début de saison, d’aucuns nous cataloguaient comme candidats à la relégation !  »

Peu de gens, en effet, attendaient un tel parcours de l’Excelsior…

GeorgesLeekens : Cette saison ne s’est pas déroulée comme un long fleuve tranquille. D’abord, je suis arrivé au début juillet, alors que les entraînements avaient déjà commencé. Il a directement fallu redistribuer certains rôles et cela ne s’est pas fait sans heurts, notamment dans le chef de Lorenzo Staelens. Sur le plan sportif, il a fallu composer avec l’héritage du passé : une équipe trop rajeunie, qu’il a fallu équilibrer, et d’autres contrats trop lourds, qui limitaient la marge de man£uvre. Il a fallu attendre longtemps pour pouvoir finaliser les transferts de Samir Beloufa et de Stephen Laybutt, dont on mesure aujourd’hui toute l’importance. Comble de malchance, Gordan Vidovic s’est blessé en match amical et a dû mettre un terme à sa carrière. En août, alors que le championnat allait commencer, on était toujours dans l’incertitude en ce qui concerne Mbo Mpenza : partira, partira pas ? La question s’est reposée lors du mercato hivernal. Il y a eu un forcing de Bruges, une réaction d’Anderlecht et finalement une dernière tentative du Standard. J’aurais aimé pouvoir engager trois joueurs bosniaques découverts par Vidovic. Le club n’en avait pas les moyens. Heureusement, Grégory Lorenzi a pu être engagé. Mais en février, alors que l’on pensait être débarrassé de toutes ces turbulences, le Standard s’est mis en tête de convoiter Christophe Grégoire. Et Luigi Pieroni commence aussi à faire l’objet de sollicitations, suite à son statut de meilleur buteur du championnat.

Ce dernier était arrivé en provenance de D2, comme d’autres joueurs. Dès le départ, on sentait que vous ne croyiez pas en Pieter Maes, qui est déjà retourné à Zulte-Waregem entre-temps. Croyiez-vous en Luigi Pieroni ?

Pieter Maes avait affaire à forte concurrence à son poste, avec Steve Dugardein et Tonci Martic entre autres. Il ne pouvait pas atteindre leur niveau, et dans le contexte de l’équipe Première, on ne peut pas faire du social. En ce qui concerne Luigi, j’attendais pour me prononcer. Entre la D2 et la D1, il existe un fossé. Il devait s’habituer progressivement à un rythme d’entraînement plus élevé. Il fallait aussi voir de quelle manière il allait développer son sens du but. Car, un attaquant qui ne marque pas devient un pivot, comme René Eijkelkamp autrefois. Luigi Pieroni a beaucoup travaillé. Durant les premiers mois, il était réserviste, mais lorsqu’il montait au jeu, il trouvait presque toujours le chemin des filets et il a pris confiance. Il a aussi perdu beaucoup de poids. En outre, il s’est retrouvé dans une équipe qui tourne et a pu bénéficier des conseils de Mbo Mpenza, comme il l’a déjà déclaré. Sa marche de progression est encore énorme. Il doit améliorer son jeu sans ballon, et lorsqu’il reçoit le ballon, apprendre à mieux le conserver, même s’il le perd déjà moins qu’autrefois. Je dois louer le flair de Lorenzo Staelens et d’Eddy Mestdagh, qui ont eu le nez fin en l’engageant.

Le défi, durant la prochaine période de transferts, sera de ne pas perdre en même temps Mpenza, Grégoire et Pieroni ?

Si l’on reçoit cinq millions d’euros et que l’on réinvestit une grande partie de cette somme dans le domaine sportif, je peux l’accepter. Mais, si l’on brade les prix, cela me dérange davantage. Ces joueurs ne sont pas en solde. Un prix a été fixé pour leur départ et, compte tenu de leur valeur, il est très raisonnable. Lorsque je vois la somme qu’a récoltée Beveren pour la vente de Gilles Yapi Yapo, Yaya Touré et Arsène Né, je me dis qu’à Mouscron, on a trop tendance à offrir des cadeaux à nos concurrents directs.

 » Essayons de bâtir la meilleure équipe  »

Parce que le club a besoin de vendre ?

Je ne sais pas, c’est plutôt au président à répondre à cette question. Moi, je me demande : si l’on vend tous nos meilleurs joueurs, comment parviendra-t-on à vendre des abonnements, des loges ou des espaces publicitaires pour la saison prochaine ? Je suis plutôt partisan de la politique inverse : essayons de bâtir la meilleure équipe possible pour pouvoir présenter un bon produit aux candidats sponsors.

Donc, vous plaidez plutôt pour d’autres achats, même s’il n’y a pas d’argent ?

Parfaitement. Je comprends qu’on ne puisse pas faire de folies. On avait pensé faire revenir Jonathan Blondel au bercail, cet hiver. J’ai personnellement téléphoné à David Pleat. Mais il fallait qu’il revienne gratuitement, et que Tottenham continue à payer une partie de son contrat. Mouscron n’avait pas les moyens de payer un prix de transfert, ni l’intégralité de son contrat. Dans ces conditions, il faut s’incliner. Mais cela ne signifie pas qu’il faille rester inactif. Dans certains domaines, l’équipe actuelle accuse encore des faiblesses, on l’a vu lors de certains matches. Lorsque l’adversaire propose un défi physique, on éprouve des difficultés à le relever. On doit encore trouver un meilleur équilibre au niveau de la récupération. Certains joueurs importants, aussi, commencent à prendre de l’âge, et c’est dès à présent qu’il faut songer à leur future succession. Je veux encore davantage de concurrence dans le noyau. Une vraie concurrence, pas une fausse concurrence représentée par 28 ou 30 joueurs d’un niveau très moyen. La saison prochaine, l’Excelsior sera peut-être européen. A ce niveau-là, toutes ces faiblesses se payeront cash, encore davantage qu’en Belgique. Pour combler ces lacunes, je ne vois guère d’autres solutions que d’engager des joueurs supplémentaires. A plus forte raison si, en plus, on doit déplorer des départs. Pour l’instant, la force de Mouscron réside dans son secteur offensif. Si on laisse partir Mbo, Christophe et Luigi, et qu’on se contente de les remplacer par des jeunes, on jouera pour la 16e place. Et il faudra recommencer tout le travail à zéro. Anderlecht lui-même a eu du mal à se remettre des départs conjoints de Jan Koller, Tomasz Radzinski, Bart Goor et Didier Dheedene en 2000. Alors, Mouscron, imaginez-vous ?

Jean-Pierre Detremmerie estime qu’étant donné la basse conjoncture actuelle, il y a suffisamment de joueurs sur le marché…

Il y en a beaucoup, c’est clair, mais combien de joueurs de qualité dans le lot ? On ne découvrira pas un Luigi Pieroni chaque année. A fortiori… gratuitement. Mbo Mpenza, lui, est carrément irremplaçable. S’il part, il faudra renforcer d’autres secteurs de l’équipe, car on ne trouvera pas une copie conforme. Au Cercle Bruges aussi, on tenait ce genre de discours : le club survivait grâce à la vente de joueurs, qu’il remplaçait par d’autres footballeurs inconnus achetés à bas prix. Cela a marché un an, deux ans, mais au bout du compte, le Cercle Bruges s’est retrouvé en D2. Les accidents, cela n’arrive pas qu’aux autres. La saison dernière, l’Excelsior a eu la chance que Malines et Lommel aient dû faire face à des problèmes financiers, car il était aussi mal embarqué. Puisse le club avoir compris la leçon.

 » Je ne veux pas jouer pour la 16e place  »

Vous ne semblez plus tout à fait sur la même longueur d’ondes que votre président ?

J’ai donné mon point de vue sur un certain nombre de choses. Mon rôle est de garder le club au plus haut niveau possible, sur le plan sportif. Je n’ai pas envie de jouer pour la 16e place. Je ne demande pas de jouer le titre, je sais que c’est impossible : Mouscron a ses limites, en termes de sponsoring et de public, ou alors il faudrait que Lille et Lens descendent de concert en D2. Mais le club doit avoir l’ambition de jouer chaque année pour la 5e ou la 6e place. Un bon classement, cela augmente aussi la valeur des joueurs. Combien de joueurs l’Excelsior a-t-il pu vendre au terme de la saison dernière, après un deuxième tour catastrophique ? Maintenant qu’on a pu redresser la barre et qu’on a le vent en poupe, il faut profiter de cet élan pour garder le cap et ne pas virer de bord pour revenir en rade. Grâce à la réussite de Beloufa et de Lorenzi, beaucoup de joueurs français veulent désormais venir à Mouscron. Les Australiens, aussi, sont sensibles à la réussite de Laybutt. Et les joueurs de D2 savent, depuis l’éclosion de Pieroni, qu’ils recevront leur chance au Canonnier. Mais on doit savoir, aussi, qu’en transférant uniquement des joueurs de D2, on ne parviendra pas à constituer une bonne équipe de D1. Oui, je plaide pour investir dans le domaine sportif… même s’il n’y a pas d’argent. On en recueillera les fruits. Je demande parfois d’engager des joueurs, mais je n’ai jamais laissé un club exsangue, en le quittant. Au contraire.

Et vous-même ? On sait que vous êtes encore sous contrat jusqu’en juin 2006, mais resterez-vous ?

Veut-on que je reste ? C’est peut-être sous cet angle-là qu’il faut poser la question. En ce qui me concerne, je veux être suivi et respecté, et avoir mon mot à dire dans la politique sportive du club. Si c’est le cas, et que je suis heureux dans mon travail, je ne demande pas mieux que de rester.

Et l’êtes-vous, heureux dans votre travail ? Vous n’avez, dit-on, guère apprécié les man£uvres autour de Mbo Mpenza et de Christophe Grégoire. Et, récemment, vous n’avez pas été consulté lors de l’engagement de Roland Louf…

Il y a eu un problème de communication. Une petite friction, de temps en temps, cela peut arriver. Mais si un problème majeur surgit, et que l’on me plante un couteau dans le dos, je dis au revoir et merci. Je l’ai déjà fait, précédemment. A Charleroi, j’avais encore un beau contrat d’un an, mais certaines choses ne me plaisaient pas. Je ne me sentais plus bien dans ce club et j’ai signifié à Jean-Paul Spaute qu’il ne devait plus compter sur moi.

Daniel Devos

 » Je ne demande pas de JOUER LE TITRE, je sais que c’est impossible « 

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